L’idée d’une « politique culturelle » du cinéma ne s’est pas toujours imposée d’elle-même, pour l’Etat ou pour les professionnels du secteur. A certaines périodes de son histoire, les moments de son histoire, cette « politique culturelle » s’est perdue dans les méandres des mécanismes politiques : enjeux, absence de volonté politique pour la défendre, etc. Pendant ces périodes « creuses », les tentatives positives se sont pourtant multipliées : défendre les acquis, mise en place efficace des mécanismes d’aide, assurer le bon fonctionnement du système mais sans véritable finalité culturelle. En réalité, la politique du cinéma était autonome dans son fonctionnement et ses mécanismes mais dépendante des orientations du Ministère de la Culture, par exemple, sous Lang, la « politique culturelle globale » s’est désintégrée au profit d’une stratégie communicationnelle et diverses politiques sectorielles.
S’intéresser à l’histoire de la mise en place d’une politique plus « culturelle » du cinéma à travers le déploiement de l’intervention de l’Etat, dans le secteur, est l’ambition de cette chronique.
Aujourd’hui, l’idée que le cinéma représente bien une « industrie culturelle » dépendante d’une intervention nécessaire et permanente de l’Etat est unanimement acceptée, mais il n’en a pas toujours été ainsi.
Actuellement, les principales étapes de l’intervention étatique pour soutenir l’industrie cinématographique française sont les suivantes :
• Un système de soutien à l’industrie cinématographique basé sur les mécanismes financiers autonomes de transfert et de redistribution regroupant les différentes professions du cinéma.
• Un instrument d’intervention : le CNC.
• Une volonté politique d’intervention répondant à des objectifs industriels et culturels.
• Un combat permanent contre les ennemis du cinéma français : le cinéma américain et la télévision.
La mise en place de ce système n’a jamais été un long fleuve tranquille. Joëlle Farchy, dans son ouvrage La fin de l’exception culturelle ? (éditions CNRS, Paris) démontre les trois grands objectifs d’une politique culturelle contemporaine du Ministère de la Vième République : l’indépendance et le prestige de la culture nationale par rapport à l’étranger, le soutien à la diversité de la création et la démocratisation de la culture.
Cette chronique retrace les moments les plus intenses de la relation entre Etat et industrie cinématographique en s’intéressant à la question de la place de la culture dans la politique des pouvoirs publics.CHAPITRE I : La recherche d’une politique du cinéma : 1895-1939
Le cinéma est né en tant que divertissement mais a rapidement grandi en s’affirmant de plus e plus au fil des années comme une véritable activité commerciale. Au début du XXième siècle, les entreprises françaises : Pathé et Gaumont, dominent le marché du cinéma mondial et le cinéma français est le premier du monde en terme de diversité, de qualité et en quantité. Mais la Première Guerre Mondiale a éclipsé ce rayonnement culturel au profit du cinéma américain. La mise en place d’une politique cinématographique n’est pas aisée, d’une part, l’Etat s’attache à un plan d’intervention et prend diverses décisions pour l’appliquer, d’autre part, il organise la profession.
Section 1 : Les premières interventions de l’Etat à la recherche d’une structure spécifique pour le cinéma
§ 1 : Les premières tentatives de l’Etat
Les premières interventions étatiques sont timides : définition du statut de la projection cinématographique à laquelle s’appliquent certaines taxes, délimitation du droit d’auteur, établissement des règles de sécurité, etc. L’Etat fixe des règles destinées à mettre en œuvre la censure. Au départ, soumis à des autorisations municipales, ces « spectacles de curiosité » font l’objet d’un décret du Ministère de l’Intérieur du 18 février 1928 créant une commission de contrôle paritaire, composée de représentants de la profession et de fonctionnaires, et un avis de celle-ci permettant la délivrance du visa d’exploitation qui vaut autorisation de représentation sur tout le territoire français.
§ 2 : La nécessité d’organiser la profession
Alors que l’Etat commence à règlementer, la profession s’organise. Dès 1908, les producteurs se rassemblent pendant le Congrès International de Paris afin de se mettre d’accord sur les conditions de vente et de location de films. En 1912, est créée la Chambre Syndicale française représentant l’industrie du cinéma auprès des pouvoirs publics. En septembre 1936, la profession se rassemble dans la Confédération générale du cinéma qui fédère quatre chambres syndicales : industrie technique, production, exploitation, distribution. Sur fond de difficultés économiques, le cinéma français ne peut plus se passer d’une politique plus affirmée des pouvoirs publics.
§ 3 : La recherche d’une structure spécifique pour le cinéma
Plusieurs Ministères interviennent dans le secteur du cinéma : en 1912, le Ministère de l’Agriculture utilise le cinéma à des fins de formation professionnelle, en 1921, le Ministère de l’Instruction publique crée la Cinémathèque scolaire au Musée pédagogique. Une coordination entre les Ministères s’impose pour contrer ces actions dispersées.
Le cinéma parlant apparaît en 1929 en pleine crise économique mondiale. En 1931, est crée le Conseil Supérieur du Cinématographe, organe de liaison entre l’industrie cinématographique et l’Etat et entre les administrations elles-mêmes, mais ne pourra mener une véritable politique globale en faveur du cinéma.
Entre 1935 et 1939, les professionnels s’opposent aux interventions étatiques et aucune action n’est menée. Toutefois, deux rapports importants vont préparer les mesures à venir.
En juin 1935, le rapport du député Petsche (commandé par la Commission des finances suite au dépôt de bilan de Gaumont-Franco-Film-Aubert) propose la création d’un organisme de financement et de crédit destiné à procurer du crédit à un taux normal aux producteurs et aux exploitants de salles mais le projet de décrêt-loi est abandonné sous la pression (une fois de plus) des syndicats patronaux.
Le rapport de l’inspecteur des finances Guy de Carmoy, en juillet 1936, pour le Conseil National Economique, propose une organisation corporative unique, dotée de pouvoirs régaliens, rapport qui servira de base à de nombreuses mesures sous le régime de Vichy.
Jean Zay, Ministre de l’Education nationale, propose un projet de statut du cinéma dont les principaux points portent sur l’assainissement de la profession et l’organisation du crédit par des mesures portant sur le nantissement des créances, à cet effet, un Registre Central de la Cinématographie est proposé dans lequel seront déposées toutes les aides concernant la propriété ou l’exploitation des films. La partie sur le contrôle des recettes est annexée au projet et adoptée par un décret du 29 juillet 1939. Jean Zay est également à l’origine de la création du Festival de Cannes, ajourné suite au déclenchement de la Seconde Guerre Mondiale.
Section 2 : L’organisation « corporatiste » du régime de Vichy
Le régime de Vichy (1940-1944), a radicalement modifié l’organisation de l’industrie cinématographique et a crée en décembre 1940 : le Comité d’Organisation de l’Industrie Cinématographique (COIC). C’est une organisation qui organise l’industrie française à partir de comités d’organisation professionnels par la loi du 10 août 1940.
L’exercice de la profession est règlementé et les cartes d’identités professionnelles sont instaurées. Un contrôle des recettes est mis en place. En 1941, plusieurs lois sont adoptées : un impôt unique sur les spectacles est adopté alors que les anciennes taxes disparaissent, la loi du 22 février 1944, crée le Registre public de la Cinématographie répondant ainsi à la demande de la profession.
Début 1944, l’IDHEC (Institut des hautes études cinématographiques) est crée, réclamé depuis les années 20 par le metteur en scène Marcel l’Herbier.
Le paradoxe de la politique vichyssoise est la mise en place d’une organisation corporatiste mais aussi la mise en œuvre de réformes modernes qui apparaissent nécessaires aux gouvernements précédents mais qu’ils n’ont pu mettre en œuvre.
La politique vichyssoise est la première initiative d’une politique globale du cinéma.
Section 3 : La création du CNC
Le COIC laisse d’abord la place à l’Office Professionnel du Cinéma. Puis la loi du 25 août 1946 crée le CNC qui préside encore aujourd’hui aux destinées du cinéma. Etablissement public à caractère administratif doté de la personnalité juridique et de l’autonomie financière, son directeur général est nommé par décret en Conseil des Ministres. Il a un pouvoir règlementaire et peut prononcer des sanctions en cas d’infraction. Le CNC est placé sous la tutelle du Ministère de l’Information, puis rapidement en 1947, sous celle du Ministère de l’Industrie. Sa position est délicate : il est à la fois un outil administratif au service de l’Etat et en partie autonome remplissant les fonctions d’un office professionnel (les différentes professions sont très présentes dans les différentes instances du CNC).
Dès 1947, le CNC prend le contrôle des recettes de l’exploitation cinématographique afin de les répartir auprès des ayant droits. Au début de l’année 1948, les autorisations d’exercice sont délivrées.
C’est la loi « d’aide temporaire à l’industrie cinématographique » du 23 septembre 1948 qui va asseoir la légitimité du CNC et lui permettre de développer ses aides. Cette loi est à la base du financement du système d’aide au cinéma jusqu’à aujourd’hui : la taxe sur les billets approvisionne un compte d’aide spécial temporaire qui permet l’attribution d’un soutien automatique à la production et à l’exploitation. Durant les débats parlementaires, le Parti Communiste dépose un amendement au projet du gouvernement qui propose de taxer de 25% les recettes des films étrangers en France : sont visés les films américains. Cette proposition est rejetée parce que la France discute à ce moment-là du réaménagement des accords Blum-Byrnes, mais, en réalité, officieusement, les taxes sur les recettes des films américains au profit du cinéma français ont commencé.
Le prélèvement sur les tickets de salles entraîne la régulation du circuit de l’argent par le CNC : l’argent est « épargné » puis redistribué automatiquement. Plus tard, l’avance sur recettes sera mise en place. On retrouvera le même principe de taxation des ressources de ma télévision et de la vidéo. Le but était de faire payer ceux qui nuisent à la bonne santé du cinéma français. Au même moment, apparaît la polémique sur les accords « Blum-Byrnes ».
Section 4 : Les accords Blum-Byrnes et les premiers pas vers la construction identitaire de la politique culturelle française
Ces accords sont conclus entre la France et les Etats-Unis le 28 mai 1946, à Washington par Léon Blum et James Byrnes et ont pour but d’imposer un contingentement aux films américains impartis en France. Ils ouvrent l’accès aux salles de cinéma françaises en échange d’une remise de dette et de l’ouverture d’un nouveau crédit pour la France. La contestation violente de la profession qui craint un envahissement des écrans français par des productions américaines conduit à une révision de ces accords, le quota d’exploitation des films français est porté de 4 à 5 semaines par trimestre.
L’ennemi du cinéma français est dénoncé c’est la puissance hégémonique du cinéma américain.
CHAPITRE II : MALRAUX ET SA DEFENSE POUR UNE DIMENSION CULTURELLE DE LA POLITIQUE DU CINEMA
Sa première action de recomposition des différentes actions culturelles menées jusqu’alors consiste dans le rattachement du CNC au Ministère de la Culture en 1959, auparavant sous la tutelle du Ministère de l’Industrie. La seconde action est le renforcement des mécanismes d’aides antérieurs par l’instauration de deux grandes mesures qui démontrent que désormais l’Etat français considère le cinéma comme un art et non plus seulement comme une industrie du divertissement : l’Avance sur recettes et le soutien financier aux salles d’Art et d’Essai.
Le décret du 16 juin 1959 remplace le Fonds de développement à l’industrie cinématographique par le Compte de soutien financier de l’Etat à l’industrie cinématographique, alimenté essentiellement par les recettes issues de la Taxe Spéciale Additionnelle (TSA). Parallèlement à ces soutiens strictement économiques, l’orientation culturelle de la politique en faveur du cinéma met en place des aides sélectives pour les courts métrages et, la plus connue aujourd’hui, l’Avance sur recettes pour les longs métrages : elle permet d’obtenir une aide au vu de la qualité du projet et elle doit être remboursée sur les recettes ultérieures du film. Cette aide a été contestée par les professionnels du cinéma, au début, car ils n’ont pas été consultés lors de son élaboration, quant aux producteurs, ils étaient hostiles à la diminution de l’aide automatique.
Ces actions peuvent être comprises étant donné le long débat au cours des années 50 qui dénonce systématiquement l’insuffisante « qualité » de la production cinématographique française de cette époque, marquée par le rôle très actif des revues de cinéma comme « Positif » ou « les Cahiers du Cinéma » et de ses « jeunes turcs » dont François Truffaut qui, dans un célèbre texte de 1954, dénonce une « certaine tendance du cinéma français ».
Les aides automatiques crées après la Guerre ont permis à la production cinématographique française de retrouver une activité satisfaisante et de nombreuses voix se sont élevées pour dénoncer et critiquer sévèrement la « qualité » de cette production. Le directeur du CNC, Jacques Flaud, de 1052 à 1959, a contribué à faire émerger la question de la promotion de la qualité des productions qui devient alors un axe essentiel de la politique des pouvoirs publics. En 1953, la « loi d’aide temporaire » de 1948 est abrogée au profit du Fonds de développement à l’Industrie cinématographique qui introduit des critères qualitatifs.
Le cinéma ne bénéficie pas d’emblée d’une dimension artistique, elle est à conquérir en permanence. Cette légitimation artistique s’imposera au cours des années 50 par le travail patient et passionné des cinés clubs et le développement de la cinéphilie. L’activité des ciné clubs est officialisée par l’Etat en 1949 : chaque ciné club doit être affilié à « l’une des associations ou fédérations nationales ou régions habilitées à diffuser la culture par le film » selon le décret publié au Journal Officiel de la République Française du 23 septembre 1949. Cette affiliation permet de bénéficier des subventions mais d’un montant relativement modique.
La cinéphilie passe aussi par certaines salles commerciales qui vont tenter de proposer une programmation de films de « qualité ». Ces quelques salles avant gardistes existaient avant la Seconde Guerre Mondiale, ensuite des salles peu nombreuses se sont spécialisées dans l’action culturelle et la diffusion des films d’Art, de Répertoire et d’Essai dont la première à être patronnée par l’Association Française de la Critique Cinématographique est le cinéma Les Reflets à Paris. L’AFCAE, l’Association Française des Cinémas d’Art et d’Essai, est créée par cinq salles en 1995. Après un long processus de négociation et de concertation entre l’AFCAE, le CNC et différents Ministères, le décret du 17 novembre 1961 adopte une définition et un classement des salles d’art et d’essai, ce classement permet de bénéficier d’avance en matière de prix et de fiscalité.
CHAPITRE III : JACK LANG ET LA VOLONTE D’UNE POLITIQUE CULTURELLE DU CINEMA
C’est en 1981 que Jack Lang est nommé au Ministère de la Culture, il va insuffler à nouveau une dimension culturelle à la politique menée en faveur du cinéma. Alors que les « affaires culturelles » des précédents gouvernements de droite n’étaient pas mises en avant, le volontarisme de Lang va mettre en œuvre la culture au premier plan et en faire un véritable enjeu politique.
Au même moment, l’origine du système de soutien au cinéma va être réaménagé en raison de la crise vécue par le cinéma. Au cours des années 80, la fréquentation des salles de cinéma diminue d’un tiers et les principaux changements porteront sur l’élargissement du champ d’intervention du CNC au soutien à la production audiovisuelle et l’instauration d’une taxe sur le chiffre d’affaires des chaînes de télévision selon un modèle comparable à celui de la TSA créée en septembre 1948. A cela s’ajoute un système d’incitation fiscale, en 1986, pour favoriser l’investissement de l’épargne dans la production à travers les Sociétés de Financement de l’Industrie Cinématographique et Audiovisuelle (SOFICA). D’un point de vue culturel, nous nous attacherons aux éléments marquants de cette période.
Section 1 : L’identité « nationale » du cinéma proposée dans le débat européen
Quelques temps après son arrivée au Ministère, Jack Lang refuse de se rendre au festival de Deauville qui se déroule en septembre et qui est consacré au cinéma américain, ce festival représente l’occasion de faire la promotion des blockbusters hollywoodiens qui sortiront en salles les mois suivants. Cette décision symbolique du Ministre est entendue comme une affirmation de la défense du cinéma français et marque la volonté de renforcer les mécanismes de soutien, ce refus n’est pas seulement une manifestation politique de gauche mais c’est un axe fort de la politique culturelle qui s’affirme en faveur de la création « nationale » et la défense d’une identité culturelle.
Dans cette lutte contre l’hégémonie américaine, la France va s’efforcer de rallier l’Europe à sa cause, puisqu’au cours des années 80, l’Etat français ont mis en place des quotas à la télévision en faveur de la diffusion d’œuvres audiovisuelles et cinématographiques, mécanisme qui sera repris dans le cadre de la Directive « Télévision sans Frontières » adoptée par la CEE en 1959.
A l’approche des négociations du GATT (traité qui règlement les échanges mondiaux et qui est aujourd’hui l’OMC) l’audiovisuel risque de devoir se soumettre aux règles du libre échange ce qui aurait pour conséquence de démanteler les mécanismes de soutien aux industries cinématographiques et audiovisuelles nationales. En 1992, la résistance française met en place la thèse de « l’exception culturelle » et permet d’obtenir le non traitement des questions audiovisuelles dans le cadre des négociations internationales du GATT ce qui permet à chaque pays de continuer à organiser ses aides.
Section 2 : La télévision, meilleure ennemie du cinéma français
Une lutte interne est menée, au cours des années 80, face à un ennemi redoutable la télévision et la multiplication de ses chaînes. Les lobbies du cinéma et le Ministère de la Culture vont obliger les chaînes de télévision à payer leur dû en raison de l’accroissement des films diffusés qui a pour conséquence de faire perdre un tiers de leurs entrées aux salles de cinéma.
Sans détailler toutes les mesures, on peut indiquer que les télévisions ont été contraintes de payer une taxe annuelle sous la forme d’un pourcentage sur leur chiffre d’affaires pour alimenté le compte de soutien géré par le CNC, et à investir dans la production cinématographique 3% de leur chiffre d’affaires chaque année et à subir un encadrement très précis de la diffusion des films (jours interdits, nombre maximum limité, quotas,…).
Cette ligne politique menée sur les télévisions a sauvé le cinéma français alors que les autres cinématographies européennes, confrontées au même problème, n’ont pas su maintenir en vie leur cinémas nationaux, l’exemple le plus regrettable étant celui de l’Italie, haut lieu du cinéma européen.
La politique culturelle du cinéma au tournant du siècle, fait apparaître la poursuite d’intérêts essentiellement économiques ou gestionnaires. Aujourd’hui il s’agit plutôt de défendre les acquis et non plus de grands enjeux culturels, le discours sur la culture devient moins volontariste, tout simplement moins politique. Par exemple, la question du patrimoine n’est plus envisagée du point de vue d’un projet de politique culturel mais uniquement comme la résolution d’un conflit avec la Cinémathèque et l’adoption d’un compromis devient la règle. D’ailleurs l’abandon du terme « exception culturelle » qui sous entend un régime dérogatoire, une position tranchée, un symbole très fort, au profit de celui de « diversité culturelle » est significatif de la volonté de ne pas froisser les voisins européens et l’UNESCO, expression qui place le Ministère des Affaires Etrangères au premier plan du règlement de ces questions culturelles plutôt que le Ministère de la Culture. De même que le terme « diversité » peut être entendu comme « diversité des marchandises ». On passe d’un enjeu culturel (derrière « exception culturelle » on comprend l’irréductibilité de la création artistique) à une priorité économique (libre circulation des marchandises), ce qui démontre que Jean Marie Messier n’avait pas tort lorsqu’il déclarait en 2001 dans un discours à New York que « l’exception culturelle est morte ». D’autant plus qu’aujourd’hui, les dossiers économiques sont devenus les priorités du Ministère de la Culture.
Sources : Revue Quaderni n°54 « Cinéma français et Etat : un modèle en question ».
Joëlle Farchy, La fin de l’exception culturelle ?, CNRS Editions, Paris,
CinémAction, Atouts et faiblesses du cinéma français, éditions Corlet, 2002
Myriam BENZAHRA