Les antennes-relais,éternel sujet de controverse,sont à nouveau au coeur de l’actualité.
L’avènement de la 4G,l’arrivée de Free Mobile sur le marché des opérateurs de téléphonie mobile entraînent en toute logique une recrudescence dans le déploiement d’antennes-relais sur le territoire français Phénomène corollaire à la multiplication des antennes-relais;l’inquiétude grandissante de la population au sujet des risques potentiels de telles installations sur la santé des personnes.Inquiétude qui,malgré l’absence de certitudes scientifiques établies en la matière,confinent bien souvent à l’hostilité…Les pouvoirs publics locaux se font l’écho de cette méfiance à travers la prise fréquente de décisions visant à interdire l’implantation d’antennes relais sur le territoire de leurs communes.
C’est dans ce contexte que le Conseil d’Etat a été amené à examiner la légalité d’arrêtés pris par les maires de trois communes (Les Pennes-Mirabeau,Saint-Denis et Bordeaux) en vue de réglementer de façon générale l’implantation des antennes relais dans leur commune,interdisant notamment de telles installations aux abords des écoles.Par trois décisions du 26 octobre 2011 la plus haute juridiction administrative a annulé lesdits arrêtés, jugeant qu’une telle réglementation ne relevait pas de la compétence des maires.
Face aux arguments des municipalités qui fondent leur intervention sur leur pouvoir de police générale (article 2212-1 et 2212-2 du Code Générale des collectivités territoriales) et invoquent le respect du principe de précaution qui incombe à toute autorité publique (article 5 de la Charte de l’Environnement de 2004),le Conseil d’Etat suit un raisonnement en deux temps:
Dans un premier temps,il déduit du régime juridique découlant des articles ,L 32-1,L 34-9-1,L34-9-2 ,L 42-1 et L43 du Code des postes et des communications électroniques, un pouvoir de police spéciale en la matière, incombant exclusivement aux autorités de l’Etat désignées par la loi à savoir: le ministre des communications électroniques,l’ ARCEP,et l’ANFR.
Suivant l’adage “Specialia generalibus derogant“, ce pouvoir de police spéciale éclipse le pouvoir de police générale du maire.Par conséquent, ce dernier ne peut plus invoquer la sauvegarde du “bon ordre,de la sûreté,de la sécurité et de la salubrité publiques”pour réglementer systématiquement l’implantation d’antennes relais sur le territoire de sa commune sans empiéter sur la compétence des autorités étatiques.
Dans un deuxième temps,le Conseil d’Etat récuse le fondement du principe de précaution,pourtant placé au sommet de la hiérarchie des normes car contenu dans la Charte de l’environnement, elle même intégrée au bloc de constitutionnalité depuis 2005 .En effet, les hauts magistrats rappellent que, si les municipalités, en tant qu’autorités publiques, veillent effectivement à la mise en oeuvre du principe de précaution tel que prescrit par l’article 5 de la Charte,elles ne peuvent s’appuyer sur ce principe pour intervenir en dehors de leur champ de compétence et en dehors de leurs domaines d’attribution. Or cela a été exposé plus haut, la réglementation générale concernant les antennes relais ne relève pas du pouvoir municipal.Cette acception établie il ne reste plus aux juges qu’à se fonder sur le texte même de l’article 5 de la Charte qui enserre l’action des autorités publiques dans les limites de” leurs domaines d’attribution”.
Cette prise de position du Conseil d’Etat intervient moins de quinze jours après la retentissante initiative de la Mairie de Paris de suspendre l’implantation des antennes relais sur les bâtiments de la capitale suite à un désaccord avec les opérateurs concernant le seuil maximal d’exposition aux ondes électromagnétiques.A ce titre il faut préciser d’emblée que la décision du Conseil d’Etat n’ emporte aucune conséquence juridique directe sur la situation parisienne,cette dernière ne résultant pas de la prise d’un arrêté municipal.
Toutefois, la décision de la haute instance fait incontestablement l’effet d’une douche froide aux maires (et à leurs administrés?) qui apparaissent désormais singulièrement démunis face aux opérateurs de téléphonie mobile.
Cela dit, le Conseil d’Etat a tenu à préciser que cette interdiction ne vise que les interdictions générales,laissant aux maires la possibilité d’adopter des mesures individuelles concernant une antenne déterminée, notamment en cas d’urgence ou de circonstances locales exceptionnelles.Cependant cette faculté apparaît plutôt symbolique qu’autre chose.Caractériser l’urgence ou les circonstances exceptionnelles en l’absence de consensus au sein de la communauté scientifique au sujet de la nocivité des ondes électromagnétiques pourrait en effet relever de la gageure…
Subsiste également la faculté pour le maire qui en ferait la demande de recevoir une information sur l’état des installations radioélectriques exploitées sur le territoire de sa commune.
Cette décision profite indéniablement aux opérateurs de téléphonie mobile en raison de l’exclusion de la compétence des maires au profit des autorités étatiques parmi lesquels le ministre des communications électroniques.A ce propos notons qu ‘ Eric Besson n’a pas été avare de déclarations laissant peu de mystère sur sa position, déplorant ainsi la décision “précipitée” et “disproportionnée”de la Mairie de Paris avant de se réjouir de la”clarification” apportée par le Conseil d’Etat qui permettra de poursuivre “les déploiements de service mobile”.
Le soutien du gouvernement aux opérateurs n’est pas critiquable en lui- même et se justifie aisément au regard des circonstances économiques.En effet, la vente des licences 4G représente un enjeu financier considérable se chiffrant en milliards d’euros.De plus il faut compter avec l’arrivée début 2012 de Free Mobile dont la plupart des antennes restent à installer (notamment à Paris) et qui, à l’instar des autres opérateurs, est soumis à des obligations de couverture du territoire élevées…
Cependant la position du Conseil d’Etat qui affirme avec force la “centralisation”du pouvoir décisionnel en matière d’ antennes relais raisonne également comme une sérieuse incitation pour L’Etat à se mettre à la hauteur de ses responsabilités et à appliquer de manière effective sinon excessive le principe de précaution.Cela implique de sortir du flou artistique entretenu à l’issue du Grenelle des ondes de 2009.
SOURCES:
http://www.conseil-etat.fr/fr/communiques-de-presse/antennes-relais-de-t.html
http://www.legifrance.gouv.fr/affichCode.do?cidTexte=LEGITEXT000006070987