C’est dans les locaux de Priceminister que s’est tenue la conférence de l’Asic du 5 avril 2011. Elle avait pour thème l’avenir des plates-formes d’expression sur Internet, ce qui impliquait nécessairement la responsabilité des prestataires techniques.
Cette conférence regroupait du beau monde. En effet, était présent de nombreux acteurs du net, et même d’horizons bien divers. Le thème central de la conférence s’est concentré sur le statut des prestataires techniques. A ce moment là, il faut noter que l’arrêt Dailymotion du 17 février 2011 est venu renverser de plein fouet la jurisprudence Tiscali du 14 janvier 2010, sans compter l’apparition timide mais remarquée du « Notice and Stay Down» devant les juridictions de fond. Le décret tant attendu sur la conservation des données personnelles en application de la loi LCEN du 21 juin 2004 venait enfin de paraître au Journal Officiel. De plus à cette période les Révolutions de Printemps battaient leur plein, portées par les réseaux sociaux et les moyens de communications électroniques. Enfin bref, l’actualité était plus que riche à cette période.
C’est sur cette foisonnante actualité que c’est déroulé cette conférence.
Pierre Sirinelli, grand maître de la propriété intellectuelle, a fait le point sur la jurisprudence récente, et notamment sur la différence entre le « notice and stay down» et le « notice and take down ». La nouveauté du passage du take down au stay down c’est cette fameuse obligation : quand un contenu mis en ligne est retiré du fait de son caractère contrefacteur, celui-ci ne doit plus pouvoir être remis en ligne. C’est la question des empreintes numériques et des blocages/filtrages. Benoit Tabaka précisera sur cette question que la CJUE sera soumise sous peu à la question du notice and stay down.
Le thème ensuite abordé est celui de la TV connectée, la télévision de demain en somme. Pascal Rogard, président de la SACD mettra en avant la future implication des hébergeurs en tant que « diffuseurs » du fait de la convergence technologique.
La députée Laure de la Raudière rappellera l’importance cruciale de ne pas légiférer trop vite dans ces questions là. En effet, le développement d’une économie boostant efficacement la croissance française serait en peine si celle-ci venait à subir les foudres du législateur, aidé et conseillé par les ayants droits en particulier.
On a appris également de la part de Jean Bergevin, représentant de la Commission Européenne, que la directive commerce électronique nécessiterait sans doute d’être aménagée dans un futur proche. En effet, il y a encore des zones d’ombres, souvent laissées à l’appréciation des États, et qui aujourd’hui assurent une certaine cacophonie des droits internes.
Prisca Orsonneau de RSF est venu plaider en faveur des prestataires techniques. En effet, plus on augmente la charge des obligations sur ces derniers, plus les risques à la liberté d’expression augmentent. Cela se concrétise simplement par une possible hausse des mesures de blocages et de filtrages. Elle rappellera également le résultat négatif de la responsabilité actuelle des hébergeurs, et de ce fameux système de notification. En effet, pour qu’un contenu soit retiré il faut d’abord avertir l’éditeur, et s’il ne fait rien, on pourra alors alerter l’hébergeur. Mais pour lui, comment vérifier la véracité d’un contenu ? S’il ne veut pas craindre une action contentieuse, il aura tendance à supprimer le contenu sans vérification. Le garde fou de la notification abusive existe, mais ces conditions de mise en œuvre sont utopiques :il faut une action en justice, et il faut démontrer la mauvaise foi de l’auteur de la notification.
Yoram Elkaim, responsable juridique de Google (Southern & Eastern Europe,Middle East & Africa, Google) aura une approche pragmatique de la situation du stay down et take down. Le moteur de recherche numéro 1 en France, risque d’expurger les passages d’un contenu mis en ligne quand celui-ci contient des éléments contrefaits. En un sens, il y a déjà un risque pour la liberté d’expression. L’autre problème est que le prestataire technique va devenir celui sur lequel on a déchargé la responsabilité.
A la fin de la conférence, l’Asic a annoncé qu’il allait attaquer devant les juridictions administratives le décret sur la conservation des données personnelles. Benoit Tabaka soulignera que, d’une part la Commission Européenne n’a pas été consultée sur la question comme le prévoyait les textes, et que le décret oblige les prestataires techniques de conserver les données relatives aux mots de passe personnels des internautes. On est ici dans l’intimité même des individus, la frontière qui garantit un tant soit peu leur vie privée. Elle n’identifie pas l’individu, mais le protège justement des atteintes qui peuvent lui être faites.
Cette conférence a permis de réellement prendre le temps de faire le point sur les grandes questions de demain. Compte tenu des évolutions technologiques, il est nécessaire qu’une nouvelle directive apporte des solutions pragmatiques. Cette étape est actuellement à l’étude au sein de la Commission Européenne, et l’ensemble des acteurs concernés, l’attendent avec intérêt.
Jérémy Ferrarin
Sources :
http://www.pcinpact.com/actu/news/62905-asic-lcen-acta-liberte-expression.htm
http://www.zdnet.fr/actualites/conservation-des-donnees-sur-internet-l-asic-se-fache-39759703.htm
http://www.pcinpact.com/actu/news/62366-google-notice-take-stay-down.htm
http://www.pcinpact.com/actu/news/62883-asic-lcen-decret-conservation-donnees.htm
http://www.pcinpact.com/actu/news/62957-asic-lcen-decret-mot-passe.htm
http://www.pcinpact.com/actu/news/63776-taxe-google-cnn-jacques-toubon.htm
http://www.pcinpact.com/actu/news/64088-taxe-publicite-internet-google-laure-de-la-raudiere.htm