Téléspectatrices, téléspectateurs, souriez, vous venez de gagner une bataille que d’autres ont mené pour vous.
En raison notamment des 134 plaintes téléspectateurs qu’il a reçues en 2010 (124 en 2009), du travail des associations de consommateurs et du nombre croissant de légitimes râleurs silencieux (dont je fais parti), le CSA a décidé de mettre les bouchées doubles pour faire cesser les écarts significatifs du volume sonore ressenti par les téléspectateurs entre leurs programmes favoris et les pages publicitaires.
Un constat
Depuis près de vingt ans, et malgré une législation interdisant cette pratique, les Français ne cessent de constater que le volume sonore des spots publicitaires parait légèrement largement supérieur au programme précédemment suivi. Si certains s’interrogent sur la légalité de cette hausse de volume, d’autres savent déjà que la législation en vigueur manque : soit d’un contrôle efficace, soit d’une précision technique. En effet, au terme de l’article 14 du décret n°92-280 du 27 mars 1992, modifié le 2 juillet 2010, on apprend que “le niveau sonore des séquences publicitaires ainsi que des écrans qui les précèdent et qui les suivent ne doit pas excéder, s’agissant notamment du traitement de la dynamique sonore, le niveau sonore moyen du reste du programme”. On cherche ailleurs à faire respecter aux chaines de télévision “un volume sonore égal”, qu’il s’agisse des programmes télévisés ou des spots publicitaires. Le gouvernement avait pris les devants en 1992, et le législateur l’a rappelé en 2009 et 2010 par plusieurs modifications.
Et pourtant, alors qu’il existe une législation en la matière, le phénomène persiste.
Pourquoi ?
L’annonceur – et la chaine de télévision qui veut l’attirer – dans le cadre d’une démarche commerciale, a tout intérêt à capter l’attention des téléspectateurs. Jouer sur le volume sonore de la publicité est un moyen redoutable d’arriver à ses fins. Face à la législation existante, fallait il miser sur le laxisme du contrôle ? La complexité de sa mise en oeuvre ? Ou encore sur le flou des termes de la loi ? Probablement les trois.
Au final, et vingt ans après le premier pas en avant du législateur, on sait que certains sont passé entre les gouttes et que d’autres ont trouvé la parade technique pour ne pas contrevenir à la loi et provoquer quand même, un effet sonore supérieur de la réclame, via la compression dynamique. Il s’agit grossièrement, d’augmenter la densité d’un son, pour provoquer un ressenti plus fort chez le téléspectateur, alors que le niveau sonore reste inchangé au sens de la loi.
Malgré la multiplication des études, des concertations entre opérateurs et des mises en demeure (En 2006 notamment, où M6, France 3 et TF1 sont pointé du doigt), il était temps pour le CSA et les acteurs de l’audiovisuels d’aller plus loin, principalement à l’heure du tout numérique.
Du volume sonore à l’intensité sonore
C’est pourquoi le 11 octobre 2011, le CSA a pris une délibération ayant pour objectif d’améliorer le confort d’écoute des téléspectateurs en limitant progressivement les variations d’intensité sonore entre programmes et messages publicitaires.
Si autrefois, les chaines se targuaient de respecter la législation en vigueur, ne touchant pas au “volume sonore” proprement dit, elles devront réviser leur copie d’ici à la fin de l’année et pour l’horizon 2012, puis 2013, puisque les contrôles porteront désormais sur “l’intensité sonore”. Tremblez contrevenants, car grâce aux travaux de l’Union Internationale des Télécommunications (UIT – recommandation ITU-R-BS 1770-2) et de l’Union Européenne de Radio-Télévision (UER – recommandationEBU-R128), il semblerait que le CSA dispose désormais d’outils industriels de mesure suffisamment précis et efficaces pour contrôler les écarts de conduite, s’agissant de l’intensité du son. Ce qui n’était pas forcément le cas s’agissant du “volume” du son. Michel Boyon, le président du Conseil semble d’ailleurs assez confiant : “Nous n’avons aucun doute sur la bonne volonté des chaînes à appliquer cette délibération, établie en concertation avec elles mais aussi avec tous les acteurs du secteur : éditeurs, producteurs, réalisateurs, annonceurs”.
Nous, téléspectateurs, nous demandons de voir. Toujours est il que si la guerre n’est pas encore gagnée, on semble se diriger vers une fin heureuse, où décompression sonore sera enfin synonyme de décompression tout court.
Trois dates à retenir dans cette délibération et sa mise en oeuvre :
– Le 19 décembre 2011 avec pour commencer une harmonisation de l’intensité sonore entre les chaines elles même, fixée à -23 LUFS (Loudness Unit Full Scale – qui est l’unité de mesure nouvelle retenue dans les algorithmes de contrôle de l’UIT et de l’UER).
– Le 1er janvier 2012 marquera le début de la phase deux, durant laquelle les spots publicitaires devront se caler sur cette intensité de -23 LUFS avec une marge de tolérance.
– Et enfin, la phase trois débutera le 1er janvier 2013 et mettra fin à cette marge de tolérance. On notera pour conclure que ces mesures concernent toutes les chaines de télévision (quel que soit leur mode de diffusion : TNT, ADSL, Satellite, câble, fibre optique) et tous les programmes (en direct ou non, y compris la VOD). Seuls les contenus des télévisions connectées disponible grâce à internet (YouTube, DailyMotion…) devraient s’y soustraire, car ils ne relèvent pas de la compétence du CSA.
Maintenant, reste à voir si cette nouvelle menace aura raison des récalcitrants… et des ingénieurs du son.
SOURCES :
- http://www.csa.fr/upload/publication/intensite_sonore_television_10octobre_2011.pdf
- http://www.ufcquechoisir-aude.org/article-570-Television-Fini-la-pub-trop-forte-
- http://www.arpp-pub.org/IMG/pdf/CONFORT_PUB_DEF.pdf
- http://www.csa.fr/infos/textes/textes_detail.php?id=134416
- http://www.csa.fr/outils/faq/faq.php?id=29553&idT=29611
- http://www.ohmwork-blog.com/2011/10/on-coupe-le-son.html