LA TÉLÉ-RÉALITÉ SOUMISE AU DROIT DU TRAVAIL

Depuis l’apparition de Loft Story en 2001, les émissions de télé-réalité n’ont jamais cessé d’envahir nos petits écrans. Et si l’audience n’est pas venue enrayer le phénomène, le droit va peut-être y contribuer. En effet, par une décision du tribunal prud’homal de Paris en date du 30 Novembre 2005, le contrat que trois participants à l’émission « L’île de la tentation », diffusée durant la période estivale sur TF1, avaient signé avec le producteur de l’émission- Glem Productions- a été requalifié en contrat de travail.
Jusqu’à cette décision, la personne participant à une émission de télé-réalité signait « un contrat de participant » aux termes duquel étaient définis les droits et les devoirs des parties. En conséquence d’un tournage des émissions généralement long, les participants étaient dans l’obligation d’interrompre leur activité professionnelle et recevaient de la production un « défraiement ».
En 2005, trois candidats à « L’île de la tentation » saisissent le tribunal des prud’hommes de Paris et demandent la requalification de leur contrat de participant en contrat de travail. Le juge fait droit à leur demande.
Trois critères cumulatifs doivent être présents pour retenir la qualification d’un contrat de travail : une prestation de travail, une rémunération et un lien de subordination.
En l’espèce et en premier lieu, la prestation de travail existe bel et bien même si elle consiste à faire du jet ski ou bien à bronzer sur une plage car tout ce que font les candidats est filmé : 280 heures d’enregistrement pour huit heures d’émission ! En second lieu, les participants ont reçu « 1 525 euros chacun comme à-valoir sur des contrats de merchandising » qui n’ont jamais aboutis, comme le souligne Jérémy Assous, l’avocat des candidats. Mais somme totue, cette somme a été leur rémunération. En dernier lieu, le lien de subordination est démontré car les candidats sont obligés de se soumettre aux ordres du producteurs : refaire la prise plusieurs fois, pratiquer une activité, ne pas téléphoner… Voilà donc notre dernier critère rempli.
En conséquence et comme le souligne Isabelle Roberts dans son article daté du 9 Décembre 2005, les candidats « ne sont donc plus considérés comme d’anonymes candidats à aller se faire joyeusement dorer la pilule sur une île thaïlandaise mais comme des salariés. Des salariés donc des gens bénéficiant d’avancées sociales aussi extraordinaires que els congés payés, la durée légale du travail, ou les heures supplémentaires…Mais obligeant aussi leurs employeurs à s’acquitter de leurs charges sociales. »
Le contrat ainsi requalifié, les candidats recevront des indemnités liées à la rupture du contrat de travail, des fiches de paie, attestations Assedic, congés payés, dommages et intérêts pour les frais liés à la procédure.
Mais TF1 a décidé d’interjeter appel à cette décision. À l’heure actuelle, on se demande si la décision va faire jurisprudence. Car si elle est confirmée, elle s’appliquera à toutes les émissions de télé-réalité. Selon l’avocat des plaignants, « le concept même de télé-réalité est inconciliable avec la législation sociale ».

Sources :
– Libération du 09 Décembre 2005, « L’île de la tentation, un boulot comme un autre », Isabelle ROBERTS
– Libération du 22 Mars 2006, « La télé-réalité, inconciliable avec la législation sociale », Isabelle ROBERTS
Aurélie GIOIA