Récemment, le monde a porté plainte contre X pour violation du secret des sources dans l’affaire des «écoutes téléphoniques du monde» ayant abouties à la mise en cause de David Sénat, collaborateur de Michèle Alliot-Marie au ministère de la justice. La mise en cause de ce dernier a été rendue possible grâce a des « vérifications techniques » effectuées par la Direction centrale du renseignement intérieur (services du contre-espionnage). Quelque jours plus tard, la CNCIS considère que les méthodes utilisées par la DCRI sont contestables.
L’affaire relance le débat sur le statut des écoutes téléphoniques dont le régime d’autorisation semble relativement facile à contourner pour les enquêteurs des services de police.
C’est d’ailleurs en réponse a l’arrêt Krussin et Uvigues (CEDH,1990) où elle avait été condamnée pour son manque d’encadrement dans les procédures d’écoutes téléphoniques que la France avait adopté la loi de juillet 1991 dite « loi Rocard » en vue d’encadrer le régime des écoutes téléphoniques. Ce texte va ainsi mettre en place la CNCIS, une autorité administrative indépendante composée d’un magistrat, d’un député et d’un sénateur devant être consultée par le premier ministre avant toute autorisation d’écoute téléphonique par ce dernier.
La loi du 23 janvier 2006 ( dispositions de prévention du terrorisme) va instaurer une procédure d’urgence dans laquelle seul l’avis d’une personnalité qualifiée désignée par le CNCIS pourra donner l’autorisation dans une hypothèse de terrorisme.
Cette procédure va être utilisée abusivement par les services de police, ce qui va provoquer l’ire de la CNCIS. Celle-ci va prier le premier ministre durant l’été 2009 de faire respecter par les enquêteurs les dispositions légales. Privés de cette mine d’information, les services policiers vont alors trouver un nouveau stratagème : justifier leurs écoutes en se servant de l’article 20 de la loi de 1991 qui permet un balayage aléatoire des ondes non soumis à autorisation pour «défendre les intérêts nationaux».
C’est justement cet article 20 qui a été utilisé par Bernard Squarcini (chef de la DCRI) et Frédéric Péchenard (directeur général de la police nationale) pour justifier l’épluchage des fadettes (factures téléphoniques détaillées) de David Sénat. La CNCIS a laissé entendre que ces pratiques étaient illégales, l’article 20 concernant un balayage aléatoire des ondes et non des écoutes individuelles ni consultations individuelles des relevés.
A la vue de ces éléments, il n’est pas exagéré de dire que le régime des écoutes téléphoniques à la française contient quelques failles, en particulier dans le régime d’autorisation qui est facilement court-circuitable par les enquêteurs. Ces derniers peuvent dès lors s’affranchir d’une autorisation pour aller espionner qui bon leur semble.
Un encadrement plus strict de la part de la CNCIS est dès lors souhaitable afin d’assurer une meilleure protection des échanges téléphoniques des personnes, ou du moins pour éviter un nouveau rappel à l’ordre de la part de la Cour Européenne des droits de l’Homme.
SOURCES:
H.L., «La longue histoire des grandes oreilles», Le canard enchaîné, numéro du 6 octobre 2010, page 6, 2010.
http://www.lemonde.fr/societe/article/2010/09/28/aucune-ecoute-telephonique-illegale-en-france-assure-hortefeux_1417268_3224.html
http://www.rue89.com/2010/09/28/grace-a-fillon-la-police-a-bien-acces-aux-releves-telephoniques-168637?page=2
http://www.lepost.fr/article/2010/09/28/2240069_la-police-n-aurait-plus-besoin-d-autorisations-pour-surveiller-nos-factures-de-telephone.html
http://www.france-info.com/france-justice-police-2010-09-29-ecoutes-telephoniques-le-renseignement-a-t-il-abuse-de-derogations-488163-9-11.html
Renaud BOBEDA