L’équipe du quotidien Libération a voté une grève reconductible de 24 heures le lundi 21 novembre 2005. Ce mouvement vient en réaction à un communiqué de la direction du journal, par lequel celle-ci a dévoilé un nouveau plan « d’économie et de transformations des organisations ».
Le but poursuivi par cette réforme est de remettre l’entreprise en situation bénéficiaire pour 2007, en dynamisant les créneaux rentables pour accroître le chiffre d’affaires ; 4 millions d’euros d’économie sont escomptés.
Pour ce faire, ledit projet prévoit principalement une refonte de la rédaction ; ainsi, le passage au système dit « bi-média » sera total, le stade actuel étant qualifié d’ébauche. L’accent sera davantage mis sur l’articulation entre l’édition papier et les éditions électroniques (plusieurs par jours), lesquelles seront partiellement payantes. Des mesures supplémentaires sont également prévues : nouvelle édition du quotidien pour l’année prochaine ; développement de l’édition du samedi, jour durant lequel le temps de lecture est censé être plus important ; apparition de deux suppléments hebdomadaires (« Ecrans » et « Plaisir »). Ces différentes propositions sont présentées par la direction comme servant à relancer le chiffre d’affaires.
Mais, corrélativement, afin de restaurer l’équilibre, le deuxième versant du projet s’attaque aux « économies » proprement dites. Les mesures envisagées sont les suivantes : recentrage de la rédaction, qui sera unique pour tous les supports ; externalisation de certaines fonctions, la sous-traitance devant générer des bénéfices ; resserrement des équipes aux niveaux hiérarchique et fonctionnel ; révision de l’application des 35 heures, permettant d’assumer le travail supplémentaire généré par la restructuration. Au final, 38,5 postes seront supprimés et 14 autres seront externalisés, soit 10 et 5 % de l’ensemble des postes.
« Inacceptable !» ont clamé les syndicats. Sans s’opposer, a priori, sur le fond à une nouvelle édition, leurs responsables demandent à la direction que celle-ci soit envisagée sans suppression de postes. Les critiques fusent sur le communiqué, qui avait été présenté le matin même du 21 novembre ; les suppressions envisagées seraient nettement ciblées, d’après les éléments évoqués dans le texte. De manière générale, il semble qu’il s’agisse d’une annonce à retardement ; les membres de la rédaction l’auraient pressentie lorsque Serge July, le 26 septembre, a parlé d’une éventuelle réforme au sein de la rédaction. Ce plan est à rattacher de plus aux exigences de Edouard de Rotschild, dernier venu au sein de l’actionnariat et qui avait déjà annoncé vouloir réduire les charges du quotidien.
Si les syndicats ont actuellement convenu d’une grève, l’hypothèse d’une motion de défiance contre la direction a été envisagée ; toutefois, certains craignent justement que cela ne serve l’actionnaire principal précité, qui aurait vu son plan initial limité par la même direction.
Depuis aujourd’hui, Libération est absent des kiosques et son site internet ne fonctionne plus. Seule y apparaît, depuis 16 heures, l’annonce de la reconduction de la grève, décidée « à l’unanimité, moins deux abstentions ». Les syndicats prévoient un réunion pour demain, afin d’établir leurs positions, lesquelles seront présentées au comité d’entreprise jeudi.
Source : – Libération et Le Monde
Philippe MOURON