Les deux géants de la toile que sont le moteur de recherche Google et le réseau social Facebook se livrent une bataille depuis de long mois maintenant. Les enjeux financiers sont énormes et le nerf de la guerre semble être la part des recettes publicitaires en ligne (aujourd’hui majoritairement détenue par Google).
L’enjeu est simple : celui qui aura la garde des données (virtuelles) comportementales des internautes s’assurera des revenus publicitaires immenses. Retraçons certains des différents événements qui témoignent de cette guéguerre. La nouvelle messagerie de Facebook a été taillée sur mesure pour challenger Gmail (propriété de Google) en faisant travailler ensemble SMS, tchat, mail, le tout avec des filtres sociaux. De plus environ 200 salariés de Facebook auraient travaillé chez Google, ce qui a poussé Google à augmenter ses employés pour éviter une fuite des talents chez l’ennemi. Cela prouve que Google n’est plus aujourd’hui la seule très bonne opportunité pour être embauché dans le secteur d’Internet aux Etats-Unis. Enfin, Google a décidé d’interdire à Facebook d’importer les informations de ses utilisateurs Gmail.
Quelques exemples qui démontrent la lutte jusque là « loyale » mais non moins réelle que se livre les deux géants.
Néanmoins il ne faut pas se tromper, le rapport de force est toujours à l’avantage de Google qui est valorisé à plus de 190 milliards de dollars à Wall Street tandis que Facebook n’est pas encore coté en Bourse. Du côté des recettes publicitaires, Facebook aurait engrangé 1,3 milliard de dollars de recettes en 2010 soit à peine plus de la moitié des bénéfices de Google sur le seul troisième trimestre.
Pour le moment, s’il s’inquiète du phénomène Facebook qui compte plus de 600 millions de visiteurs uniques par mois, le célèbre moteur de recherche garde une bonne longueur d’avance et a même annoncé un nouveau projet en matière de réseau social. Cela n’a pas tardé à faire réagir Facebook.
En effet, il y a peu on apprenait que Facebook a commandé, de façon anonyme, à une agence de relations publiques une campagne de dénigrement contre Google, preuve que le réseau social ne compte pas trainer sur le chemin de son rapide développement et que la tension est à son comble après l’annonce du nouveau projet de Google.
Facebook a engagé Burson-Marsteller, une célèbre agence de relations publiques, pour distiller dans la presse des rumeurs contre le moteur de recherche et faire comprendre que Google ne fait pas de la défense de la vie privée des internautes une priorité absolue. L’opération se concentrait sur les médias et les blogueurs influents. L’objectif était clair : attirer l’attention sur le traitement de la vie privée par Google en dénonçant Google Social Circle, service lancé discrètement sur Gmail qui permet sur sa messagerie d’avoir accès à des informations sur ses amis, et sur les amis de ses amis. Une sorte de Google News, reprenant toutes les données sociales éparpillées sur de multiples comptes.
Oui mais voilà, la campagne de dénigrement a lamentablement échouée et Facebook s’est retrouvé pris « la main dans le sac ».
Burson-Marsteller avait contacté un blogueur de renom pour l’inciter à écrire un papier contre le géant américain, qui aurait ensuite été relayé sur de grands titres de la presse américaine (Washington Post, Politico et l’Huffington Post). Le blogueur a retourné sa veste et a publié les courriers électroniques échangés avec l’agence empêchant la campagne anti-Google d’être menée à son terme.
Rapidement, Facebook a reconnu son implication dans cette histoire et a confirmé avoir tenté d’attirer l’attention des médias sur la politique de Google en matière de vie privée. Un comble pour le réseau social qui a connu beaucoup de critiques sur ce même sujet. Un porte parole de Facebook assure cependant « qu’aucune campagne de calomnie n’a été autorisée ni voulue » et a tenté d’expliquer cette manœuvre par deux raisons : « d’abord, parce que nous estimons que les interventions de Google dans les réseaux sociaux soulèvent des questions de vie privée » et « nous voulions que des tiers vérifient que Google, sans avoir reçu d’autorisation des internautes, collecte et utilise des informations contenues dans les comptes Facebook ». Le porte parole à néanmoins reconnu que « c’est un sujet grave et nous aurions dû le présenter de façon sérieuse et transparente ».
De son côté Burson-Marsteller a bien confirmé avoir été engagé par Facebook, et a reproché à son client d’avoir insisté pour ne pas se faire connaître, donnant une allure clandestine à l’opération. Le cabinet de communication à tout de même fait valoir, comme Facebook, que « toutes les informations portées à l’attention des médias soulevaient de vraies questions, étaient dans le domaine public, et qu’en tout état de cause c’était aux médias de les vérifier à travers leurs sources indépendantes ».
Cette affaire prouve qu’une nouvelle étape a été franchie dans l’affrontement que se livrent deux groupe en butte à des polémiques à répétition sur l’utilisation qu’ils font des données personnelles des internautes, un dossier extrêmement sensible qui leur a valu des poursuites et qui inspire même des projets de loi.
L’accès à ces données est tellement indispensable à leur modèle économique que la lutte n’est pas prête de s’arrêter. L’issue de cette guéguerre est aujourd’hui pour le moins incertaine mais il y a fort à parier que les internautes en seront les grands perdants.
Antoine Dibon
Sources :
http://www.2ivoires.net/2iactu/facebook-a-lance-une-campagne-pour-nuire-a-google-artn12550-NTIC
http://www.numerama.com/magazine/18785-facebook-n-a-pas-voulu-calomnier-google.html
http://www.ecrans.fr/Google-c-est-des-mechants-signe-Le,12711.html