Le 14 janvier dernier, un amendement introduit au sein d’un projet de loi du gouvernement tranposant plusieurs directives européennes dont le « paquet télécom », et prévoyant la création d’un commissaire du gouvernement au sein de l’autorité de régulation des communications électroniques et postales (ARCEP), a été adopté à l’assemblée nationale dans un hémicycle vide à six voix contre cinq.
Ce texte prévoit que ce commissaire sera nommé par le ministre chargé des communications électroniques et des postes (Eric Bessson). Il aura pour fonction d’informer l’ARCEP des analyses du gouvernement dans ce secteur. Il pourra faire inscrire à l’ordre du jour de la commission toute question relative aux communications électroniques ou postales entrant dans les compétences de l’autorité, cependant il ne pourra participer aux délibérations de cette dernière.
L’ARCEP a réagi à l’annonce de cet événement en dénonçant sa mise sous tutelle. En effet, selon ses membres, il s’agirait pour Matignon de peser plus de poids dans les décisions de l’autorité qui s’est révélée être indépendante jusqu’à aujourd’hui. Le gouvernement semblerait vouloir à cet effet, orienter les décisions de l’ARCEP qui ne vont pas toujours dans le sens des acteurs du marché, et pour cela il pourra accéder librement aux documents internes de l’autorité.
Le gouvernement a déclaré de son côté qu’il était important de pouvoir coopérer avec le régulateur dans le cadre des enjeux majeurs de l’économie numérique, que sont le déploiement de la fibre optique, l’attribution de la licence 4G etc.. Eric Besson rappelle, que la loi confère à l’ARCEP et au gouvernement, des pouvoirs réglementaires étroitement imbriqués, rendant ainsi nécéssaire le dialogue entre les deux. Par exemple, concernant le déploiement de la fibre optique l’ARCEP définit les conditions techniques et tarifaires dans les immeubles anciens, tandis que le gouvernement dispose de cette compétence en ce qui concerne les immeubles neufs. En matière de protection des consommateurs de services de communications électroniques, l’ARCEP a publié 30 mesures relatives à un meilleur encadrement des offres faites à ces derniers, qui pour la plupart, relèvent de la loi ou du pouvoir réglementaire du gouvernement (conditions de résiliation des abonnements, dévérouillage des téléphones mobiles…).
Ainsi donc, « l’indépendance ne doit pas exclure le dialogue » selon Eric Besson, qui affirme par ailleurs, que la présence d’un commissaire du gouvernement au sein de l’ARCEP ne constitue pas une remise en cause de l’indépendance de celle-ci, d’autant plus qu’il n’a pas de voix délibérative. En effet, la plupart des grandes autorités administratives indépendantes dotées d’un pouvoir réglementaire dans le domaine économique disposent d’un commissaire au gouvernement, sans que leur indépendance s’en trouve affectée. De plus, le rapport d’information relatif aux AAI indépendantes, présenté par les députés Vanneste et Dosière conclut que « la présence d’un commissaire du gouvernement auprès de chaque AAI serait le garant de la cohérence de l’action publique »
Catherine Trautmann, ancienne ministre de la Culture et de la Communication, ne cache pas son hostilité face à l’instauration d’une telle mesure. Selon elle, cela rappelle ainsi le nouveau mode de désignation du président de France Télévision entré en vigueur avec la loi du 5 mars 2009, prévoyant la désignation de celui-ci directement par l’éxécutif pour un délai de cinq ans.
La commission européeenne a par ailleurs, sur demande de l’association UFC que choisir et de l’AFORST, appelé la France à retarder la nomination du commissaire au gouvernement pour risque de conflit d’intérêts entre l’opérateur historique (dont l’état détient 27% du capital) et les opérateurs concurrents. Elle a rajouté qu’il fallait une séparation effective entre les activités de régulation et celles liées à la propriété de France Télécom, afin que l’ARCEP puisse conserver son indépendance et son impartialité, le non respect de ces deux principes pouvant en effet entraîner l’ouverture d’une procédure d’infraction à l’encontre de la France pour incompatibilité avec le droit européen.
Toutefois, le Sénat a voté le 10 février dernier la suppression de l’article instaurant la création de ce commissaire et la même décision sera adoptée six jours plus tard par la commission mixte paritaire chargée d’établir une position commune entre les deux chambres du parlement, rendant ainsi ce projet mort-né.
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