Alors que Jean-Luc MELENCHON maugréait à propos de son passage médiatique déficitaire par rapport à celui des autres partis ou encore que Jean-François COPE pestait sur l’omniprésence du Parti Socialiste sur les antennes à cause de sa primaire conjuguée au traitement de l’affaire DSK, le Conseil Supérieur de l’Audiovisuel (CSA), a publié le mardi 6 décembre 2011 les règles régissant le temps de parole des candidats à la prochaine élection présidentielle de 2012. Au travers de ce texte, l’organe de régulation ne réaffirmerait-il pas, insidieusement, son autorité de contrôle face à des éditeurs manquant fréquemment de rigueur ?
A titre liminaire, cette publication vient à rappeler que le pluralisme est un principe constitutionnel prévu par l’article 11 de la DDHC. Dès lors, ce droit doit être assuré en toutes circonstances ; toutefois, des règles spécifiques à l’élection présidentielle, comme celles qui viennent de paraître, s’imposent aux médias entre la période du 1er janvier 2012 et celle du 6 mai 2012.
Notons à titre subsidiaire que lors des élections précédentes ces règles spécifiques, imposant le pluralisme, commençaient à s’appliquer dès le 1er décembre 2007 dans la mesure où les candidats à l’élection s’étaient déclarés beaucoup plus tôt.
A la lecture du communiqué, le pluralisme doit être assuré en ce que l’opposition doit réaliser au moins 50% du temps de parole de la majorité afin que le téléspectateur, qui est avant tout un citoyen, ait suffisamment d’éléments d’information nécessaires pour voter dans de bonnes conditions.
Par ailleurs, il émane du texte une nouveauté importante venant s’ajouter aux règles qui régissent le temps de parole : la prise en compte des interventions des « soutiens ». En outre, le CSA prend soin de définir sous le vocable de « soutien », toute personne qui appelle explicitement à voter en faveur d’un candidat . Ainsi, depuis cette année, le temps de parole de chacun pourra être décompté qu’il s’agisse d’un politique ou d’une personne de la rue, pourvu qu’elle appelle à soutenir tel ou tel candidat.
A titre d’exemple, certains propos de Gilbert COLLARD de part sa promiscuité avec Marine LE PEN, pourraient être décomptés dans le temps de parole du Front National.
Il convient en outre de préciser que le CSA distingue le candidat « déclaré » du candidat « présumé ». Le premier est la personne ayant manifesté publiquement sa volonté de concourir à l’élection, tandis que le second est la personne qui recueille des soutiens publics et significatifs en faveur de sa candidature.
En outre, le CSA énonce dans sa publication qu’il s’agit de « temps d’antenne » dès lors que le média consacre son programme à un candidat ou à un de ses soutiens. Il convient donc d’exclure dans le décompte, tous programmes traitant de plusieurs candidats tels que les commentaires politiques, les analyses, les présentations de sondages d’opinion. Toutefois, dans la mesure où les journalistes manifesteraient un avis favorable pour l’un d’entre eux, ces temps d’antenne seraient immédiatement comptabilisés. En 2007, la suspension par TF1 de l’émission Ushuaïa, présentée par Nicolas HULOT, le candidat écologiste cette année là, illustre fort bien le propos. En effet, cette suppression d’antenne témoigne de la volonté de la chaîne de ne pas avoir à décompter du temps de parole des « verts » une émission, à première vue, non politique.
Pour cette comptabilisation du temps de parole et du temps d’antenne le CSA distinguera trois périodes :
. Tout d’abord celle ayant lieu entre le 1er janvier 2012 et le jour qui précède la publication de la liste des candidats.
. Puis, la deuxième période ayant lieu à partir du jour de la publication de la liste des candidats jusqu’à la veille du premier jour de la campagne électorale.
. Enfin, la troisième période, allant du premier jour de la campagne jusqu’à l’élection présidentielle. Celle-ci se divise en deux temps : les temps de parole relevés entre le premier jour de la campagne et le premier tour de scrutin, et ceux relevés depuis le lundi suivant le premier tour de scrutin jusqu’au vendredi inclus, précédant le second tour de scrutin.
C’est donc à propos de toutes ces périodes que le CSA a fait savoir qu’il contrôlerait le respect de la parité de deux manières :
. Soit par la coopération des éditeurs (France 2, BFM TV, Radio France…) qui doivent, dans les jours qui suivent la date des transmissions prévues, comptabiliser les temps de paroles des candidats et de leurs soutiens dans les journaux, les magazines d’information ou encore dans les émissions spéciales pour ensuite les transmettre au CSA.
. Soit par une intervention directe grâce à ses propres relevés et par le placement d’équipes qui surveilleront en permanence, à la seconde près, ce qui est diffusé sur les chaînes, principalement celles dont l’audience est significative.
Enfin, le CSA énonce que s’il existe un déséquilibre lors des contrôles, les éditeurs concernés seront dans l’obligation d’y remédier afin de faire droit au respect des principes d’égalité et d’équité. Dans le cas contraire, les sanctions prévues seront de différents degrés.
En effet, celles-ci pourraient aller d’une simple lettre de mise en garde ou d’une lettre de mise en demeure ouvrant dès lors la possibilité de sanctionner le média qui ne serait toujours pas intervenu, jusqu’à l’allocation de sanctions plus lourdes comme la suppression d’un écran publicitaire, la lecture d’un communiqué d’excuses lors d’un journal télévisé ou encore une amende pouvant aller jusqu’à 3% du chiffre d’affaire de la chaîne.
Pour conclure, force est de constater que cette publication a pour but de réaffirmer l’autorité du CSA mais surtout d’informer les chaînes sur la responsabilité qu’elles auront, pendant la présidentielle 2012, pour l’application de l’équité afin d’offrir aux téléspectateurs un véritable équilibre d’idées. Néanmoins, après l’épisode des primaires, dans lequel la surexposition de l’opposition avait atteint jusqu’à 150-160% du temps de parole, il convient de s’interroger sur le fait de savoir si le CSA, avec les armes qui s’offrent à lui, saura se montrer suffisamment ferme face à l’imbroglio que causent les nouvelles méthodes de communication des candidats qui, reconnaissons-le, tendent à devenir d’avantage des « shows politiques » plutôt que de véritables campagnes d’hommes d’Etat.
Sources :
. http://www.lemonde.fr/actualite-medias/article/2011/12/16/decomptes-de-campagne_1619420_3236.html
. http://www.humanite.fr/politique/acces-aux-medias-radio-et-tv%C2%A0-deux-poids-deux-mesures-486269