Face à un Président de la République bien plus présent dans les médias que ses prédécesseurs, le parti socialiste a tenté d’alerter le Conseil Supérieur de l’Audiovisuel afin que celui-ci prenne en compte « l’omniprésence médiatique » de Nicolas Sarkozy dans les médias.
En effet, les temps de parole du président de la République ne sont pas pris en compte car en dehors des périodes électorales, le Conseil vérifie tout au long de l année, l’application par TF1, France 2, France 3, Canal + et M6 du principe de référence adopté en janvier 2000.
Selon ce principe, les chaines doivent respecter un équilibre entre le temps d’intervention des membres du gouvernement, celui des personnalités appartenant à la majorité parlementaire et celui des personnalités de l’opposition parlementaire et leur assurer un temps d’intervention équitable aux personnalités appartenant à des formations politiques non représentées au Parlement. C’est la règle dite des « 3 tiers » .Or le Président de la République ne peut être assimilé à aucune des catégories précitées.
Pourtant aujourd’hui, le parti socialiste estime que cette règle est « totalement bouleversée » par Nicolas Sarkozy jugeant « qu’il est omniprésent et occupe tout l’espace médiatique ».François Hollande, premier secrétaire du Parti socialiste et Didier Mathus, député (PS) de Saône et Loire ont alors adressé un courrier à l’instance de régulation afin qu’elle prenne en compte « le temps d’exposition médiatique du président » au même titre que celui du gouvernement, et que le temps de parole des conseillers spéciaux soit lui aussi décompté du temps de parole de la majorité ; faisant de cette comptabilité une question de démocratie. Ils ont, à titre d’exemple, cité les noms de Claude Gueant, Henri Guaino et David Martinon.
En 2005 déjà, l’absence de prise en compte du temps de parole du président de la République avait fait l’objet d’un recours en annulation devant le Conseil d’Etat, présenté par M. Georges Hoffer. Celui-ci fut rejeté au motif « qu’en raison de la place, qui conformément à la tradition républicaine, est celle du chef de l’Etat dans l’organisation constitutionnelle des pouvoirs publics, le président de la République ne s’exprime pas au nom d’un parti ou d’un groupement politique ; que, par suite, en recommandant aux services audiovisuels de veiller à ce que les partis ou groupements politiques bénéficient dans le traitement de l’actualité liée au référendum d’une présentation et d’un accès équitables, le Conseil supérieur de l’audiovisuel a exclu a bon droit la prise en compte dans ce cadre des interventions du président de la République. » (Décision du Conseil d’Etat N° 279257)
Dans une lettre publiée le 3 octobre 2007, M. Boyon répond ainsi par la négative aux demandes de MM. Hollande et Mathus en se référant à cette décision. Nicolas Sarkozy pourra donc continuer son exposition médiatique à son gré. Le CSA avait déjà précisé, en réponse à un courrier de M. Mathus au mois de juillet, que « le temps de parole du Président de la République n’a jamais été pris en compte pour l’application des règles définies par les autorités successives de régulation de l’audiovisuel depuis 1982. »
Cependant, la tradition républicaine change avec Nicolas Sarkozy qui utilise les médias de façon différente par rapport à ses prédécesseurs. En effet le CSA a calculé qu’hors élection, les présidents de la République n’ont pris que 7% du temps de parole politique de 1989 à 2005. François Mitterrand et même plus récemment Jacques Chirac, s’exprimaient peu, faisant des allocutions présidentielles des moments rares et plus solennels. La méthode du président actuel est radicalement différente, son omniprésence n’est en effet plus à démontrer. Selon le baromètre de l’Institut national de l’audiovisuel, celui-ci est apparu 224 fois de mai à aout contre 94 pour Jacques Chirac sur la même période en 1995.
La décision du CSA apparaît donc scandaleuse pour le parti socialiste. Au monde M. Mathus affirme même qu’il va « répondre au CSA pour demander une rencontre avec son président Michel Boyon. » Le CSA de son coté assure qu’il ne s’agit « pas d’une fin de non recevoir » et que « si des modifications constitutionnelles intervenaient, la position du Conseil supérieur de l’audiovisuel serait susceptible d’évoluer. »
En attendant, reste à savoir combien de temps le nouveau paysage politique français va accepter cette situation, l’omniprésence de Sarkozy risquant à terme de poser un problème d’équité et donc de démocratie. Mais ou se trouve réellement la solution ? Dans une limitation du temps de parole du président de la République ou dans des propositions et interventions concrètes de la part de l’opposition ?
Sources :
http://www.imedias.biz
http://www.csa.fr
http://www.lemonde.fr
Cécile RAFIN