Depuis le mercredi 28 décembre 2005, près d’une centaine de journalistes du quotidien chinois Beijing News sont en grève, afin de protester contre le limogeage du rédacteur en chef et de deux de ses adjoints. Cet événement est une première dans ce pays, où les médias sont muselés par le pouvoir et la ligne éditoriale prédéterminée par les services de propagande. L’origine du mouvement se ramène bien sûr au combat pour la liberté de la presse.
Le Beijing News est en effet réputé pour sa hardiesse dans le traitement de certains sujets, s’écartant largement des orientations définies par les services précités. Récemment encore, la rédaction s’est vue reproché d’avoir consacré un article à la répression d’une manifestation rurale dans le nord du pays. Outre cette liberté de ton, le journal se caractérise également par sa grande popularité, ce qui a bien sûr suscité des réactions de la part des autorités.
Le licenciement des trois responsables de la rédaction apparaîtrait ainsi comme une mesure politique, destinée à rétablir une ligne éditoriale propagandiste. Cette affirmation est démentie par la direction du Guangming Daily, actionnaire principal du Beijing News, pour qui il s’agirait seulement d’un transfert de poste.
Mais de nombreux doutes subsistent et il semble permis d’y voir une réelle mesure de répression. En effet, le Guangming Daily est un journal ultra conservateur, dépendant directement du Parti Communiste. De plus, il est avéré que différents responsables de la propagande se sont plaints des écarts du Beijing News, appelant même à une remise au pas du quotidien (et ce pas plus tard que début décembre selon des sources chinoises).
Le caractère politique de ce « transfert de poste » semble donc avéré, alors même que le Gouvernement chinois a multiplié, en cette année 2005, les mesures de répression à l’encontre des médias. Cette nouvelle décision, outre l’impact qu’elle provoque au sein même de la Chine, provoque également la stupéfaction à travers le monde. Reporters Sans Frontières a notamment exprimé sa consternation, rappelant les précédentes sanctions dont le Beijing News avait pu faire l’objet.
Le journal apparaît ainsi comme un fervent défenseur de la liberté de la presse et la grève qui vient d’être lancée marque le pas d’un regain de protestation au sein de la Chine ; elle se trouve d’ailleurs relayée par Internet, via les forums et autres blogues des internautes chinois, qui semblent encore échapper au contrôle des autorités. Mais pour combien de temps ? Et quelle sera, à l’avenir, l’attitude du pouvoir face à ces nouvelles critiques ?
Source :
– Le Monde
– RSF
Philippe MOURON