Cinq ans après l’arrivée rocambolesque sur M6 d’un Big Brother gaulois, alors rebaptisé « Loft Story », la télé réalité est entré dans les mœurs et fait belle et bien partie du PAF. Nous savons bien que la télévision ne fait qu’épouser les dérives de notre temps et par delà la reconduction annuelle de ce type de formule, le retour vers un moyen âge fantasmagorique avec « le Royaume », version suédoise et hivernale de « Koh-Lanta », n’a pas eu le succès escompté. En effet, deux semaines seulement après son lancement le samedi 18 février à 20h50, la direction de la chaîne a décidé d’y mettre fin. Sur M6, l’émission « fallait pas décrocher » présentée par Maurad et produite par Julien Courbet devrait connaître le même sort. Il semble que le secteur privé ait de plus en plus de mal à satisfaire les téléspectateurs. Mais le défi est identique pour le secteur public où les téléspectateurs ont fui les programmes de début d’après-midi sur France 3 et les essais fructueux s’enchaînent depuis la fin de « c’est mon choix » en août 2004.
Le 6 septembre 2004, Valérie Benaïm, fraîchement débauchée de TF1, arrive avec une nouvelle émission baptisée « J’y vais, j’y vais pas » : premier échec.
« Télé la question » diffusé à 13h30 fut le deuxième échec, puis c’est au tour de Pierre Bellemare de préparer le troisième avec « Histoires Extraordinaires ». Le constat est le suivant : les divertissements ne séduisent plus, seules 600 000 personnes ont regardé « drôle de couple » et à peine 15 jours après la mise à l’antenne sur France 3 de ce nouveau divertissement, la direction a décidé de déprogrammer brutalement ce jeu et lundi 13 mars les téléspectateurs ont pu retrouver « L’inspecteur Derrick ». Depuis novembre 2002, le CSA autorise ce genre de pratiques « en cas de contre-performances d’audience significatives des premiers numéros ou épisodes d’une série de programmes ». Ce fut le cas de plusieurs programmes notamment « les poules ont des dents » sur France 2, « starting over » sur TF1.
Public et privé, producteurs et diffuseurs, tous ont du mal à imposer de nouveaux concepts. Certains ont compris le système : étudier ce qui marche à l’étranger et l’importer sur les écrans français, c’est le cas de certains jeux comme « qui veut gagner des millions », « popstar » ou encore « star academy ».Encore faut il leur laisser le temps de se développer : le cas du feuilleton « plus belle la vie » qui a mis près de 6 mois à trouver son public, en est un bon exemple et est aujourd’hui le meilleur élève de France 3. Des émissions comme « caméra café » ou « un gars, une fille » ont aussi mis du temps à fidéliser les téléspectateurs.
Face à l’offre exponentielle de programmes qui est de plus en plus diversifiée, nos bonnes vieilles chaînes ont du mal à se maintenir, les divertissements de marchent plus comme à leur début et il est de plus en plus difficile de répondre aux attentes supposées de téléspectateurs de plus en plus blasés et blindés .
John De Mol avait dit « si je propose un jour un jeu consistant à faire monter 10 personnes avec seulement 9 parachutes dans un avion destiné à être descendu en flammes, je sais que je trouverais des candidats ». En effet ! Et pire encore des téléspectateurs !
En août 2005, sur la chaîne hollandaise Talpa, une douzaine de jeunes gens étaient invité à éjaculer ; le jeu consistait en fait en une course de spermatozoïdes.
Le pire reste donc à venir ; « la télévision a réussi à transformer l’innocent aux grands yeux qu’était le téléspectateur en ce fainéant voyeur et insatiable ». Le challenge s’avère donc périlleux mais ne néglige aucune occasion de décerveler un public qui en redemande.
Sources :
Cahier du Monde daté du 19 et 20 mars 2006
MEYER (M.), Le livre noir de la télévision, éd Grasset et Fasquelle, 2006, 501 p
Linda COMBE