A travers trois arrêts du 8 Septembre 2010, la Cour de Justice de l’Union Européenne a été amenée à se prononcer sur la conformité du monopole public allemand avec le droit européen, en ce qui concerne les jeux de hasard en ligne. En Allemagne, les jeux de casino font l’objet d’autorisations délivrées à des opérateurs privés dans le cadre de concessions nationales, tandis que les jeux de loteries et de paris sportifs sont soumis à un monopole public d’Etat. En l’espèce, des sociétés spécialisées dans le placement de ces derniers, se sont vues interdire le droit d’exercer leur activité par les autorités publiques allemandes, dans le cadre d’une politique de lutte contre les dépenses excessives liées au jeu et de l’assuétude à celui-ci. Pour défendre leurs droits, les trois opérateurs ont fait valoir devant le juge national que le monopole public sur les paris relatifs aux compétitions sportives enfreignait l’article 43 (liberté d’établissement) et 49 (libre prestation de services) du Traité CE.
Conscient, qu’il existe une contradiction dans la loi allemande entre un marché des jeux de hasard en ligne beaucoup plus restrictif que celui des jeux traditionnels, le juge national interroge la CJUE.
Si la législation allemande sur les jeux de hasard en ligne a la particularité de relever tantôt de la compétence des autorités régionales, tantôt de celle des autorités fédérales, toutes sont néanmoins soumises à l’obligation de respecter les libertés communautaires (Aff. C-46/08).
Par ailleurs, le juge communautaire considère qu’un opérateur de jeux en ligne ne disposant pas d’une autorisation des autorités publiques pour exercer son activité dans le pays dans lequel il est établi, peut très bien se prévaloir du bénéfice de la libre prestation de service sur le territoire d’un autre Etat membre (Aff. C-46/08). En l’occurrence, une société détenant une licence « offshore Bookmaking » sur le territoire de Gibraltar, ne pouvait être autorisée à proposer des paris en ligne à l’étranger, selon les autorités allemandes. La dite licence n’autorisant pas la commercialisation de ces jeux dans cet Etat pour des raisons fiscales, ces dernières avaient considéré qu’il était impossible pour l’opérateur de bénéficier des dispositions de l’article 49 du TCE.
De plus, une réglementation nationale comportant des restrictions incompatibles avec la liberté d’établissement et la libre prestation de service, ne peut continuer à s’appliquer pendant une période transitoire en raison de la primauté du droit communautaire (Aff. C-409/06). La juridiction de renvoi se demandait s’il était possible de maintenir temporairement en vigueur la législation allemande jusqu’à sa mise en conformité avec le traité CE. C’est du moins ce que souhaitaient les autorités allemandes qui voulaient limiter l’offre de paris et la publicité sur les jeux, de façon à garantir un minimum de cohérence entre l’objectif de lutte, contre la dépendance au jeu et l’exercice effectif du monopole.
La Cour précise enfin, que la justification d’un monopole public en matière de jeux de hasard, ne nécéssite pas au préalable une étude établissant la proportionnalité de la mesure restrictive avant l’adoption de celle-ci (Aff. C-316/07). En revanche, la dite mesure ne doit pas excéder en pratique ce qui est nécéssaire pour encadrer le contrôle de l’activité des jeux de hasard eu égard au droit européen.
La Cour condamne en réalité la législation allemande qui n’est pas propre à garantir la réalisation de l’objectif de prévention de l’incitation à des dépenses excessives liées au jeu et de lutte contre l’assuétude à celui-ci, en contribuant à réduire les occasions de jeu et à limiter les activités dans ce domaine d’une manière cohérente et systématique.
Tout d’abord, la circonstance que certains jeux de hasard relèvent du monopole public, alors que d’autres non, n’a aucune incidence sur les objectifs légitimes poursuivis par l’Etat allemand. Cependant, la politique expansionniste menée par les autorités publiques en matière de jeux de hasard ne relevant pas du dit monopole et le recours à la publicité sur les jeux de loterie et paris sportifs, sont jugés contraires à l’objectif de lutte contre la dépendance au jeu. Les jeux de casino présentant par ailleurs un potentiel de risque d’addiction au moins équivalent à celui des paris sportifs, ainsi que les mesures restrictives relatives à ces derniers ne peuvent être justifiées pour des raisons impérieuses d’intérêt général, en l’occurence la santé publique.
Il appartient donc à chaque Etat membre d’élaborer sa propre réglementation dans le secteur des jeux de hasard. Chacun peut apprécier si dans le contexte des buts légitimes qu’il poursuit, il soit nécéssaire d’interdire des activités relevant du domaine des jeux de hasard ou seulement de les restreindre en prévoyant des modalités de contôle plus ou moins strictes. Cependant, le juge communautaire impose à une législation restrictive de poursuive des objectifs légitimes de manière cohérente et systématique.
SOURCES :
aff. C-409/06, aff. C-46/08, aff C-316/07