Les avocats de Dominique Strauss-Khan ont décidé de poursuivre en justice le journal “Le Figaro” pour atteinte à la vie privée. Ils dénoncent un lynchage médiatique à l’encontre de leur client.
Arrêté le 14 mai 2011 pour agression sexuelle et tentative de viol, l’ancien directeur du FMI s’est retrouvé au cœur d’une tempête médiatique. Présenté comme favori pour les présidentielles de 2012, l’affaire du Sofitel a mis fin à son ambition politique. De précédentes affaires ont alors refait surface. En 2007, Tristane Banon, au sujet de l’homme politique, avait déjà évoqué une agression dont elle aurait été victime. Ayant porté l’affaire devant le Parquet de Paris, le 13 octobre 2011, le classement sans suite de la plainte pour tentative de viol a été prononcé. En parallèle, de nombreux articles ont mis en lumière les mœurs libertines du couple DSK-Anne Sinclair. Orgies, boites d’échangisme, ont ainsi été mentionnées. Il s’agissait ici d’apporter un éclairage sur la sexualité d’un homme politique mis en cause dans une affaire de viol. Cependant, une certaine déontologie journalistique restait de mise. Deux conceptions se sont alors affrontées dans le traitement de l’information. La presse anglo-saxonne a souligné la discrétion de la presse française concernant la vie privée de DSK. Un quotidien australien a dénoncé une loi du silence protégeant le chef du FMI. Des scandales sexuels éclaboussent régulièrement des personnalités publiques, dans le monde anglo-saxon ( Bill Clinton, Jack Welch, , Julian Assange, par exemple, en ont fait les frais). La presse française s’était montrée jusqu’ici plutôt réticente à l’exposition médiatique d’affaires relevant de la vie intimes des politiques. La frontière entre la presse “people” et celle dite sérieuse était alors évidente. Pour illustrer cette attitude de réserve il suffit de se rappeler du silence entretenu, jusqu’en 1994, autour de la fille cachée de François Mitterand.
Cette différence dans le traitement de l’information, entre la presse anglo-saxonne et française, tend à s’effacer. Dominique Strass-Kahn est de nouveau impliqué dans une affaire de mœurs. Dans celle-ci, il y est encore question d’un hôtel. Hôtel où un réseau de prostitution aurait organisé des rencontres entre notables et prostituées. Le nom de DSK rejaillit alors. Plusieurs magazines et journaux ont alors fait leur Une sur la vie nocturne et sur les difficultés que rencontrerait l’homme politique dans sa vie de couple. Des rumeurs de divorce ont circulé, Anne Sinclair serait fatigué des frasques médiatiques et judiciaires de son mari. Ces “informations” n’ont plus aucun rapport avec les instructions en cours. Ces considérations d’ordre privé n’apporte rien au débat politique. Le magazine “L’express” a fait sa Une sur “l’effarante double vie de DSK”. On y trouve un article détaillant les soirées auxquelles aurait participé l’ancien directeur du FMI. Cet article a donné lieu à un débat sur “Europe 1”, au cours duquel, Me Richard Malka a remis en cause le traitement opéré par la presse des affaires concernant son client. Il dénonce un “voyeurisme” et un “racolage”. Le manque de légitimité de tels détails scabreux est mis en avant : “Vous vous acharnez sur un homme qui n’a plus aucune fonction publique et n’aspire plus à aucune fonction publique”. Accusation à laquelle Christophe Barbier, directeur de “L’express”, répond que les faits en cause se déroulent à l’époque où DSK avait entre les mains une “part de la réputation de la France”.
La communication est au cœur du système de défense mis en place par le couple DSK-Anne Sinclair. Les plaintes ont été déposées conjointement, remettant en cause la thèse du divorce. L’ex journaliste a été aperçue à de nombreuses reprises épaulant son mari.
Outre “L’express”, les magazines “Le nouvel observateur” et “VSD”ont consacré leur Une à DSK. Il s’agit donc bien d’une déferlante médiatique. Vie cachée, maladie, divorce, autant de thèmes que l’on croyait réservé à la presse “people”. C’est Me Henri Leclerc qui a utilisé l’expression de “mise à mort d’un homme déjà à terre”, en référence à son client. Lors d’une interview à la radio “France inter”, il a dénoncé une “campagne graveleuse au nom de la vertu outragée”. Les ressorts de la presse à scandale sont utilisés. Sur le plateau de “Media le magazine” diffusé sur “France 5”, Eric Pelletier, qui a co-signé l’article sur la “double vie de DSK” prétend entendre dénoncer l’existence d’un réseau organisé de prostitution et non de mœurs libertines. Reste néanmoins que l’article propose des citations crues. Il n’est pas dit qu’exposer le goût d’un homme politique pour la sodomie relève d’une quelconque pertinence en termes d’investigation journalistique. L’acharnement est tel que Gérard Carreyrou, conseiller éditorial de “France soir”, toujours dans l’émission “Media le magazine”, a fait un parallèle avec l’ancien Premier ministre, Pierre Bérégovoy, acculé au suicide.
Sources
Richard D, “Affaire du Carlton : les SMS coquins de DSK rejaillissent sur le Parti socialiste”, Sud ouest, mis en ligne le 11 novembre 2011, consulté le 27 novembre 2011, http://www.sudouest.fr/2011/11/11/dsk-continue-a-plomber-la-campagne-du-parti-socialiste-550500-5137.php
Munoz E, “L’avocat du couple DSK-Sinclair prépare une plainte contre le Figaro, L’express, mis en ligne le 16/11/2011, consulté le 27/11/2011, http://www.lexpress.fr/actualite/media-people/media/l-avocat-du-couple-dsk-sinclair-prepare-une-plainte-contre-le-figaro_1051564.html
Ricard M, “DSK et Anne Sinclair portent plainte contre le Figaro”, France soir, mis en ligne le 15 novembre 2011, consulté le 27/11/2011, http://www.francesoir.fr/actualite/justice/dsk-et-anne-sinclair-une-plainte-l-encontre-du-figaro-156894.html