A huit mois d’une élection capitale, la « peopolisation » de la vie politique submerge, telle une déferlante, la campagne présidentielle. Ce phénomène est le fruit d’un clivage entre la télévision et la personnalisation de l’élection du chef de l’Etat au suffrage universel.
La fracture se fit remarquer en 1974, année où Valéry Giscard d’Estaing succéda à Georges Pompidou et remit en cause l’appréciation médiatique d’un président de la République. Chacun se souvient de son style, de sa communication, se montrant en col roulé, mettant en scène sa famille et ses causeries au coin du feu. Un besoin de proximité se ressentit au sein de la population auprès d’élites qui étaient installées dans leur bulle protégée. Le peuple français a voulu savoir ce qui se cachait derrière leurs leaders, qui se sont d’ailleurs consciemment prêtés au jeu.
Selon Jacques Séguéla, publicitaire et maître d’œuvre des campagnes présidentielles de François Mitterrand et Lionel Jospin, « celui qui saura le mieux maîtriser cette situation aura la faveur des suffrages. Cependant, nos présidentiables sont-ils encore capables de peser sur un système qui s’est emballé ? La politique est érigée en spectacle, les militants en fans, les médias en mercenaires favorisant l’image plutôt que la parole. L’émotion l’emporte sur la raison et finalement la forme sur le fond. Ségolène Royal et Nicolas Sarkozy veulent se rapprocher des citoyens mais l’opinion publique, loin de vouloir connaître leur programme de campagne, s’intéresse d’avantage à la fille de Ségolène et au mariage chaotique de Nicolas. Nos élus sont devenus des stars, intouchables, en attendant la finalité des votes…
A vouloir trop utiliser la politique spectacle, où des people sponsorisent des meetings de partis politiques qui désirent séduire des électeurs de plus en plus sceptiques, le paradoxe devient évident. Pour Jacques Séguéla, « popularité ne veut pas dire éligibilité ! A trop jouer les stars, les hommes politiques décrédibilisent leur discours et par voie de conséquence la démocratie ». Et cela risque de se faire sentir aux urnes.
Les journaux people connaissent leur apogée en France depuis cinq ans. Ils savent que les politiques se vendent plus que les stars et préfèrent réaliser des tirages de 650000 exemplaires de Ségolène Royal photographiée en maillot de bain ou des tirages de 270000 exemplaires de Nicolas Sarkozy main dans la main avec sa femme Cécilia. Rien ne peut faire face à la dictature de l’audimat ! Ces politiques se retrouvent dans le cadre de l’arroseur arrosé car ils ne savent plus comment se dépêtrer de cet engrenage infernal. Ce phénomène peut leur porter préjudice car paradoxe de la chose, « les français veulent de la proximité mais en même temps attendent plus de rigueur et de morale en politique » affirme Jacques Séguéla.
Les français restent fidèles à un certain respect de la politique telle qu’elle était sous le Général de Gaulle. Le candidat qui maîtrisera le mieux cette situation aura la faveur des suffrages. En effet, à partir de janvier 2007, les candidats devront atténuer leur vedettariat et leur campagne show-business face aux médias pour démarrer leur campagne politique. Selon Jacques Séguéla, « pour cette élection présidentielle de 2007, les français devront faire un choix profond de société. Et tout porte à croire qu’ils vont se passionner ».
Source : La Provence
Caroline BOSCHER