Sony BMG s’est mise dans un situation fort embarrassante en cherchant à prévenir le piratage de ses produits.
Ainsi, il a été inséré, sur les Cds audio de plusieurs albums édités par la société, un rootkit censé limiter la copie, par extension illégale. Mais la technologie employée est elle-même empreinte d’illégalité ! Son mécanisme est le suivant : dès l’insertion du disque, le logiciel en question s’installe sur le PC de l’utilisateur ; il dissimule ensuite la technologie DRM de protection du copyright, inscrite sur le Cd ; au final, ledit utilisateur ne peut la contourner, et le nombre de copies et d’extractions est donc automatiquement limité. Bien évidemment, pour être efficace, le logiciel est indétectable par le système d’exploitation … mais aussi par les anti-virus.
Ce rootkit comporte par conséquent un risque : faciliter la circulation des virus et autres vers informatiques, qui s’installeraient secrètement et en toute sécurité sur les PCs des utilisateurs. Un expert a signalé, dès le début du mois, ce danger potentiel. Il a rappelé de plus que la technologie employée par Sony est déjà très prisée par les hackers , exactement pour la raison précitée.
Cette annonce, déjà assez scandaleuse, a mis le doigt sur un deuxième élément : l’incorporation du rootkit aux Cds n’était nullement mentionné dans les conditions d’utilisation ! Les acheteurs n’étaient donc pas informés de la présence de ce système et des applications qu’il développait sur leurs PCs. Bien sûr, la dissimulation n’aurait pas été totale sans cela ; mais elle constitue bien une violation de l’exigence d’information des consommateurs. Pour faire bonne figure, Sony a tout de suite « avoué ses torts » et a proposé un correctif permettant de désinstaller le rootkit . Mais les choses se sont encore aggravées.
Naturellement, pas plus tard que la semaine dernière, une plainte collective de consommateurs américains a été déposée contre la société, pour manquement à son obligation d’information. Leur colère s’est aussi trouvée accrue par le fait que la désinstallation proposée provoque un certain nombre de dysfonctionnements dans les systèmes d’exploitation (allant jusqu’à la perte de données !) ; de plus, alors que Sony minimisait les risques, le logiciel a permis la propagation de nombreux virus. La fabrication des Cds incriminés a dès lors été suspendue et les premiers acheteurs ont été invités à rapporter les exemplaires vendus ; 52 albums semblent concernés.
Enfin, pour achever ce tableau apocalyptique, une révélation est tombée ce 18 novembre : la technologie antipiratage de Sony est partiellement une contrefaçon ! Elle intègrerait en effet des éléments de code source régis par une licence de logiciel libre GPL, utilisés sans autorisation et au mépris des obligations que pose ladite licence.
Face à ce scandale grandissant (sur seulement trois semaines !), la maison de disques n’a guère eu le choix : elle décide de retirer définitivement cette technologie de ses Cds, sans renoncer pour autant à l’utilisation de DRM.
Cette affaire risque d’attenter gravement à son image de marque et nous réserve peut-être encore de nouveaux rebondissements.
Elle a néanmoins le mérite d’attirer l’attention sur les difficultés que comporte la gestion numérique des droits d’auteur et copyrights ; peut-être était-ce une étape nécessaire pour mieux assurer la conciliation des intérêts de tous, auteurs, éditeurs et consommateurs ?
Source : www.vnunet.com
Philippe MOURON