LES LIMITES À LA LIBERTÉ DE CRÉATION : LE DROIT AU RESPECT DE LA VIE PRIVÉE

Le Tribunal de Grande Instance d’Aix-en-provence a ordonné le 10 Janvier 2006 à la société de production Septembre Productions de remettre le scénario et le montage final du téléfilm consacré au meurtre d’une petite fille à la famille de la dite fillette.

Maria-Dolorès Rambla âgée de huit ans, est enlevée le 03 juin 1974 à Marseille. Son corps retrouvé, Christian Ranucci est interpellé, avoue le meurtre avant de se rétracter. Il est condamné à mort et guillotiné à la maison d’arrêt des Beaumettes à Marseille en 1976. Mais des incohérences dans l’enquête laisse planer le doute quant à la culpabilité de celui reconnu coupable d’avoir poignardé une enfant de huit ans. La mère de l’accusé a toujours revendiqué l’innocence de son fils.

C’est selon la trame de ce fait divers que TF1 et Septembre Productions souhaite produire un téléfilm intitulé « Une mère » dans lequel le rôle de la mère de Christian Ranucci est confié à Catherine Frot.
Apprenant cette réalisation, la famille de la victime assigne en référé en date du 22 Décembre 2005 pour atteinte au respect de la vie privée et demande l’arrêt du tournage et la remise d’une copie du scénario.
Quelques jours plus tard, étant informés de l’achèvement du tournage, les plaignants retirent leur demande d’arrêt immédiat de tournage mais maintiennent leurs autres requêtes.
L’affaire est mise en délibéré au 10 Janvier 2006.
Dans son ordonnance rendue en référé le 10 janvier 2006, le juge déclare que le téléfilm « a pour sujet l’évocation du personnage de la mère de Christian Ranucci condamné pour l’assassinat de la jeune Maria-Dolorès Rambla, et de l’affaire judiciaire concernant Christian Ranucci » et que par conséquent, ce téléfilm porte atteinte à l’intimité de la vie privée- telle qu’elle est définie à l’article 9 du code civil- de la famille Rambla.
Le juge enjoint à la société de production de remettre une copie du scénario aux demandeurs dans un délai inférieur à quatre mois avant sa diffusion sous peine de 20.000 euros d’astreinte par jour de retard.
Les parents de la petite victime avaient déjà obtenu, par jugement de la Cour d’appel de Paris en date du 6 Octobre 1982, la coupure de deux scènes d’un film de 1979 intitulé « Le pull-over rouge » inspiré du drame.
Ces décisions démontrent qu’en dépit de l’existence d’un principe fort de liberté d’expression, cohabite également le principe du respect de la vie privée. Ayant la même valeur juridique, aucun ne prime sur l’autre ; par conséquent, la conciliation est l’unique solution acceptable.
En l’espèce, la liberté de création ne peut se trouver que limitée face à l’évocation dans ce film puis ce téléfilm de la souffrance et de la mort de personnes réelles sans précautions.

Sources :
– TGI Aix-en-provence 10 janvier 2006 ;
– Telefil.com, 12 janvier 2006, Jérémy SOLIGNAT ;
– Tv news, 17 janvier 2006.

Aurélie GIOIA