Lors d’un colloque, le Bureau de Vérification de la Publicité a souhaité que les publicitaires s’interrogent sur la place qu’ils accordent aux minorités visibles et sur la façon dont ils les représentent.
D’après le sondage Ipsos/BVP, les Français estiment que la publicité a encore des progrès à faire dans ce secteur, en n’accordant pas toujours aux minorités une place conforme au poids qu’ils représentent dans la population française. L’enquête qualitative qui complète le dispositif montre que cette représentation est aussi parfois dévalorisante.
La majorité des Français considère que la représentation des minorités ethniques est conforme à la part qu’ils représentent dans la population française, dans certains domaines tels que le sport, les films et téléfilms ou art et spectacles. En revanche, les minorités éthiques sont moins présentent dans le milieu de la mode et de la publicité.
les minorités arabes, noires ou asiatiques sont sous-représentées dans les écrans publicitaires et, quand elles le sont, elles incarnent alors des rôles clichés récurrents”, constate Amirouche Laïdi, président du Club Averroès, collectif qui oeuvre pour la diversité dans les médias.
Selon certains sondages, la publicité se classe 5ème pour sa capacité à offrir aux minorités la place qui leur revient, derrière les domaines précités, mais devant les secteurs “télé/radio” (44%) et “politique” (23%).
Un constat partagé par l’ensemble des associations présentes lors de ce colloque. En terme de changement, les choses s’améliorent lentement. Pour la plupart des interviewés, il n’y a pas eu de bouleversements importants dans ce secteur de la publicité depuis une dizaine d’années, sauf dans le sport (72% des Français estiment que les minorités ethniques y sont plus représentées et les films (71%). Dans les autres domaines de la vie sociale, on rentre dans une phase de changements même si les progrès semblent moins nets.
Généralement, les Français ne considèrent pas que la publicité soit raciste, ni qu’elle véhicule une image particulièrement positive des minorités. S’il est d’usage de considérer que la pub a pour habitude d’anticiper les évolutions de la société, voire de les provoquer, l’enquête montre qu’elle ne joue pas un rôle “moteur” dans le domaine.
Après avoir examiné près de 100 000 publicités diffusées à la télévision, dans la presse et en affichage en 2005, le BVP parvient à la conclusion que 3,1 % de la production publicitaire met en scène des minorités visibles. Ce qu’il y a de plus étonnant, est que dans ce quota déjà faible, la représentation indifférenciée ne représente que 20 %. Dans les autres cas, la présence d’un Noir, d’un Arabe ou d’un Asiatique est attachée à la mise en scène d’un stéréotype. “Dans le domaine du sport ou de la musique, on voit des Noirs, mais ce n’est plus le cas lorsqu’il faut incarner le banquier ou le scientifique”, souligne Boston Goke, président de l’association Drim (Diversité républicaine initiatives en mouvement).
De même, les personnes les moins satisfaites de la manière dont les minorités sont aujourd’hui représentées sont à ce titre intéressantes. Sans dénoter une connotation raciste, ces personnes estiment que l’apparition de certaines races dans certains domaines d’activités, confère le sentiment qu’il y a une représentation non valorisante car elle stigmatise les individus.
Ils reprochent à la publicité d’être un vecteur de stigmatisation en ne les montrant que par rapport à “leurs origines” et aux stéréotypes qui s’y rapportent.
Ainsi “Lorsque l’on regarde les publicités, on voit de la diversité mais très faiblement, ajoute Patrick Lozes, du Centre d’action de la promotion de la diversité en France. Nos concitoyens n’ont pas l’impression que 20 % des Français sont issus des minorités visibles. Dès que le sujet devient sérieux, c’est forcément un homme blanc de plus de 50 ans qui est représenté.”
Le constat est simple. “Il y a un consensus sur le fait que la pub doit mieux rendre compte de la couleur de peau des Français”, défend pourtant Vincent Leclabart, patron de l’agence Australie. Selon Pierre Callegari, président de l’agence Callegari Berville Grey, les mentalités ne sont pas encore prêtes : “Si demain un yaourt nature est représenté par un Noir, cela donne un sens au message. Aujourd’hui c’est le Blanc qui fédère. Mais dès qu’il y a un groupe représenté dans une publicité, il peut y avoir mixité.”
Aujourd’hui les annonceurs et les publicitaires doivent tenir compte des minorités.
La majorité de Français désire donc aujourd’hui que la publicité fasse un effort pour accorder une meilleure place aux minorités ethniques. On espère une place plus importante et plus valorisante (63%) ; 21% jugent que c’est “indispensable”, 42% que c’est “important” contre 25% qui pensent que c’est “secondaire” et 9% “inutile”.
Sources : Le Monde 9 juin 2006, L’actualité du BVP 8 juin 2006, site Ipsos
Amanda MAHABIR