LA GRANDE DISTRIBUTION BIENTOT SUR LE PETIT ECRAN

Carrefour, Leclerc ou Auchan auront à partir du 1er janvier 2007 leurs propres spots publicitaires sur les grandes chaînes hertziennes.
De grandes tensions sont à prévoir dans l’ensemble des médias avec l’ouverture de la publicité télévisée au secteur de la grande distribution.
Alors que les grandes enseignes peaufinent leurs stratégies, les chaînes hertziennes font les yeux doux à ces futurs clients. La concurrence se fait déjà sentir.
Lundi 22 mai, Patrick de Carolis, président de France Télévisions et Philippe Santini, directeur général de France Télévisions Publicité ont passé la soirée avec les annonceurs de la distribution afin d’évaluer la future manne dont va bénéficier la télévision. Dans les médias, le supplément brut d’investissements réalisé par la grande distribution est estimé à 400 millions d’euros par Aegis Media et TNS Media Intelligence. Aegis Media évalue à 240 millions d’euros l’augmentation des recettes nettes attendues en 2007 par les télévisions alors que France Télévisions évoque le chiffre de 180 millions d’euros.
Le service public pense être en mesure d’absorber 30 à 40 millions d’euros, soit 15 à 20 % de ce nouveau marché. Le PDG de TF1 Publicité, Claude Cohen, espère que TF1 arrivera à 54 %, soit l’équivalent de sa part de marché habituelle, le total étant estimé à 150-200 millions d’euros.
Les enseignes de la grande distribution ne prévoyant pas de budget télé, une redistribution des budgets entre les médias devrait avoir lieu. Jusqu’à présent, les distributeurs avaient développé leur présence à l’antenne par le biais de parrainage et de programmes courts, seules pratiques autorisées. Tous ces changements inquiètent surtout la presse, la radio et l’affichage qui pourraient faire les frais de cette redistribution si on tient compte des prévisions d’Aegis Media, la part de la télévision dans les investissements publicitaires des enseignes passant selon elle de 2,6 % en 2005 à 17 % dès 2007.
Le BVP (Bureau de vérification de la publicité) a fait connaître sa « grille de lecture » du décret d’octobre 2003, modifiant la loi de 1992 sur les secteurs interdits à la publicité télévisée, à savoir la grande distribution, l’édition, la presse et le cinéma. Un texte a été élaboré au sein du BVP pour essayer de clarifier les choses : Sont ainsi exclues de la publicité télévisée les références à des jeux concours, à des ouvertures de magasin exceptionnelles, à des offres dont le prix et les stocks ne sont pas assurés sur une durée minimale de 15 semaines… Les opérations promotionnelles de Carrefour, Auchan et autres n’ont pas le droit d’être communiquées en télévision selon la loi.Ainsi entre Noël et le jour de l’an, faire de la publicité sur le prix du foie gras est interdit. Toutefois lorsqu’un avantage reste stable et dure plus de quinze semaines, il ne fait plus partie d’une « promotion » et permet à la grande surface de se vanter d’être la plus avantageuse.
Par cet encadrement, selon Vincent Leclabart, PDG d’Australie, l’agence publicitaire de Leclerc : « il n’y aura pas de ras-de-marée en télévision. Les distributeurs sont pragmatiques. Ils ne vont pas arrêter ce qui marche, c’est-à-dire la promotion », « plus de 80 % (…) des investissements en communication de la distribution (portant) sur les promotions ». Cette publicité resterait donc selon M. Leclabart, privilégiée dans la presse, la radio et l’affichage. A la télévision, la publicité concernerait a priori davantage la communication sur l’image de marque de l’enseigne, comme par exemple : le combat contre la vie chère, le commerce équitable, la carte de fidélisation… Les grands distributeurs pourraient aussi se servir de leurs spots publicitaires pour vanter les mérites de leurs propres marques face aux grandes marques déjà présentes sur le petit écran.
C’est le CSA qui sera chargé des rappels à l’ordre, le Conseil d’Etat n’interviendra qu’en second recours. Il statuera de la même manière qu’il vient de la faire pour la première fois, sur le décret d’octobre 2003 au sujet du secteur de l’édition. La chaîne de télévision TMC et sa régie ont saisi l’instance pour avoir le droit de diffuser des spots émanant de l’édition, or ceux-ci sont réservés aux « services de télévision exclusivement distribués par câble ou diffusés par satellite ». TMC, étant présente en hertzien dans le sud-est de la France, le Conseil d’Etat a refusé et précisé qu’il s’agissait d’éviter des transferts trop importants de budgets publicitaires de la presse vers la télévision ».

Exemple de « publicité » existant déjà à la télévision :

Selon TNS Media Intelligence et Aegis Media, 165 millions d’euros ont été investis en 2005 par les grandes enseignes dans le parrainage d’émissions et programmes courts.
Darty : Premier investisseur du secteur avec 21,5 millions d’euros, sponsorise la Météo sur France 2.
Leroy-Merlin : l’enseigne de bricolage fut le pionnier du programme court avec « Du côté de chez vous » sur TF1.
Carrefour : l’enseigne a dépensé 19 millions d’euros en 2005 dans le football et « Portrait d’expert » sur TF1.
Netto : cette enseigne de hard discount du groupe Intermarché finance le programme court « A vrai dire » et certaines émissions de télé-réalité comme « La Ferme célébrités » sur TF1.
Leclerc : le distributeur a misé sur trois chaînes, où il sponsorise des fictions (TF1), le magazine Ushuaia (France3) et le programme « Conso le dise » (M6).

Sources : Le Monde du 23 mai et lefigaro.fr (23 mai)

Laurie MOUNE