Le 22 juin dernier, la première secrétaire du parti socialiste Martine Aubry a dévoilé dans une tribune accordé au site Rue 89 sa vision de la « France connectée », ébauche du programme numérique de la gauche pour les présidentielles 2012.
Dans ce document de 7 pages, la – très récente – candidate au primaire socialiste expose dans un point intitulé « Pour la culture, de nouveaux modèles rémunérateurs » la position du PS face au piratage sur internet et plus particulièrement dans la défense et la protection des droits d’auteur et des artistes de la création musicale. Dans l’angle le plus incisif de sa campagne, Martine Aubry précise qu’en cas de victoire en 2012 elle n’hésiterait pas à abroger la loi Création et Internet dite Hadopi, fer de lance de la riposte graduée initiée par l’UMP en 2009, qu’elle juge « coûteuse, inefficace et à contre temps ».
A la place, la porte parole de la rue de Solferino propose la mise en place d’une « contribution créative », licence globale améliorée instiguée par le député PS Christian Paul et déjà proposée par amendement dans les débats sur la Hadopi de 2009. Soutenue également par les Verts, cette contribution « forfaitaire et d’un montant modeste » – on parle de 5 euros par mois dont 2 alloués à la musique – sera assurer par les internautes « sur un prélèvement qu’acquitteront les opérateurs et les fournisseurs d’accès ». Dans un premier temps intégré au coût de l’abonnement à internet, cet apport financier pourra comme l’indique le document de travail de la proposition socialiste être remplacé à terme « par un dispositif socialement plus progressif », des prélèvements sur les opérateurs télécoms étant également envisagés pour appuyer cette mesure. La somme espérée avoisinerait selon les experts près d’un milliard d’euros à répartir entre les différents acteurs de la culture. En contrepartie, n’importe quel internaute contributeur pourra télécharger en toute légalité musique, films et vidéos sur les réseaux pair-à-pair à condition que cet échange se fasse hors marché dans un but non lucratif ;
Déjà écartée lors de l’élaboration de la loi DADVSI de 2006 et la loi Création et Internet de 2009, la question de la licence global semble une nouvelle fois se positionner au cœur du débat politique français. Créée à l’occasion de l’examen de la Hadopi, la plateforme Création Public Internet (CPI) – premier supporter de la contribution – appelle même les candidats à la présidentielle 2012 à se prononcer en faveur de ce « financement mutualisé adossé à une licence autorisant le partage d’œuvres numériques entre individus ».
Dès lors un clivage Gauche / Droite semble se dégager, les premiers se vouant à la cause du modèle mutualiste tandis que les seconds faisant bloc avec les majors veulent pérenniser et asseoir le système de l’offre légale.
Pour exemple, dès l’annonce du projet PS, Pascal Nègre PDG d’Universal Music France et patron de la SCPP – la Société civile des producteurs phonographiques – est monté au créneau pour dénoncer cette « plaisanterie » archaïque et vieillissante. Dans cette lignée, Pascal Rogard, directeur général de la société des auteurs et compositeurs dramatiques (SACD), n’a pas hésité à juger cette mesure d’« électoraliste ». Principales critiques avancées : des modalités de répartition indéfinies et une contribution contraignante et impérative même pour les profanes du téléchargement.
En réponse, le PS tente de dissiper les doutes en proposant de répartir les sommes générées en fonction des téléchargements réalisés sur les réseaux pair-à-pair. Comme l’indique la journaliste Raphaëlle Karayan de lexpansion.fr « Là où Hadopi surveille les internautes, la société qui serait en charge de la gestion collective des droits liés à la licence globale surveillerait uniquement les œuvres ».
Pas sur que cela suffise à renverser la tendance. D’autant que les maisons de disques peuvent compter sur le soutien de poids de Nicolas Sarkozy et de sa majorité qui même après avoir reconnu les faiblesses de la loi Hadopi continuent de glorifier la sacro-sainte offre légale.
Grâce au fameux label Hadopi dénommé PUR (Promotion des usages responsables), le gouvernement continue de jouer le jeu des majors en imposant une sorte une « licence globale de l’offre légale » qui permet à qui le souhaite – après souscription d’un abonnement payant mensuel auprès d’une plateforme agréée de musique en ligne – d’accéder à un catalogue de titres et ce de manière illimitée.
Problème : ce modèle économique appliqué par le suédois Spotify et – sous la pression d’Universal Music – Deezer offre une rémunération largement favorable aux maisons de disque, l’artiste passant au second plan.
Pour remédier à ce diktat, l’Adami – société de gestion collective des droits de propriété intellectuelle des artistes interprètes – milite aujourd’hui pour une troisième solution dite de la gestion collective des droits musicaux sur Internet. Basé sur le système des contrats de représentation passés entre les sociétés de perception et de répartition des droits et les radios, ce modèle permettrait moyennant un pourcentage sur le chiffre d’affaire ou les recettes publicitaires de rémunérer justement et équitablement les ayants-droit, les sociétés de gestion collective encadrant le mécanisme de répartition.
Une chose est sûre : à l’approche de 2012, les candidats à la présidentielle devront faire un choix. Entre à un système capitaliste imparfait et une proposition ambitieuse considéré pour certains comme mort-née, les postulants ne devront pas se tromper sous peine de voir considérablement réduites leurs chances de réussite dans la course à l’Elysée.
Sources
- http://lexpansion.lexpress.fr/high-tech/la-licence-globale-s-invite-a-la-presidentielle-de-2012_257728.html
- http://www.rue89.com/2011/06/22/la-france-connectee-une-tribune-de-martine-aubry-210341
- http://www.lefigaro.fr/hightech/2011/06/23/01007-20110623ARTFIG00743-l-industrie-musicale-fustige-le-projet-ps-contre-le-piratage.php
- http://blogs.lexpress.fr/regard-dassier/2011/06/25/martine-aubry-devoile-un-programme-ultra-socialiste-pour-le-numerique/