L’idée d’un filtre n’est pas franchement nouvelle. Déjà en 2004, le SNEP (Syndicat National de l’Edition Phonographique) voulait imposer la mise en place d’un filtre sur l’infrastructure des FAI pour lutter contre l’échange illégal de fichiers musicaux via les réseaux de peer-to-peer (P2P). Donc jusque là, rien ne semble véritablement révolutionnaire. Mais face au déclin continu des ventes de disques en France, le SNEP a ressorti son argumentaire fondé sur le filtrage pour l’appliquer cette fois-ci non pas aux FAI mais directement aux internautes !
En effet, dans un document rendu public le 8 novembre, intitulé «Peer-to-peer, état du droit et perspective », les dernières revendications du SNEP mettent en évidence le rôle crucial que joue l’internaute dans le processus de piratage en ligne ; les FAI ne sont donc plus les seules visées. Selon le syndicat des principales maisons de disques en France, il convient d’appliquer la technologie du filtrage des réseaux P2P directement sur les ordinateurs des internautes.
Ainsi, le SNEP souhaite que les internautes qui ne mettent pas en place volontairement chez eux, sur leur ordinateur, un système de filtrage, soient pénalement réprimés par contraventions.
D’un point de vue juridique, le Syndicat se fonde sur une disposition de la loi DADVSI de 2006, et plus précisément sur l’article L335-12 du Code de la propriété intellectuelle : « le titulaire d’un accès à des services de communication au public en ligne doit veiller à ce que cet accès ne soit pas utilisé à des fins de reproduction ou de représentation d’œuvre de l’esprit sans l’autorisation des titulaires de droits […] en mettant en œuvre les moyens de sécurisation qui lui sont proposés par le fournisseur de cet accès ». À l’origine, cette mesure a pour objectif d’éviter qu’un internaute soupçonné de contrefaçon puisse se déresponsabiliser en arguant d’une usurpation de son accès internet.
Mais selon le SNEP, ce texte aurait en fait pour finalité « de conduire l’internaute à utiliser des logiciels de filtrage et sanctionner les internautes qui soit refuseraient de mettre en place une solution de filtrage proposée par leur fournisseur d’accès, soit contourneraient cette solution technique » ; l’organisation ajoute que c’est la raison pour laquelle elle « a préconisé d’appliquer un système de contraventions qui permettrait ainsi de sanctionner, de manière massive, les internautes qui refuseraient de mettre en œuvre une solution de filtrage ».
Le SNEP souhaite donc utiliser cette loi pour imposer le filtrage à tous les internautes. Deux conditions sont requises pour y arriver : « la présence de solutions techniques de filtrage proposées par les fournisseurs d’accès à internet et un texte qui viendrait préciser les sanctions attachées à la violation de cet article ». La Commission OLIVIENNE, à qui a été remis ce rapport, étudie actuellement la question et remettra ses conclusions prochainement…
Les clés de la réussite pour le SNEP résideraient donc dans la bonne volonté des internautes… et le cas échéant ces derniers se verraient infliger une lourde amende.
Reste que les propositions émises dans ce document sont difficilement applicables, notamment au regard des libertés fondamentales de chaque individu ; à titre d’exemple, la vie privée des citoyens ne serait-elle pas bafouée lorsqu’une quelconque autorité vérifierait si tel ou tel internaute a bel et bien installé un filtre sur son ordinateur ?
Sources :
http://www.ratiatum.com
http://www.zdnet.fr
Arnaud QUILTON