Alors que les audiences des chaînes du groupe France Télévision sont au plus bas et que le budget des chaînes publiques est jugé insuffisant par Patrick de Carolis, la Ministre de la culture et de la communication, Christine Albanel, vient de refuser toute augmentation de la redevance et des coupures publicitaires.
C’est dans ce cadre que le président du groupe France Télévision annonce la création de Qualimat, un nouvel indicateur qualitatif, qui sera mis en place à partir de 2008. Celui-ci est censé « élargir le champ de l’observation » des programmes, et ainsi tempérer les audiences quantitatives calculées quotidiennement par Médiamétrie.
Grâce à un questionnaire adressé quotidiennement à 2000 personnes via internet, Qualimat déterminera chaque semaine les « cinq émissions préférées des téléspectateurs ». Le baromètre portera sur les programmes de première et deuxième partie de soirée diffusés par France 2 et France 3. Une émission ayant réalisé un très faible score d’audience pourra figurer en tête du classement Qualimat.
En publiant les résultats de son nouveau système d’évaluation, France Télévision souhaite mettre en avant la qualité de ses programmes et ainsi légitimer leur diffusion. Seule ombre au tableau, France télévision ne publiera que les cinq meilleures notes. Ce manque de transparence sur l’ensemble des résultats obtenus laisse à penser que Qualimat pourrait n’être qu’un simple outil de communication.
Néanmoins, cette démarche de séduction envers le grand public et les diffuseurs est compréhensive. En effet, il est incontestable aujourd’hui que l’Audimat fixe en grande partie le niveau des investissements des annonceurs, ce qui peut avoir des conséquences directes sur la programmation : une émission culturelle risque d’être diffusée à des heures plus tardives ou tout bonnement supprimée si ses scores d’audience sont trop bas pour attirer les investisseurs. Or, si les chaînes publiques sont soumises aux lois du marché, elles sont aussi chargées de missions de service public. De ce fait, même si les émissions culturelles ne génèrent pas toutes une forte audience, il est nécessaire qu’elles perdurent. Se pose donc pour France Télévision le problème de leur financement. En 2006, le budget de l’audiovisuel public était issu à 64% de la redevance et à 24% de la publicité. Cependant, l’évolution de l’environnement technologique – télévision sur Internet, télévision mobile, VOD…- remet en cause l’utilité de la redevance. Les ressources publicitaires apparaissent donc d’autant plus importantes. Il paraît néanmoins difficile d’imaginer que la mise en place de Qualimat aura pour effet d’attirer les annonceurs, dont l’objectif est avant tout de transmettre un message à un public le plus large possible.
Il semble donc que le projet Qualimat soit en réalité une occasion supplémentaire pour le groupe France Télévision de réaffirmer sa volonté de conserver une certaine politique éditoriale et d’exiger plus de moyens à cette fin. Cette démarche s’inscrit parfaitement dans l’action de lobbying exercé auprès du gouvernement par le groupe depuis plusieurs mois. L’audiovisuel public est l’un des quatre chantiers de la réforme de la loi de 1986, relative à l’audiovisuel, annoncée par la ministre Christine Albanel pour 2008. Le groupe France Télévision devra être persuasif pour être entendu par les pouvoirs publics.
Sources :
G. DUTHEIL, ” Le monopole de Médiamétrie remis en cause”, Le Monde du 12 octobre 2007
M. SERY, “A quoi sert la redevance ?”, Le Monde du 3 octobre 2007
G. POUSSIELGUE, “Le gouvernement lance le grand chantier de la réforme de l’audiovisuel”, Les Echos du mardi 9 octobre 2007
R. GARRIGOS et I. ROBERTS, “France télévision ensablée”, Libération du jeudi 11 octobre 2007
Sarah CHEMLA