Le 21 octobre, alors que se déroulaient à Dijon les 21éme rencontres cinématographiques de l’ARP (Société civile des auteurs, réalisateurs, producteurs), le gouvernement est venu bouleverser les discussions en cours, en adoptant la veille, deux amendements à la loi de finances pour 2012. Cible première de ces textes, le Centre national du cinéma et de l’image animée (CNC).
L’un fut plutôt bien accueilli par les organisations professionnelles du cinéma, il s’agit de l’amendement 432 qui prévoit un plafonnement global du budget du à 700 millions d’euros.
En effet, en cette période de crise, Eric Garandeau, président du Centre a tenu à préciser que « le CNC, comme tout autre, contribue à l’effort de guerre en acceptant les charges nouvelles », à l’image de ce qui a été mis en place pour le financement de la cinémathèque française et de la Fémis, l’école du cinéma.
Aussi, le gouvernement précise que cet amendement a pour objet d’adapter l’assiette de la taxe due par les distributeurs de services de télévision qui est affectée au CNC afin de faire échec « à divers mécanismes d’optimisation qui menacent son produit ». En outre, s’il devait y avoir un excédent, celui-ci serait reversé au budget général de l’Etat.
Cependant ce n’est pas cet amendement qui a créé la polémique. En ayant fait voter l’amendement 431, le gouvernement a imposé pour 2012 un plafond pour le produit de chaque taxe affectée d’une trentaine d’organisations publiques, dont fait partie le CNC. Le surplus obtenu (de l’ordre de 70 millions d’euros pour le CNC) serait redirigé vers les caisses de l’Etat.
La réaction des organisations professionnelles du cinéma ne s’est pas fait attendre puisque dès le lendemain du vote, celles-ci dénonçaient dans un communiqué un « amendement inacceptable », en en demandant le retrait pur et simple.
Ce qu’il faut appréhender ici ce n’est pas un simple plafonnement des taxes, à l’image de ce que crée l’amendement 432. En effet, le CNC est essentiellement financé par quatre grandes taxes (taxe sur les places de cinéma, sur les services de télévision, sur la VoD et sur les éditeurs et distributeurs de télévision) qui alimentent le fond de soutien à la création et permettent ainsi le maintien de la diversité culturelle en France.
Dans cet esprit, une taxe en particulier a permis le rayonnement du CNC, c’est celle qu’on appelle la « Taxe Cosip » (Compte de soutien aux industries de programme) qui puise ses ressources sur les acteurs des télécoms. Or, les sommes perçues dans le cadre de cette taxe ne pourraient dépasser les 229 millions d’euros alors qu’elle connait un rendement croissant depuis quelques années (environ 30% depuis 2010).
Pour le gouvernement, l’objectif à atteindre est de trouver un milliard d’euros pour combler le budget pour 2012. Gilles Carrez, rapporteur général du Budget, est venu justifier cette mesure par le fait que « les revenus du CNC ont progressé de manière extrêmement dynamique ces dernières années ».
Aussi l’un des initiateurs de ce projet, Lionel Tardy, député UMP, compare les ressources du CNC à un « trésor de guerre » constitué grâce à des « revenus largement supérieurs » à ses besoins.
Encore plus virulent, le député UMP Michel bouvard, déclarait que le gouvernement « n’a aucune raison de laisser accumuler des excédents pendant que l’Etat est obligé d’emprunter sur les marchés avec des taux d’intérêts de plus en plus coûteux ».
Cette vision n’est cependant pas partagée par la profession. En effet, cet amendement conduirait à remettre en cause le fonctionnement de l’industrie du cinéma français qui perdure depuis 1946. Ce fonctionnement, assuré par un système mutualisant, permet au cinéma français de faire face au poids de l’industrie américaine en matière de films. C’est en effet grâce à des réaffectations automatiques ou sélectionnées des ressources, que le CNC aide à maintenir une création dynamique et diversifiée.
Diversité culturelle en péril certes, mais péril également pour l’autonomie du CNC. Selon Pascal Rogard, directeur général de la SACD (une des cinq organisations professionnelles du cinéma), cet écrêtement taxe par taxe « mène tout droit à la fin de l’autonomie budgétaire du CNC ».
Cette crainte d’une perte d’autonomie du CNC semble être confirmée par l’exposé sommaire de l’amendement litigieux rendu par le gouvernement. Effectivement, cette mesure permettrait « de renforcer le suivi et le contrôle du niveau des ressources affectées » par le Parlement qui jugera de la bonne affectation des ressources du CNC, et ce, à chaque vote annuel de la loi de finances.
De plus, il convient de rappeler que le CNC doit faire face à de multiples dépenses, à la fois lourdes et contraignantes. En effet, en pleine ère du numérique, le Conseil doit développer des moyens considérables afin de contrer le développement des plateformes de diffusions, du streaming mais il doit également agir en matière de numérisation des salles, d’aide au développement de la 3D…
Face au soulèvement et à la fureur provoqués par cet amendement, le président de la République, Nicolas Sarkozy, qui avait, quelques semaines plus tôt, promis son soutien au cinéma français en dépit de la situation de crise et des restrictions budgétaires, est intervenu afin d’enrayer le mécanisme mis en place par sa ministre du Budget, Valérie Pécresse.
Ainsi, si le budget global du CNC sera bien plafonné en 2012, les taxes qui alimentent le budget du CNC demeurent saines et sauves. Cependant, face à une situation économique de plus en plus alarmante, il y a fort à parier que cette tentative de piocher dans les recettes du CNC ne restera pas unique.
Sources:
- http://www.leparisien.fr/flash-actualite-culture/le-monde-du-cinema-refuse-l-economie-de-guerre-pour-combler-le-budget-21-10-2011-1678753.php
- http://www.lesinrocks.com/cine/cinema-article/t/72078/date/2011-10-25/article/la-nouvelle-croisade-du-gouvernement-contre-le-budget-du-cinema/
- http://www.google.com/hostednews/afp/article/ALeqM5jJWaBViLXO8_ssQPG8sz4GgRyGEg?docId=CNG.4680f7b083550934898358a96f390b1d.211
- http://www.pcinpact.com/news/66559-cnc-taxe-loi-de-finances-2012-fai.htm
- http://www.lemonde.fr/culture/article/2011/10/22/cnc-l-amendement-qui-effraie-le-cinema-francais_1592384_3246.html