LA CRISE DU CINEMA

Le cinéma est en crise depuis longtemps. La baisse des résultats et la certitude de la profession de ne plus être maîtresse de son destin expliquent la panique qui s’est emparée du marché.
Aujourd’hui on compte le nombre de copies et non plus les entrées du « premier jour » ou celles « première séance ». La rotation des films se fait très rapidement puisque certaines semaines 2 500 copies nouvelles sont lancées sur le marché. Cette inflation du nombre de copies sert à écraser la concurrence. Les films doivent faire le plein de leurs entrées en deux semaines. On assiste à la multiplication des programmations sauvages. Les règles tacites qui respectaient l’intérêt commun ont disparu.
De plus, les distributeurs indépendants accusent la mainmise sur le marché opérée par les chaînes de télévision comme TF1 (TFM), Canal + (Mars film) et M6 (SDN). TF1 n’a jamais programmé de films de Woody Allen pourtant c’est TFM qui distribue son dernier film « Match Point »…
Le public jeune est la cible privilégiée des films car il est censé se précipiter dans les salles lors de la sortie du film. Les personnes plus âgées, moins sensibles aux campagnes promotionnelles ont besoin de plus de temps pour se décider à aller voir un film. Aussi des succès relatifs remportés par les films de Jarmusch, Haneke ne font pas oublier les échecs des Dardenne, de Wenders, de Lars von Trier, etc. La baisse de 50% de spectateurs en deuxième semaine est considérée comme normale. D’ailleurs un producteur a déclaré : « Quand quelqu’un vous parle en bien d’un film, c’est soit qu’il l’a déjà vu, soit qu’il n’ira pas le voir ».
Dans les salles, la vente de la confiserie rapporte plus aux exploitants que les billets d’entrée. « Les mauvais esprits suggèrent que les films leur sont nécessaires pour vendre du pop-corn. Ainsi aujourd’hui on assiste à une banalisation du produit film. Grâce au DVD, une nouvelle génération de cinéphiles est née ; il faut tout de même noter que le DVD vendu dans les grandes surfaces n’est souvent qu’un produit d’appel qui ne rehausse pas le prestige attaché au film. Quant à la télévision, elle utilise les films pour vendre des spots publicitaires qui choisiront les films afin d’atteindre leurs objectifs financiers.
On note aussi depuis quelques temps la disparition du nom du réalisateur sur les affiches de films hollywoodiens. Celles-ci mentionnent : « par le réalisateur ou le scénariste, ou le producteur de… et là suit le nom d’un succès. Les spectateurs choisissent leur film à partir d’une marque déposée que représente le film lui-même. La publicité d’un film est faite à partir d’extraits de critiques systématisées ce qui ne suscite plus aucun désir chez le spectateur.
L’infantilisme de la production majoritaire produit une baisse du niveau général d’exigence ainsi les films destinés aux enfants ou aux adolescents sont considérés comme intéressant aussi aux adultes qui ne veulent plus « se prendre la tête ».
Des solutions existent tout de même : il faudrait limiter le nombre de copies par le distributeur et par mois et soutenir les indépendants. Ces solutions sont malheureusement difficiles à mettre en œuvre car dans ce milieu règne l’omerta.

Source : Le Nouvel Observateur de la semaine du 1 au 7 décembre 2005

Laurie MOUNE