« Rendez-vous sur la page Facebook de notre émission pour plus d’informations » est désormais une phrase que les présentateurs de programmes audiovisuels ne pourront plus prononcer…
La société d’information dans laquelle nous vivons aujourd’hui, et les outils de communication qui s’y rattachent, sont fortement marqués par un mouvement de convergence des médias et des technologies.
Cette convergence a donné naissance à de nombreuses évolutions, de nouveaux usages et notamment à une implication et une participation forte des utilisateurs, auditeurs, téléspectateurs, internautes, dans l’élaboration des contenus et dans leur enrichissement. L’interactivité est le moteur de cette société d’information et constitue d’ailleurs le caractère fondamental du Web 2.0, ce vecteur extraordinaire d’échanges sociaux et commerciaux, pilier d’une économique numérique fleurissante.
Les réseaux sociaux sont fondamentaux dans l’essor de cette nouvelle stratégie de communication interactive, et sont d’ailleurs utilisés désormais par l’ensemble de la communauté médiatique, chaque chaîne de télévision, station de radio, et émission populaire a sa page officielle sur l’un de ces réseaux sociaux, les éditeurs ont trouvé le moyen d’enrichir leurs contenus et de donner une nouvelle dynamique ainsi qu’une certaine attractivité à leurs contenus. De la même façon, les entreprises qui font de la publicité à la télévision utilisent de plus en plus les réseaux sociaux pour prolonger leurs campagnes, les réseaux sociaux et les acteurs de l’audiovisuels forment aujourd’hui un véritable partenariat interactif et semblent être des médias en totale complémentarité.
Mais une décision récente du CSA se dresse comme un véritable obstacle face à cette complémentarité et à ce mouvement convergent et interactif ; le 27 mai 2011, le CSA a publié une décision concernant le renvoie des téléspectateurs par les émissions de télévision et de radio sur les pages des réseaux sociaux : il tranche en défaveur de cette stratégie de communication interactive et explique que : « le renvoi des téléspectateurs ou des auditeurs à la page de l’émission sur les réseaux sociaux sans les citer présente un caractère informatif, alors que le renvoi vers ces pages en nommant les réseaux sociaux concernés revêt un caractère publicitaire ».
Les dénominations « Facebook » ou « Twitter » attachées à ces sociétés commerciales sont effectivement déposées à titre de marques et il paraît légitime de se demander dans ce cas là, si la citation de telles marques dans les émissions de télévision, notamment quand elles interpellent les téléspectateurs à rejoindre leurs pages Facebook pour la suite de l’émission, ou pour des débats en lignes, s’apparente à de l’information ou à de la publicité.
Ainsi, la chaine de television qui citerait directement le réseau social par sa dénomination commerciale, tomberait sous le coup du décret du 27 mars 1992 (qui fixe les principes généraux et définit les obligations des éditeurs de services en matière de publicité, de parrainage et de téléachat) et de son article 9 qui prohibe la publicité clandestine.
Cet article dispose que : “la publicité clandestine est interdite. Pour l’application du présent décret, constitue une publicité clandestine la présentation verbale ou visuelle de marchandises, de services, du nom, de la marque ou des activités d’un producteur de marchandises ou d’un prestataire de services dans des programmes, lorsque cette présentation est faite dans un but publicitaire.”
Par conséquent, afin de s’en tenir à de la pure information, les chaînes de télévision devront veiller à parler des “réseaux sociaux” en terme générique et non pas en nommant spécifiquement l’un d’entre eux; Il faut préciser toutefois que cette limitation ne concerne que le renvoie des téléspectateurs sur les pages des réseaux sociaux, le CSA n’interdit pas les chaînes de télévision de parler de Facebook ou de Twitter ou d’informations qui seraient tirées de tels sites.
De plus, bien que les réseaux sociaux soient – et leur nom l’indique – de véritables plateformes d’ échanges sociaux il constituent aussi et surtout, un lieu d’échanges commerciaux et financiers. Les réseaux sociaux incarnent en effet aujourd’hui, le rôle de véritables leaders, ou acteurs dominants sur le marché de la publicité en ligne, aux côtés de Google notamment, et il ne faut pas perdre de vue qu’un véritable « business s’organise autour de ces réseaux sociaux destinés à capter des flux publicitaires ». C’est ce qu’a rappelé Christine Kelly (conseillère en charge de la publicité au CSA), qui met en avant un argument d’ordre concurrentiel pour cette décision. Elle explique qu’une telle pratique par les chaines de télévision risquerait d’évincer la concurrence, et affirme « qu’on ne peut pas privilégier un réseau par rapport à un autre ».
Cette décision est surprenante et fait l’objet de nombreuses critiques de la part de l’ensemble de la communauté des médias ; il paraît dès lors opportun de s’interroger sur la pérennité d’une telle décision, sur sa mise en oeuvre, et surtout sur les conséquences qu’elle pourrait avoir sur d’autres éléments, à savoir – dans la poursuite d’une telle stratégie de communication interactive et du mouvement de convergence médiatique – le renvoie des téléspectateurs sur les applications iPhone ou Android des chaînes de télévision ou de radio…affaire à suivre…
Anaëlle FRANCHIMONT
Sources:
http://www.csa.fr/actualite/decisions/decisions_detail.php?id=133542
http://www.csa.fr/actualite/communiques/communiques_detail.php?id=133577