Le 10 juillet 2009, s’achevait le procès du « gang des barbares » pour l’enlèvement et la torture du jeune Ilan Halimi, décédé lors de son transfert à l’hôpital. Pendant le supplice du jeune homme, ses tortionnaires avaient envoyé une photo de lui, une arme sur la tempe, à ses parents afin d’obtenir une rançon.
Pendant le procès, le magazine à sensation CHOC a publié la photographie en question à sa une. La famille Halimi a alors entamé une procédure de référé afin de faire interdire le magazine, sanction rare qu’ils ont obtenu en plus de 40 000 euros de dommages-intérêts. En appel le magazine avait obtenu l’autorisation de refaire paraître le magazine avec une photographie « occultée », mais cette nouvelle parution n’avait pas pu se faire du fait des difficultés techniques soulevées par de tels procédés.
À côté de cette procédure d’urgence, le parquet ainsi que la famille ont engagé des poursuites à l’encontre de la publication et qui ont débouchés sur la décision rendue le 12 janvier 2010 par le tribunal correctionnel de Paris.
Lors de l’audience en novembre dernier, le ministère public avait souligné l’atteinte d’une gravité exceptionnelle à la dignité du jeune homme, la procureur parlait alors de « sensationnalisme » risquant de provoquer un trouble à l’ordre public.
Pourtant, en relaxant le mensuel, le tribunal correctionnel s’est rangé aux arguments de Me Malka, avocat du magazine. Ainsi, la formation de jugement a estimé que pour alléguer une atteinte à la dignité humaine il fallait que la victime soit encore vivante.
La question de la pertinence de cette décision peut légitimement se poser. En effet, les circonstances de l’affaire mais surtout la teneur de la photographie suggéreraient une atteinte à la dignité de la personne que la morale ou la bien-séance commanderaient de ne pas diffuser ainsi.
Bien que la jurisprudence n’ai pas connu de cas d’espèce semblables, certaines décisions pourraient laisser penser une extension de leur champ à cette affaire. Depuis un arrêt du 20 octobre 1998 de la chambre criminelle de la Cour de cassation, la jurisprudence considère que l’autorisation de la diffusion de l’image d’une personne doit être donnée par cette personne et, en cas de décès de cette dernière, par les personnes ayant le pouvoir de l’accorder. Il semble ici que cette précaution n’ait pas été prise…
En outre, plusieurs décisions ont estimé que la diffusion de l’image d’un cadavre portait atteinte à la dignité de la personne décédée. Certes, le jeune Ilan était en vie sur la photographie, mais dans le cas précité, la personne photographiée était également décédée au moment de la parution des clichés. Cette solution semblait donc pouvoir s’adapter ici, pourtant le tribunal correctionnel n’a pas suivi cette voie.
La décision du 12 janvier 2010 semble donc aller à l’encontre des arrêts antérieurs, notamment ceux de la Cour de cassation. De plus, elle semble aller à l’encontre du bon sens et de la morale. Si appel il y a, la Cour en charge du dossier aura donc à trancher la question de savoir si une personne décédée à droit au respect de sa dignité, bien que la réponse semble évidente aux vues de la jurisprudence antérieure.
Sources :
http://www.agoravox.fr/tribune-libre/article/le-choc-halimi-la-photo-polemique-56377
Amandine QUENTON