La Commission générale de terminologie et de néologie doit désespérer, car voici un nouvel anglicisme qui apparaît dans le vocabulaire des médias. Mais son inquiétude va être de courte durée, car une expression bien française peut-être employée pour désigner la « catch-up radio », qui est « la radio de rattrapage ». Phénomène qui a été largement commenté par les médias s’agissant de la télévision, il existe également en radio, correspondant à l’écoute différée sur Internet d’émissions de radio déjà diffusées à l’antenne.
Or, « l’écoute de la radio sur Internet est en progression constante : un quart des individus âgés de 13 ans et plus a déjà écouté la radio en live ou en catch-up », selon le « bilan de l’année radio 2008-2009 » publié le 22 octobre dernier, sur le site de Médiamétrie, « l’entreprise de mesure d’audience et d’études des médias pour les acteurs du marché des médias et de la communication ».
Mais, l’entreprise Médiamétrie n’a pas attendu la publication de ce bilan pour prendre acte de cette nouvelle conjoncture.
En effet, dès le 17 juin 2009, par un communiqué diffusé sur son site, ladite entreprise a lancé la « nouvelle mesure de référence de la Catch-Up Radio » afin que les acteurs du marché puissent « disposer d’une mesure de référence pour les différents modes d’écoute de la radio sur Internet. (…) pour établir la monnaie unique de la Catch-Up Radio », d’après l’allégation de Franck Si-Hassen, directeur délégué de Médiamétrie-eStat.
L’objectif de Médiamétrie est donc simple : par cette mesure, l’audience attachée à ces nouveaux comportements d’écoute sur Internet va être valorisée, dans le but de susciter la création d’un nouveau marché, notamment publicitaire.
Et cette étude est encouragée par les acteurs de la profession, à l’instar de Marc Gonnet, directeur du marketing d’Europe 1, qui déclare : « il nous [les radios] fallait un instrument de mesure unique et fiable pour démarcher les annonceurs », car « il y a urgence à monétiser cette audience », selon des propos rapportés par le journal Le Monde en date du 17 décembre 2009.
Dés lors, on peut se demander sur quelles données se base « la mesure Catch-Up Radio » pour aboutir à des résultats « fiables », remplissant l’enjeu déterminé par Médiamétrie.
Dans le communiqué de Médiamétrie en date du 15 décembre 2009, qui publie les premiers résultats de la dite mesure pour le mois de novembre, il en est explicité la méthodologie et le fonctionnement.
Ainsi, cette enquête mensuelle est établie selon deux variables : la « mesure des podcasts », correspondant à la comptabilisation de « tous les appels de téléchargements des émissions [radio] disponibles en podcast à l’unité ou par abonnement » et la « mesure du streaming différé » équivalant à la comptabilisation de la « durée de l’ensemble des sessions d’écoute des émissions de radio disponibles en différé sur les players de chacune des stations ainsi que sur celui de Dailymotion ».
Et pour appréhender ces mesures, Médiamétrie-eStat utilise la technologie « site-centric » reposant sur l’intégration d’un « tag invisible et inaudible » dans le player des stations de radio qui s’écoutent en streaming et dans le lien de téléchargement des podcasts radio; ainsi que le concours de clients souscripteurs.
Il existe également une mesure dite de « streaming live », mais les premiers résultats ne seront connus qu’à partir de janvier 2010.
Ce système semble donc assez optimal, pourtant Benoît Cassaigne, le directeur des mesures d’audience de Médiamétrie, convié le 16 décembre au Buzz Média Orange-Le Figaro, énonce qu’il souhaiterait parvenir à « une mesure automatique de la radio en 2012 », « le nombre de sessions d’écoute quotidiennes » augmentant.
Et dans cette interview, Monsieur Cassaigne revient sur les premiers résultats très attendus – la première étude devait sortir en octobre – de la « mesure Catch-Up Radio » réalisée sur le mois de novembre.
Plus de 13 millions de podcasts radio téléchargés sur ce seul mois, « c’est considérable », commente ce dernier, après avoir expliqué que « quand les podcasts ont été lancés en France en août 2005, les premiers contenus (…) étaient des contenus radio. Et à l’époque, c’était quelques milliers de podcats téléchargés ». En quatre ans, un bout de chemin a donc été parcouru.
Mais, ce nombre « considérable » permet-il pour autant l’amorce d’un nouveau marché économique pour la radio?
Benoît Cassaigne ne le dit pas explicitement, mais quand il énonce, qu’à l’aune d’une autre étude réalisée par Médiamétrie, dénommée « Global Radio », « l’audience sur le téléphone mobile a doublé en un an. (…) Les deux tiers de l’audience des radios musicales s’effectuent en dehors du domicile » avec « l’explosion des smartphones », il semble le concevoir.
Or, Tristan Jurgensen, directeur général de RTL Net, ne partage pas cette optique.
En effet, Guy Dutheil, journaliste au Monde, écrit dans son article du 17 décembre : « selon lui [M. Jurgensen], il reste encore un frein pour commercialiser les podcasts ». Surtout, quand Monsieur Jurgensen révèle que : « nous ne savons pas combien sont réellement écoutées. Apple, qui capte 80% de la consommation des podcasts via ses iPod et iPhone, a refusé de travailler avec Médiamétrie » et que le chiffre d’affaire du podcast en 2009 est « 7 fois inférieur à ce qu’il était en 2007 ».
Dés lors, seul l’avenir révélera si les acteurs du marché de la radio ont attrapé ou pas l’audience de la « catch-up radio ».
Néanmoins, une chose est certaine, la radio est « un média toujours aussi puissant », d’après le « bilan de l’année radio 2008-2009 ». En France, plus de 42 millions de personnes l’écoutent pour une durée quotidienne moyenne de trois heures. Et sa capacité « à épouser les nouvelles technologies est prometteuse pour son avenir ».
La radio a encore de beaux jours devant elle.
Sources :
http://www.mediametrie.fr/internet/communiques/nouvelle-mesure-de-la-catch-up-radio.php?id=83
http://www.mediametrie.fr/radio/communiques/bilan-de-l-annee-radio-2008-2009.php?id=146
Isabelle MEYER