L’intérêt constant des médias pour la vie privée des politiques a conduit, ces derniers jours, à envisager leur entourage comme des alliés agissant au profit des partis.
L’envergure médiatique que suppose aujourd’hui le débat politique a conduit à l’édiction d’un cadre normatif strict. Dès 1986, la loi sur la liberté de communication s’est voulue protectrice du pluralisme d’opinions et des courants de pensée. Avec l’avènement du Conseil Supérieur de l’Audiovisuel en 1989, une instance se trouva en mesure de réguler les prises de paroles de nos dirigeants, dans le domaine de l’audiovisuel. Si le décompte des interventions des personnalités politiques, tous partis confondus, ne pose plus aujourd’hui un réel problème, c’est l’identification de ces dernières qui a, récemment, soulevé une véritable interrogation. La recommandation du 21 juillet 2009 édictée par le CSA, relative au pluralisme politique dans les services de radio et de télévision, s’est efforcée de déterminer la réglementation propre à l’accès du Président de la République et des autres personnalités politiques aux ondes hertziennes. Néanmoins, il n’a jamais été fait état, au sein de cette mesure, d’un décompte des paroles exprimées par leurs proches, au sens de leur entourage privé. Certes, il y a bien une délibération du 4 janvier 2011 qui entend soustraire les interventions des soutiens propres aux partis politiques, mais celle-ci n’est effective qu’en période électorale.
Cependant, le président du CSA, Michel Boyon, a évoqué la possibilité de comptabiliser les interventions réalisées par Mme Audrey Pulvar dans le cadre de ses fonctions, notamment lors de l’émission « On n’est pas couché » diffusée sur France 2, au crédit du temps de parole propre au Parti socialiste. Cette journaliste, du fait de sa liaison avec Arnaud Montebourg, personnalité active du PS, avait déjà dû renoncer à sa chronique sur la chaîne i>télé et à celle qu’elle animait sur France Inter. D’ailleurs ce phénomène ne fait pas exception. Anne Sinclair, présentatrice du Journal télévisé sur TF1 avait préféré renoncer à son poste en 1997 lorsque son mari, M. Dominique Strauss-Kahn, fut nommé ministre de l’économie sous le gouvernement de Lionel Jospin. Ou encore, plus récemment, nous avons pu constater l’absence de Béatrice Schoenberg, lors du 20 heures. Disparition qui peut aisément se justifier par l’intimité qu’elle partage avec Jean-Louis Borloo, ancien Ministre d’État et Président du Parti radical.
Ces mises à l’écart, rarement explicitées par ces liaisons, peuvent se comprendre au regard de l’indépendance dont doit faire preuve tout journaliste. D’ailleurs, ce devoir s’inscrit dans le cadre de des principes déontologiques propres au milieu du journalisme. En effet, la Charte de Munich du 24 novembre 1971 met en avant le devoir n°10 qui consiste en le refus de « toute pression et n’accepter de directives rédactionnelles que des responsables de la rédaction » ; tout comme la Charte des devoirs professionnels des journalistes français de 1918, modifiée en ce début d’année, laquelle précise le droit à une information libre et indépendante au bénéfice des récepteurs. Aussi, au regard de ces dispositions, et si l’on conçoit que l’absence du petit écran mais aussi des ondes de Mme Pulvar – pour ne garder que son exemple – serait la réponse à un manquement, se pourrait-il que le simple fait d’être lié à une personnalité politique induise une défaillance de l’objectivité journalistique ?
Il est certain que la prise de position, en pareille situation, peut être soupçonnée. En l’occurrence, ce focus opéré sur la personnalité d’Audrey Pulvar a été favorisé par l’actualité politique. Depuis quelques mois, le Parti socialiste a bénéficié d’une large vitrine médiatique. Cela étant largement dû à l’organisation des premières primaires par un groupement politique de cette ampleur. Primaire destinée à mettre en exergue le futur candidat en mesure de représenter le PS aux futures élections présidentielles. Du fait de la place accordée aux socialistes dans le débat politico-médiatique, le CSA a gardé un œil d’autant plus attentif sur leur prise de parole. D’ailleurs, l’absence des autres partis à la télévision ou à la radio a conduit l’autorité administrative indépendante à sévir, notamment au travers de mises en demeure de chaînes de télévision et de radio.
Cependant, remettre en cause la liberté de la presse en brimant la liberté d’expression du journaliste violerait à la fois l’article 10 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme que l’article 11 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen. De sorte, il semblerait que l’enthousiasme dont a fait preuve le président du Conseil, de prime abord, ne pouvait aller dans le sens de la législation en vigueur, et encore moins dans celui de la recommandation de 2009. En effet, Mme Pulvar ne représente d’aucune manière le Parti socialiste, ou un quelconque autre groupement politique. En ce sens, la prise en compte de facteurs subjectifs, à savoir sa liaison avec M. Montebourg, pour l’inscrire dans le sillage du PS et remettre, de ce fait, en cause son indépendance, tout comme son objectivité, démontre l’exorbitance de la proposition avancée par M. Boyon. Après mûre réflexion, ce dernier est revenu sur ces propos afin de préciser les cas où les interventions d’Audrey Pulvar seraient apportées au crédit du Parti socialiste. Ainsi, décompte du temps de parole il y a aura seulement si la journaliste venait à prendre ouvertement partie pour son compagnon ou ses camarades, et ce, en période de campagne présidentielle.
In fine, cette affaire n’a fait que renforcer la stigmatisation des femmes de politiques travaillant dans le monde des médias. Bien qu’il y ait eu revirement d’opinion, cette prise de position arrêtée sur l’idée que ces dames ne peuvent faire abstraction de leur vie privée au sein de leur vie professionnelle, dénigre, au plus haut point, l’éthique journalistique. Encore une fois, la tutelle de l’État sur le CSA ne peut que s’observer au regard de la mesure proposée.
Sources:
http://www.slate.fr/lien/44975/temps-parole-audrey-pulvar-montebourg-csa