Coup de Tonnerre pour les ayants-droit. Le 17 juin dernier, Le Conseil d’Etat, suivant les conclusions de son rapporteur, a décidé d’annuler la décision n°11 de la Commission copie privée adoptée le 17 décembre 2008. Cette dernière fixait l’ensemble des barèmes appliqués aux appareils soumis à la rémunération pour copie privée (CD, DVD, clés USB, disques durs externes, cartes mémoire…).
Saisie par plusieurs sociétés et syndicats professionnels représentants les fabricants et vendeurs de matériel, la haute juridiction a notamment dû statuer sur la “contestée” inclusion, dans le champ de rémunération de la redevance, de produits acquis par les professionnels dans un but autre que la copie privée.
Se basant sur l’arrêt Padawan de la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) du 21 octobre 2010 portant sur l’interprétation de la directive du 22 mai 2001, le Conseil a décidé d’exempter les professionnels du paiement de la rémunération pour copie privée. Dans cette décision, la CJUE avait considéré que “l’application sans distinction de la redevance pour copie privée, notamment à l’égard d’équipements d’appareils ainsi que de supports de reproduction numérique non mis à la disposition d’utilisateurs privés et manifestement réservés à des usages autres que la réalisation de copies à usage privé, n'[était] pas conforme à la directive”.
Mais le modèle français n’ignore pas totalement les professionnels, le système défendu par le Commission copie privée et le ministère de la culture appliquant un abattement sur les taux appliqués aux usages professionnels (par exemple -24 % pour un DVD).
Insuffisant pour le Conseil d’Etat qui estime “qu’un système d’abattement forfaitaire et général par type de support ne serait pas de nature à répondre à l’exigence d’exonération des usages autres que la copie privée”.
La France va donc revoir sa copie et remettre à plat les barèmes fixés par la Commission “Albis”.
Les professionnels jubilent. A l’image de Patrick Jacquemin, administrateur de RueDuCommerce qui considère cette décision comme “magnifique”. Pour lui, cette dernière va permettre de faire “cesser une distorsion de concurrence majeure subie par la distribution française sur le marché des professionnels”.
A l’inverse le moral est en berne du côté des sociétés de gestion collective. “C’est un bon jour pour les professionnels, non pour les artistes, les auteurs et les producteurs” avait déclaré Pascal Rogard, directeur de la société des auteurs et compositeurs dramatiques (SACD) sur le site pcinpact.com. Néanmoins, ce dernier admet qu’au moment de la loi DADVSI de 2006, la France “aurait dû prévoir un système d’exonération ou de remboursement pour les usages professionnels qui n’ont pas à être soumis à la rémunération pour copie privée”, la loi “Lang” du 3 juillet 1985 s’étant mal adoptée à l’ère numérique.
Pour des “exigences découlant du principe de sécurité juridique”, la haute juridiction administrative a jugé qu'”à titre exceptionnel” l’annulation de la décision n°11 de la commission de la copie privée ne serait pas rétroactive mais n’interviendrait qu’à “l’expiration d’un délai de six mois à compter de son arrêt”.
Six mois qui ne semblent pas de trop pour refondre le système de la rémunération pour copie privée. Principal objectif pour la Commission “Albis” : compenser le manque à gagner engendré par cette décision (on parle de 30 % de recettes en moins soit près de 60 millions d’euros). Pour ce faire, la commission aura plusieurs solutions envisageables : soit elle accepte la baisse des recettes ; soit elle répercute le manque à gagner en augmentant la taxe pour les particuliers; soit elle trouve des nouveaux supports de taxation.
C’est cette dernière option qui serait privilégiée en étendant par exemple, le champ de rémunération de la redevance, aux ordinateurs jusqu’à là épargnés ou aux consoles de jeux. Dans cette lignée, Pascal Rogard voit encore plus loin en proposant de “réfléchir au cloud qui a une partie “copie privée” “.
Trois ans après une première annulation du système par le Conseil d’Etat qui avait jugé illégal l’application de la taxe aux contenus piratés, la Commission de la copie privée va donc devoir une nouvelle fois rectifier le tir pour toujours assurer une juste rémunération des ayants-droit.
Sources :
- http://www.conseil-etat.fr/cde/fr/communiques-de-presse/remuneration-pour-copie-privee-.html
- http://www.conseil-etat.fr/cde/node.php?articleid=2363
- http://www.01net.com/editorial/534487/copie-privee/
- http://www.zdnet.fr/actualites/copie-privee-le-conseil-d-etat-exonere-les-professionnels-39761742.htm#xtor=123456
- http://www.pcinpact.com/actu/news/64183-copie-privee-profesionnels-pascal-rogard.htm
- http://www.pcinpact.com/actu/news/64169-copie-privee-padawan-support-professionnels.htm