Alors que, depuis le 5 janvier 2009, les coupures publicitaires sont proscrites sur les chaînes du groupe France Télévisions après 20h, certains annonceurs parviennent malgré tout à occuper ces plages horaires.
Ce contournement de la loi est rendu possible par la technique du parrainage : une marque associe son nom à un évènement, un spectacle ou quelque autre programme. Si de telles interventions peuvent être envisagées comme une forme de publicité et en ont en apparence les finalités, il n’en va pas de même au sens des textes. Et elles demeurent autorisées en soirée.
Dernièrement, réagissant aux propos du Ministre de la culture Frédéric Mitterrand qui a « l’impression que la publicité en soirée est sortie par la porte mais revient par la fenêtre », Rémi Pflimlin – le nouveau directeur général de France Télévisions – a à plusieurs reprises assuré qu’il allait veiller à ce que ces « spots promotionnels » soient à l’avenir limités et mieux encadrés. Cela pourrait se traduire par une charte proscrivant les parrainages multiples ou ceux des programmes courts tels que la météo ou les informations routières. Ainsi, interrogé par France Inter, il explique laconiquement que l’objectif est que « visuellement, le parrainage ne paraisse pas trop important ».
Or, cette forme de « sponsoring » ne pèse pas moins que la bagatelle de 25 millions d’euros par an sur cette seule tranche horaire, ce qui constitue une manne financière considérable, indispensable. La question s’avère donc périlleuse et difficile à traiter puisqu’il s’agit de concilier ces intérêts économiques vitaux à une volonté politique de couper totalement les chaînes du secteur public des annonceurs et, en conséquence, des pressions de l’audimat. Ce processus doit se traduire par une suppression de la publicité en journée, laquelle ne pourrait finalement intervenir qu’en 2013 – après que le Gouvernement ait présenté un moratoire afin de décaler d’une ou deux années cette échéance – ou ne pas intervenir du tout (voir l‘article « La France et la Commission européenne s‘affrontent au sujet de la « taxe télécoms » »).
Alors que, de leur côté et poursuivant leurs intérêts, les chaînes du secteur privé estiment que cette initiative doit en toute logique s’accompagner d’une suppression du parrainage, ce débat est l’occasion de revenir sur ce genre de publicité qui, pourtant, obéit à un régime juridique spécifique et indépendant. L’on verra que, si le droit s’attache à bien dissocier ces deux types de réclame, dans les faits ils se rejoignent voire même se confondent inexorablement eu égard à leurs fins.
Un arrêté en date du 17 mars 1982 définit le parrainage comme étant « le soutien matériel apporté à une manifestation, à une personne, à un produit ou à une organisation en vue d’en tirer un bénéfice direct », ce qui englobe notamment les activités de l’audiovisuel. Concernant ce domaine spécifiquement, les règles applicables se retrouvent dans le décret du 27 mars 1992 dont le titre Ier définit le régime applicable à la publicité audiovisuelle et qui transpose en droit interne – dans la loi du 30 septembre 1986 – l’essentiel des dispositions issues de la directive des communautés européennes du 3 octobre 1989 dite « Télévision sans frontières ».
De son côté, le Conseil Supérieur de l’Audiovisuel (CSA) compte au nombre de ses missions la surveillance des programmes de parrainage, lesquels ne doivent ni constituer une forme de publicité déguisée ou clandestine, ni porter atteinte par quelque jeu d’influence que ce soit au pluralisme et à l’indépendance intellectuelle des émissions soutenues.
En premier lieu, le parrainage présente la spécificité d’impliquer l’interdiction de tout argumentaire promotionnel et commercial ; seuls doivent apparaître les noms et logos de la marque, à l‘exclusion même de tout slogan. Le parrain ne peut donc en aucun cas venter le mérite des produits ou services qu’il propose. Il s’agit là de la différence fondamentale relativement à la publicité « classique ». Le bénéfice pour l’annonceur réside dans l’association à un programme et quelques fois aux valeurs que celui-ci véhicule.
Contrairement à la publicité pour laquelle les possibilités d’y recourir sont précisément définies, le texte ne prévoit aucune disposition à propos du nombre et de la fréquence des messages de parrainage acceptés pour une même émission. Le CSA n’autorise cependant que les apparitions ponctuelles, ce qu’il traduit concrètement par cinq secondes d’antenne a maxima et un intervalle avant réapparition de 10 minutes a minima. Néanmoins, regarder France 2 entre 20h30 et 20h35 permet à tout téléspectateur de prendre conscience que ces prescriptions sont actuellement clairement outrepassées (on compte environ dix messages de ce type dans ce court intervalle).
Quant aux personnes morales susceptibles d’user de ce mode de communication, en ont la latitude tant les sociétés commerciales que les collectivités publiques ou les associations. En revanche, sont exclus en toute logique les autres diffuseurs audiovisuels et, du point de vue des chaînes, les journaux télévisés et les émissions d’information politique ne peuvent être sollicités.
L’ensemble de ces règles devrait établir que parrainage et publicité constituent des formes de communication tout à fait dissemblables. Pourtant, malgré la veille du CSA, toutes deux sont poussées naturellement à se confondre, ce qu’illustre le « relais » pris par la première après l’interdiction de la seconde sur France Télévisions.
Bien que le régime du parrainage soit plus que détaillé, dès lors que dans l’esprit des annonceurs les motivations se révèlent similaires à celles qui les poussent à acheter des encarts dans les journaux ou à payer leur place sur les panneaux d’affichage des abribus, on se situe nécessairement dans le cadre de la publicité clandestine prohibée par l’article 9 du décret du 27 mars 1992. Mais bien que le CSA ait déjà à plusieurs reprises sanctionné certaines chaînes pour abus, dénicher cette intention frauduleuse demeure plus que périlleux tant les preuves tangibles de cet état psychique manquent à l‘appui.
En revanche, la mission de la haute institution est facilitée dès lors que le parrainage prend la forme de lots composés de produits offerts par le parain. Ainsi TF1 a-t-elle été condamnée en 1991 pour avoir consacré une longue séquence à la sortie d’un nouveau modèle automobile ou encore en 1994 pour avoir présenté pendant plus de six minutes la voiture qui était mise en jeu. Plus farfelu, M6 dût en 1995 cesser de diffuser une émission dont le nom était l’homonyme parfait d’un titre de presse.
La précision de cette réglementation et la grande vigilance du CSA peuvent néanmoins surprendre puisque cette forme de publicité, qu’on la qualifie de « clandestine » ou non, tend à convenir à toutes les parties. D’une part, elle permet à des annonceurs qui n’ont pas ou plus accès aux créneaux classiques de communication de s’afficher ; d’autre part, elle offre aux diffuseurs, à l’image de France Télévisions, la possibilité de percevoir des revenus supplémentaires souvent déterminants.
Quant au téléspectateur, c’est au final toujours à lui qu’il revient de trancher et, insidieusement, de sanctionner : payer pour regarder des programmes, regarder gratuitement des publicités… ou ne pas regarder la télévision.
Sources :
www.csa.fr/infos/controle_publicite.php
http://www.p-wilhelm.com/?p_idref=34
http://www.latribune.fr/technos-medias/medias/20100921trib000551088/les-parrainages-sur-france-televisions-en-voie-d-etre-rabotes.html