L’histoire remonte au 30 juin dernier. Nicolas Sarkozy, accueilli par des manifestants en colère de France Télévision, est l’invité du 19/20 sur France 3.
Sur une vidéo, que s’est procurée en exclusivité Rue 89, on y voit des images du Président tournées en off, où celui-ci s’avère excédé par l’impolitesse d’un technicien qui ne l’aurait pas salué en coulisses. Nicolas Sarkozy y fait même remarquer que l’on « n’est pas dans le service public (mais) chez les manifestants ». Après que la journaliste Véronique Auger lui ait répondu « c’est la France », il finit par dire que « ça va changer».
Puis, il plaisante sur la « placardisation » de Gérard Leclerc, qui est l’un des signataires d’une tribune très critique sur la réforme de l’audiovisuel : « T’es resté combien de temps au placard ? » ; avant de s’assurer que France 3 évoquera bien son déplacement du jour à Carcassonne.
Mais voilà, cette vidéo, diffusée sur le site de Rue 89 tombe en pleine discorde entre Patrick de Carolis, le président de France Télévisions et Nicolas Sarkozy (ce que l’on apprendra plus tard avec « L’Enfant terrible », écrit par Patrice Machuret, journaliste à France 3).
Au cours de son interview, Nicolas Sarkozy s’en prend, en effet, aux programmes de France Télévisions, qu’il juge trop proche de ceux des chaînes privées. Patrick de Carolis reproche ses paroles au Président, lequel rétorque qu’il s’est déjà fait insulter en arrivant et qu’il ne va pas se faire insulter en partant. L’ambiance est glaciale entre les deux hommes…
Mais pourquoi cette histoire ressurgit-elle aujourd’hui ?
Il y a quelques mois la chaîne a ouvert une enquête interne afin de savoir qui avait fourni cette vidéo à Rue 89. Le 8 juillet une plainte sera déposée par France 3, sur pression de l’Elysée, contre X pour « vol, recel et contrefaçon ».
Mais quid de la liberté de l’information ?
En effet sur cette vidéo, vu plus de deux million et demi de fois, riche en informations quant aux rapports du président avec les médias, et quant à l’ambiance électrique qui règne au sein de France Télévisions, rien ne met en cause la vie privée de Nicolas Sarkozy.
Cette affaire fait beaucoup de bruit pour rien, et n’aurait d’autre but que de venger l’honneur perdu de notre président.
En septembre dernier, Rue 89 recevait une injonction judiciaire de communiquer l’adresse IP de celui qui a posté la vidéo sur son site (qui n’était autre que celle de leur propre webmaster). Puis, sur convocations policières, des techniciens de France 3 eurent à identifier, sur des bandes de vidéosurveillance, les personnes filmées.
Cela va trop loin…
La procédure engagée par la chaîne déchaîne aujourd’hui les syndicats de journalistes, d‘autant que deux reporters de France 3, ainsi que deux autres travaillant pour le site Rue 89 sont convoqués par la police judiciaire, plus exactement par la Brigade de répression de la délinquance contre la personne (BRDP), dans le cadre de cette affaire, le 1er avril.
Bertrand Boyer, président de la Société des journalistes (SDJ) de la chaîne publique, dénonce les pressions politiques. Cette enquête aurait dû rester en interne, et non être confiée à la police judiciaire. «Cette promptitude servile de France Télévisions à jeter en pâture ses salariés fait froid dans le dos.» Il y aurait, selon lui, des pressions politiques sur les dirigeants de France Télévisions qui y ont répondu favorablement pour donner des gages à l’Elysée. Nicolas Sarkozy a toujours eu France 3 “dans le viseur”.
« Il est inadmissible que la chaîne exige, par la voix de ses avocats, que Rue89 dénonce ceux qui leur auraient fourni ces images. C’est une attitude honteuse qui méprise l’un des principes fondamentaux du journalisme, le secret des sources. »
Pour le SNJ, il faudrait que France 3 retire sa plainte, ou demande à l’Elysée de le faire.
Le SNJ appelle d’ailleurs à manifester ce mercredi 1er avril, tout comme la Ligue des Droits de l’Homme, pour dénoncer ces atteintes à la liberté de la presse, et l’autocensure du service public.
Source:
www.rue89.com
www.lexpress.fr
Sophie TRICARD