Depuis la fin des années 1990, les géants de l’alimentation et les médias développent le concept de nutrition positive. Concept inspiré de la médecine traditionnelle chinoise d’après laquelle certains aliments possèdent des propriétés bénéfiques pour le corps et, dans certains cas, sont susceptibles d’agir sur la maladie.
Discours orienté vers l’activité physique et une alimentation saine d’autant plus depuis l’arrêté du 27 février 2007 fixant les conditions relatives aux informations à caractère sanitaire devant accompagner les messages publicitaires ou promotionnels en faveur de certains aliments et boissons.
Depuis octobre 2010, ont été lancés sur le marché : Renforce, Equilibre, Vitalise, Rayonne, Body et Protect. « Stratégie pull » de mise : presse, télévision, internet mais aussi dégustation, Nestlé n’a pas fait les choses à moitié.
Entre films et spots publicitaires visuellement recherchés, « Nesfluid » a fait une entrée tout en dynamisme et en couleurs à la télévision. Ceci dit, c’est sur internet que Nestlé a déployé une stratégie marketing et de communication très étudiée : site promotionnel interactif et pédagogique, jeux en réalité augmenté, page Facebook.
Nestlé a joué sur une double dimension ; la ressemblance et la différence.
D’une part la publicité s’appuie sur un socle commun. Le produit est né du concept d’Hydranutrition qui mêle « deux fluides d’origine naturelle » : l’eau de coco et le lactosérum. Nestlé a innové en associant l’hydratation et la nutrition. « Une bonne hydratation contribue à maintenir notre équilibre en fluides mais également à transporter les nutriments dans le corps, à éliminer les déchets, à faciliter la circulation. Une bonne nutrition contribue à nous apporter l’énergie et les nutriments essentiels dont notre organisme a besoin ». Un commentaire évasif qui suggère plus que ce qu’il n’explique.
D’autre part, chaque boisson de la gamme est inédite. La marque a opté pour une politique marketing différenciée opérant une segmentation du marché : à chacun sa « fiole » en fonction de son âge et de son activité. Rayonne « Chouchou des femmes », Protect pour les séniors, Vitalise pour les jeunes actifs, Renforce « Plébiscitée par les enfants pour son goût chocolaté » et Body pour les sportifs.
Insistant sur la recette propre à chaque boisson, Nestlé met explicitement en avant les propriétés des nutriments et substances utilisés. « Renforce : calcium, phosphore et vitamine D participe à la solidité des os et au fonctionnement du système immunitaire ». « Equilibre : jus de citron et vitamine C, propriétés anti oxydantes et qui contribuent à l’absorption du fer ». « Vitalise : jus de Kiwi, guarana, caféïne et vitamine C participent à la vitalité physique et intellectuelle. » « Protect : jus de grenade, zinc et sélénium aux vertus protectrices anti-oxydantes ». Nestlé ose exposer des effets qui paraissent disproportionnés pour 25 cl de boisson.
1.65 euros pour 25cl, soit 6 euros le litre serait-ce une « potion magique » ou un « élixir de bien être » ? A ce prix là, Nestlé ne cible pas les catégories socioprofessionnelles les moins aisées.
Nestlé va plus loin dans sa stratégie marketing et a organisé le « Nesfluid Tour ». L’idée est d’associer une activité à chaque boisson et faire déguster chaque produit de la gamme. « Protect : culture et mémorisation », « Vitalise : séance de kick boxing », « Equilibre : séance de sophrologie ». Une fois encore, Nestlé manie l’ambigüité avec agilité dans la mesure où une confusion peut-être créée entre les effets du sport sur la santé et les effets de chaque boisson sur la santé.
« Nesfluid n’est pas un alicament mais un produit plaisir et bien-être se fondant sur des principes actifs connus et reconnus » explique Astrid Labro-Boutaud, directrice générale de « Nesfluid ».
Pourtant Nestlé a fait en sorte d’utiliser des substances déjà reconnues et autorisées par l’EFSA (Autorité Européenne de Sécurité des Aliments). La marque a utilisé des allégations nutritionnelles et des allégations de santé pour vanter les bénéfices de sa gamme. Or, ces allégations vont de pair avec la notion « d’aliment-santé » dit aussi alicament. On peut légitimement douter de la qualification de cette boisson. Otons toute confusion, les alicaments ne sont ni des produits pharmaceutiques ni des médicaments et ils n’ont pas d’effet thérapeutique. Qui plus est, sont fournis pour certains produits des conseils d’utilisation ; il faut préférer Renforce au petit déjeuner et Equilibre au déjeuner.
« L’emploi d’allégations nutritionnelles et de santé n’est autorisé que si l’on peut s’attendre à ce que le consommateur moyen comprenne les effets bénéfiques exposés dans l’allégation » dispose l’article 5 du règlement 1924/2006 concernant les allégations nutritionnelles et de santé portant sur les denrées alimentaires et son annexe. En l’espèce, les termes employés sont techniques : polyphénols, phospore ou encore « contribue au métabolisme des lipides » et « protège les cellules ». Le scepticisme demeure quant à l’accessibilité et l’intelligibilité de ces termes.
Depuis le règlement 1924/2006, le cadre juridique devient de plus en plus draconien dans ce domaine. Toutefois il reste quelque peu flou, ce qui permet la mise sur le marché de produits dont les allégations sont contestables. Au regard des noms, compositions, utilisations et effets, on pourrait assimiler la publicité pour « Nesfluid » à la notice d’un médicament.
On ne peut pas tout promettre au consommateur mais les marques sont astucieuses et tentent d’approcher les limites sans les dépasser. On ne peut nier que le choix des mots, des images, l’allure de la publicité suggèrent des effets qui vont bien au-delà de ce qui pourrait être réel.
Allégations nutritionnelles comme allégations de santé, Nestlé joue sur les deux tableaux. Pour autant, il n’est pas certain que le consommateur soit convaincu par la publicité exaltant les « bénéfices » pour la gamme « Nesfluid » et par la même qu’il soit désabusé. En effet, il est fréquemment sollicité par les promesses de nouveaux produits de plus en plus vertueux « justifiant » un prix totalement aberrant.
Il reste à savoir si, une fois dépouillé des moyens déployés en termes de communication et publicité, « Nesfluid » est à la hauteur des bienfaits qu’on lui prête. Information ou pur marketing : A vous de juger.
Sources
http://www.efsa.europa.eu/fr/topics/topic/nutrition.htm?wtrl=01
http://eur-lex.europa.eu/LexUriServ/LexUriServ.do?uri=OJ:L:2006:404:0009:01:FR:HTML
http://www.lefigaro.fr/conjoncture/2010/09/21/04016-20100921ARTFIG00678-nestle-lance-une-gamme-de-boissons-aux-bienfaits-sante.php