Janvier 2020. Frodon, Aragorn, et Gandalf, héros mythiques du Seigneur des Anneaux, se retrouvent projetés simultanément sur plusieurs milliers d’écrans dans le monde, grâce à une liaison satellite. Le film, entièrement numérisé et en trois dimensions, n’est diffusé que quelques semaines en salles, puis devient disponible sur home cinéma, en vidéo à la demande. Un scénario irréaliste ? Peut-être pas, car il s’inspire d’une étude prospective menée par l’ARP, la société civile des auteurs-réalisateurs-producteurs. Dans une vingtaine d’années, les pellicules de 16 ou de 35 millimètres, qui ont fait les beaux jours du septième art jusqu’à aujourd’hui, ne seront peut-être plus qu’un lointain souvenir. En effet, caméras, montage, post-production, effets spéciaux… le numérique gagne peu à peu l’ensemble de la chaîne de production et de consommation cinématographique. Bientôt, il sera omniprésent à Hollywood, et le film entrera dans une nouvelle ère.
La révolution numérique est déjà en marche. En novembre 2005, le groupe français Thomson et sept des plus grands studios américains ont conclu un accord prévoyant l’installation d’un réseau de distribution numérique dans plus de 15.000 salles aux Etats-Unis et au Canada, d’ici à 2015. Bientôt, l’Europe leur emboîtera le pas. Les enjeux techniques et financiers d’une telle mutation sont énormes. Avec la généralisation du numérique, c’est tout le calendrier de réalisation et de commercialisation des films qui sera bouleversé. D’après l’ARP, quatre semaines seulement seront désormais nécessaires entre le tournage, la sortie en salles, et l’adaptation d’un long métrage sous forme de jeu vidéo, contre trois mois minimum actuellement. L’accélération de la production cinématographique et la mise en œuvre d’une multi-diffusion simultanée pour les films permettront aussi de réduire considérablement les risques de contrefaçon et de piratage.
Les acteurs, eux aussi, sont progressivement dématérialisés. Les progrès dans le domaine de la gestion de personnages numériques sont spectaculaires. Certains logiciels sont déjà capables de gérer des foules virtuelles de plusieurs dizaines de milliers de personnes : cent mille combattants pour l’armée de Sauron dans Le Seigneur des Anneaux, soixante mille spectateurs pour la foule du Colisée dans Gladiator… D’autres technologies permettent de cloner les acteurs pour effectuer des cascades ou des performances par voie numérique : Arnold Schwarzenegger dans Terminator 3, Tom Hanks dans le Pôle Express… Plus de caméras, de décors, ni d’éclairages. Gollum, l’une des créatures les plus importantes de la trilogie du Seigneur des anneaux, a été entièrement créé grâce au procédé de motion capture. Pendant plusieurs mois, Andy Serkis, le comédien, a interprété son personnage bardé de capteurs, seul, devant un fond bleu ; un ordinateur enregistrait ses mouvements, ses expressions. Une fois l’enregistrement terminé, il ne restait plus aux spécialistes des effets spéciaux qu’à donner une forme pseudo humaine à Gollum et à l’intégrer dans le film…
Source : Nicole Vulser, « Des films sans pellicules… et sans acteurs »
Benoît LANDOUSY