La lutte contre le piratage via les logiciels de peer to peer s’enrichit en polémiques, essentiellement autour de la notion d’appropriation de l’information.
En effet, les partisans de la lutte, ne pouvant s’en prendre à la totalité des pirates internautes ou remettre en cause la légalité desdits logiciels, remontent désormais à la source, c’est à dire aux données elles-mêmes, avec la gestion numérique des droits ( Digital Rights Managements, DRM ).
La dernière parade proposée en ce sens s’insèrerait dans la prochaine loi relative aux Droits d’Auteur et Droits Voisins dans la Société de l’Information. L’urgence ayant été déclarée, le texte devrait être examiné au Parlement vers le 22 décembre. A cette fin, le Conseil Supérieur de la Propriété Littéraire et Artistique (CSPLA) prépare déjà un amendement, sur la demande du Ministre de la Culture. Surnommé « amendement Vivendi Universal », du fait de l’importante promotion assurée par cette société (cf. le discours de Jean René Fourtou aux Nations Unies, du 12 octobre 2004, contre le piratage intellectuel), il prévoirait l’interdiction des logiciels peer to peer et des messageries instantanées qui n’utiliseraient pas les systèmes de DRM. La promotion de leur usage serait également sanctionnée.
Ce dispositif, avant même d’être entériné, suscite déjà de vives réactions. Les partisans de la culture libre et de la coopération créative s’y sont bien sûr opposés ; selon eux, la tendance actuelle s’orienterait vers une appropriation de l’information toujours plus importante, à des fins qui seraient strictement commerciales. Les dispositions précitées constitueraient ainsi une nouvelle arme pour la propriété informationnelle, restreignant encore plus les limites de la liberté individuelle.
Pourtant, le projet de loi entend bien préserver l’exception de copie privée, garantie fondamentale de la liberté et de la propriété des usagers ; le mécanisme des DRM ne lui est d’ailleurs pas incompatible par nature. La solution ainsi contestée pourrait donc sembler relativement équilibrée, aussi bien pour les titulaires de droits que pour les éditeurs de peer to peer et leurs usagers. Reste à savoir comment elle serait appliquée, le potentiel des DRM étant assez large.
Une commission de réflexion, instituée au sein du Conseil précité, devrait rendre, cette semaine, un rapport relatif aux mesures que le projet de loi pourrait comporter à ce niveau. Elle est présidée par le professeur Pierre Sirinelli.
A ce jour, l’inquiétude (légitime ou superflue ?) des opposants au texte vient du moment retenu pour le vote : le 22 décembre, soit juste avant Noël, période durant laquelle l’Assemblée Nationale est souvent désertée par les députés, ce qui faciliterait le vote.
Sources :
– www.droit-ntic.com
– AIGRAIN Philippe, « Le temps des biens communs », Le Monde Diplomatique , octobre 2005, p.25.