Avec l’avènement des radios libres dans les années 80, la place de la musique dans la sphère radiophonique s’est considérablement accrue en France. Pour veiller à la diversité et à la qualité de ce programme, le législateur a voulu assurer dans un contexte d’« américanisation de la culture » une certaine proportion de chansons francophones sur les ondes.
C’est l’objectif de l’amendement Pelchat du 1er février 1994 (entré en vigueur le 1er janvier 1996) qui prévoit une diffusion obligatoire à des heures d’écoutes significatives de 40% d’œuvres musicales crées ou interprétées par des auteurs et artistes français ou francophones dont 20% issues de nouveaux talents ou de nouvelles productions. Assouplies en 2000 par des dérogations accordées à certains formats, les quotas de diffusion de chansons francophones semblent aujourd’hui être insuffisants aux yeux de l’industrie musicale qui réclame leur renforcement.
Le 4 mai dernier, le Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA) a organisé une table ronde sur ce sujet ô combien épineux en invitant majors et stations de radio. Objectif de la concertation : « étudier des mesures permettant de faciliter et garantir la diffusion de la chanson d’expression française dans toute sa diversité sur les antennes des radios, particulièrement des radios musicales ». Depuis le dossier est en suspens, l’autorité de régulation du paysage audiovisuel français tardant à rendre ses conclusions. Pire, les rapports entre industrie musicale et radios musicales s’enveniment et se règlent à coup de communiqués de presse.
Le premier tir est venu le 17 juin dernier du côté de la société des auteurs, compositeurs et éditeurs de musique (SACEM). A l’occasion du point presse annuel, Claude Lemesle, vice président de la société de gestion collective indiquait que « 82% des diffusions de nouveautés francophones ont été concentrés sur 15 titres en 2010 ». Etayant son propos, l’ancien parolier de Joe Dassin pointait du doigt le manque de coopération des radios qui se cantonnent le plus souvent à ghettoïser les nouveautés et titres francophones en reléguant ces œuvres sur des heures d’écoute peu significatives (entre 6h et 8h) le weekend.
Face à ce discrédit, la réponse des radios ne s’est pas fait attendre. Craignant un possible renforcement de leurs obligations de diffusion de titres francophones, une partie des radios musicales françaises réunies sous la bannière du « Syndicat interprofessionnel des Radios et Télévisions indépendantes » (SIRTI) a fustigé l’attitude de l’industrie du disque qu’elle accuse d’influencer les pouvoirs publics pour obtenir « une mise sous tutelle des antennes de radio de France ». Pour elles, « l’appauvrissement de la production francophone » incombe totalement à l’édition et à la production musicale française, cette dernière ayant chuté de 76% en 10 ans.
Dans ce dialogue de sourd, les majors réunies au sein de l’association « Tous pour la musique » (TPLM) en appellent au ministre de la Culture Frédéric Mitterrand qui concédait lors du Midem en janvier dernier que « la question de l’exposition des répertoires dans toutes leur diversité, et à des horaires significatifs, [requérait] aujourd’hui une grande importance ». L’objectif de cet appel pour TPLM est que « non seulement l’esprit de la loi sur les quotas ne soit plus dévoyé, mais également que les radios soient incitées à introduire plus de diversité dans leur programmation musicale ».
Plus qu’une incompréhension, cette polémique cristallise un désir mutuel de réévaluer et redéfinir la loi de 94 en adaptant son champ d’application aux évolutions de la société (quid des quotas sur l’expression francophone sur internet) et aux tendances musicales actuelles (extension des quotas aux jeunes talents d’origine française chantant dans une langue étrangère) pour permettre d’assurer la diversité tant désirée.
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