Les acteurs de l’industrie culturelle française l’attendaient avec impatience. Il fut enfin dévoilé et remis au Président de la République le vendredi 23 novembre 2007. C’est en effet à cette date que Denis Olivennes a transmis son rapport sur le téléchargement illégal à Nicolas Sarkozy. Comme nous le savons, ce rapport a pour objet d’enrayer la violation du droit d’auteur sur Internet. Selon l’Elysée, il s’agit en fait d’aboutir, grâce à ce rapport, à un « accord tripartite entre l’État, les professionnels de l’audiovisuel, du cinéma et de la musique, et les fournisseurs d’accès internet ». Mais depuis quelques semaines, les mesures qu’il pouvait contenir étaient incertaines ; certains parlaient de mesures liberticides avec une accentuation de la répression pour les pirates. D’autres estimaient que ce rapport contiendrait des mesures justes et proportionnées aux atteintes au droit d’auteur. Mais qu’en est-il réellement ?
La réponse fut donnée en ce vendredi et selon le Président Sarkozy, ce texte consacre « l’avènement d’un Internet civilisé ». Il faut ici entendre une répression accrue à l’égard des pirates.
Concrètement, les mesures retenues ont pour objectif de sanctionner les atteintes au droit d’auteur avec la technique dite de la « riposte graduée ». Celle-ci ne sera envisageable qu’avec la naissance d’une nouvelle autorité spécialisée dans les infractions liées au droit d’auteur. Cette autorité sera chargée d’envoyer aux internautes qui téléchargent illégalement des messages les avertissant du caractère illicite de cet acte. En cas de récidive, cette autorité sera aussi compétente pour les sanctionner.
Selon le rapport, cette autorité devrait voir le jour en septembre 2008, après le vote du Parlement.
La mission Olivennes met l’accent sur la notion de riposte graduée. Chacune de ses composantes ont été clairement dévoilées.
Tout d’abord, si un téléchargement illégal est avéré, et après plainte d’un ayant droit, le fournisseur d’accès à Internet (FAI) sera chargé d’envoyer un message d’avertissement au pirate. En cas de récidive, l’abonnement à Internet du pirate sera tout bonnement résilié, sans procédure judiciaire ou administrative préalable. Une liste noire nationale des internautes récalcitrants pourra même être établie.
En matière de répression, les FAI ne sont pas en reste : s’ils n’appliquent pas ces mesures, ils seront à leur tour sanctionnés.
La nouvelle autorité publique chargée de la riposte graduée pourra exiger que tout prestataire technique intervienne pour mettre fin à une violation du droit d’auteur.
Quant aux mesures techniques de protection (DRM), elles restent d’actualité tant que les fichiers sont lisibles sur les différents supports sans contrainte particulière.
Enfin, les plates-formes de partage de contenus seront dans l’obligation de mettre en place des techniques de reconnaissance de contenus, à l’instar de Youtube par exemple.
Notons que ce rapport mentionne aussi l’obligation pour les FAI de s’essayer aux techniques de filtrage, censées épurer les atteintes au droit d’auteur en maîtrisant mieux les contenus diffusés sur la toile.
Ainsi, après des mois de négociations, fournisseurs d’accès, ayants droit et pouvoirs publics sont enfin parvenus à un accord pour tenter d’enrayer le piratage de contenus protégés. Et c’est donc sans surprise que sont dévoilées ces mesures pour le moins répressives.
Mais on peut demander ce qu’il adviendra de la notion de riposte graduée lors du vote de la loi par le Parlement ; car on le sait, le Conseil constitutionnel s’est déjà positionné sur la question : il a estimé en 2006, lors du vote de la loi DADVI, que le système de riposte graduée ne pouvait être appliqué et autorisé au nom des libertés fondamentales de l’individu (notamment l’égalité des citoyens devant la loi). On peut donc penser que si le Conseil constitutionnel est amené à se prononcer à nouveau sur cette question, il statuera de la même manière qu’en 2006…
Par ailleurs, l’association de consommateurs UFC Que-Choisir, dont l’importance et l’influence dans notre société est incontestée, s’est montrée particulièrement hostile à la notion de riposte graduée. Selon elle, une autorité doit être mise en place ; mais cette autorité aurait pour objet de contrôler non pas l’application de la riposte graduée, mais les prix pratiqués sur le marché de l’industrie cinématographique et musicale.
Autant de facteurs qui font douter de l’applicabilité des conclusions de ce rapport…
Arnaud QUILTON
Sources :
www.zdnet.fr
www.01net.com