Le premier janvier dernier, est entré en vigueur le décret relatif aux services de médias audiovisuels à la demande du 12 novembre 2010, adopté malgré la vive opposition du Syndicat des éditeurs de vidéo à la demande. Ce décret prévoit l’alignement des obligations financières des éditeurs de services de médias à la demande sur celles des éditeurs de services de télévision. En d’autres termes, il fixe les contributions financières minimales des services de médias à la demande pour le développement de la production cinématographique et audiovisuelle, d’œuvres européennes ou d’expression originale française, et les obligent ainsi à promouvoir l’exception culturelle. Pour cela ce texte règlementaire opère une distinction entre, d’une part, les services de vidéo à la demande (VAD) et les services de télévision de rattrapage (article 3), et d’autre part les services de VAD à l’abonnement (article 4) et les services de VAD à l’acte (article 5).
Tout d’abord, rappelons que la vidéo à la demande ainsi que la télévision de rattrapage sont tout deux des services de médias audiovisuels à la demande (SMAD), services de médias non linéaires. Les services de télévision de rattrapage ou « catch up tv » permettent à l’utilisateur de regarder, en différé et à la demande, les programmes diffusés par une chaine de télévision en linéaire, après leur diffusion. La vidéo à la demande quant à elle permet la diffusion gratuite (free on demand) ou payante, d’un contenu vidéo numérique « afin de le visionner immédiatement ou de manière différée accessible via différent types de supports (ordinateur, téléviseur, téléphone….) »
Nul ne doutait de l’impact de la VAD sur la production cinématographique et audiovisuelle, mais il fallait lui donner un effet positif, d’autant que la promotion des œuvres cinématographiques et audiovisuelles constitue une des règles de fond s’appliquant aux SMAD contenu dans la directive « SMA » de 2007.
L’élément déclencheur fut l’introduction, en juillet 2009, de la VAD dans la chronologie des médias s’alignant sur celle du DVD. Une des particularités de ce décret réside dans le « traitement particulier réservé aux services de télévision de rattrapage ». En effet, en 2008 Canal + (leader sur le marché de la VAD) s’était déjà entendu avec l’industrie du cinéma pour « considérer la télévision de rattrapage comme étant associée aux droits de diffusion classiques et non aux droits non linéaires comme la VAD ».
Le décret officialise un rattachement des services de télévision de rattrapage aux chaines de télévision et de surcroit la mutualisation des contributions de ces services avec celles des services de télévision dont ils sont issus. En effet, notons que l’article 302 bis KB du code général des impôts prévoit une taxe sur les services de télévisions, due par tous les exploitants établis en France, de service de télévision, qui ont proposé au cours de l’année civile écoulée, une ou plusieurs œuvres cinématographiques ou audiovisuelles. Cette taxe alimente ainsi un compte de soutien à la production cinématographique et audiovisuelle. La conséquence est que ces services de télévision de rattrapage sont exclus du champ d’application de ce décret s’agissant de leur contribution à la production d’œuvres audiovisuelles, mais reste entière pour la production cinématographique.
Quelques chiffres… L’article 4 du chapitre Ier du décret fixe pour les éditeurs de services de VAD à l’abonnement respectivement pour les œuvres européennes d’une part et pour les œuvres françaises d’autre part, proposant annuellement au minimum dix œuvres cinématographiques de longue durée dans un délai inférieur à vingt deux mois après leur sortie en salles en France, une contribution à hauteur de 26% et 22% de leur chiffre d’affaire annuel net ; 21% et 17%, lorsqu’ils proposent annuellement au minimum dix œuvres cinématographiques de longue durée dans un délai inférieur à trois ans et égal et supérieur à vingt deux mois après leur sortie en salles en France. Et 15 et 12% dans les autres cas.
S’agissant des éditeurs de services de VAD à l’acte, l’article 5 du décret énonce qu’afin de satisfaire l’objectif de contribution au développement de la production d’œuvres cinématographiques et audiovisuelles, ces services sont taxés d’au minimum 15% sur leur chiffre d’affaire annuel net, dont au moins 12% de ces dépenses sont destinées aux œuvres d’expression originale française. En d’autre terme, les services de VAD à l’abonnement seront taxés de 27% à48% sur leur chiffre d’affaire, contre 15% pour les services de VAD à l’acte.
Quoi qu’il soit, tous les éditeurs de services de médias à la demande (à l’exclusion de la télévision de rattrapage) doivent contribuer au financement de la création cinématographique ou audiovisuelle si leur chiffre d’affaires excède dix millions d’euros annuel. Ce décret révèle alors un engagement plus lourd des services de VAD à l’abonnement que celui des services de VAD à l’acte, ce qui s’explique selon de ministre de la culture et de la communication, par le fait que les services de VAD à l’abonnement sont susceptibles à terme d’entrer « en concurrence avec les services de télévision de cinéma, type chaine « premium » ».
Enfin l’application du décret est placée sous le contrôle du CSA qui est en charge de sa mise en œuvre. Cependant le Conseil avait émis un avis défavorable sur le projet, le 27 septembre 2010 (Avis n° 2010-22) craignant une entrave au développement des services de médias à la demande, dont l’équilibre économique est fragile, et invoquant une possible instabilité face à la concurrence et un risque de délocalisation des entreprises proposant ces services. Selon le CSA, la réglementation doit favoriser le développement de ces services et pour cela, elle doit leur être plus favorable, à l’aune de la directive SMA.
Le décret ainsi publié le 14 novembre 2010 semble tenir compte de certaines suggestions du CSA, mais seule son application témoignera de ses véritables retombées économiques.
http://www.journaldunet.com/ebusiness/le-net/droits-catch-up-tv-pour-canal-1008.shtml