Si l’on pouvait penser que la ressource en émissions audiovisuelles était encore, il y a peu, un fleuve intarissable, il semblerait que cette affirmation ne soit plus réellement d’actualité. L’animateur-producteur de TF1 Julien Courbet a relevé, dès la fin du mois dernier, une affaire de plagiat incriminant la chaîne M6 du fait de son émission On ne choisit pas ses voisins.
Au cours de l’année 2009 était diffusé, sur TF1, un programme intitulé Voisins, vont-ils se mettre d’accord ?. Le concept de cette émission consistait à faire intervenir un médiateur ainsi qu’un maître d’œuvre aux fins d’un retour au calme grâce à l’entreprise conjointe de travaux, fruits du conflit, par les voisins en désaccord.
Au regard de ce descriptif et des incriminations lancées par l’animateur, au moyen d’une vidéo postée sur le net, la chaîne M6 s’est bien entendu défendue. En premier lieu, le groupe a précisé le fil conducteur de son divertissement. Ce sont les animateurs, Stéphane Plazza et Karine Lemarchand, qui tentent de résoudre, chacun de leur côté, le conflit de voisinage en mettant un point d’orgue sur l’instauration d’un dialogue sain et durable entre les familles. En plus de la volonté exprimée par les deux protagonistes d’offrir une vision renouvelée du règlement des troubles de proximité, M6 a fermement avancé que les droits détenus sur son émission l’étaient grâce à l’achat du concept Trouble with neighbors, programme néerlandais.
La réticence de la chaîne M6 à accorder le bénéfice du doute à Julien Courbet a conduit ce dernier à s’adresser directement aux téléspectateurs et internautes. En effet, conscient de la difficulté que représente la preuve du plagiat, il nous a offert une vidéo en ligne qui met en exergue, selon lui, les ressemblances existantes entre les deux émissions. Initiative qui se trouve d’ailleurs juridiquement utile lorsqu’il s’agit d’avancer la preuve de la contrefaçon ou de l’imitation, pénalement réprimées au sein du Code de la propriété intellectuelle. Aussi avons-nous pu observer, ces dernières années, une recrudescence des actions en contrefaçon de programmes audiovisuels, notamment de divertissement, comme l’affaire ayant opposé l’émission Secret Story (TF1) à l’émission Dilemme (W9). Le 11 mars 2011, les juges ont refusé l’imitation pour ne retenir que la concurrence déloyale.
À ce titre, et vue la difficulté à faire reconnaitre l’atteinte aux droits d’auteur et droits voisins, il semblerait plus judicieux pour l’animateur-producteur de TF1 d’aiguiller son action sur le plan civil, notamment au moyen de l’article 1382 du Code civil, lequel permet de dédommager la concurrence déloyale et le parasitisme. Encore faut-il qu’il démontre le préjudice causé par le programme de M6 alors même que TF1 ne diffuse plus le sien depuis plus de deux ans.
Reste un point sur lequel M. Courbet pourrait voir aboutir son hypothétique plainte : le développement du projet d’autrui. Ce fondement se justifierait par le fait qu’il ait présenté en 2009 son projet d’émission au groupe M6. Néanmoins, aucune suite n’avait été donnée. Pourtant, en 2011, la chaîne développe un programme approchant. Ainsi, et de prime abord, l’on pourrait penser que cette voie de droit pourrait permettre la reconnaissance de la contrefaçon. Cependant, il est souvent avéré que le simple projet s’analyse telle une idée, celui-ci n’étant pas suffisamment précis et abouti, et ne peut, à ce titre, revendiquer une quelconque protection. Cette liberté de parcours peut néanmoins connaître une exception, à la condition que les caractéristiques essentielles de l’émission future soient suffisamment explicitées. S’agissant du supposé litige, le fond commun que représentent les conflits de voisinage rendrait complexe la démonstration d’une originalité et d’une personnalité propre au projet présenté quelques années auparavant par Julien Courbet.
D’ailleurs, ce réalisme constant mis en relief dans les programmes télévisés consistant à faire de la vie quotidienne une création originale dénature le concept de format dont se prévaut également le producteur de TF1. La récurrence de ce type de thèmes au sein du paysage audiovisuel rend le juge plus méfiant quant à la reconnaissance d’une contrefaçon, les similitudes étant quasiment inéluctables.
Ainsi, l’appauvrissement des ondes hertziennes en termes d’émissions réellement nouvelles tend à nous confronter à un univers audiovisuel où les premiers arrivés seraient les premiers servis, sans que l’on ait à se soucier des idées plus ou moins construites. La recherche de l’audience et de rentabilité conduit à une apparente déloyauté entre les acteurs du PAF.
Enfin, pour le moment, aucune plainte n’aurait été déposée. Et si elle venait à l’être, advienne que pourra.
Sarah AKKAOUI-BORGNA
Sources:
– ACTU FRANCE-SOIR, “Julien Courbet accuse M6 de plagier sa guerre des voisins”, France-Soir, mis en ligne le 29 novembre 2011, consulté le 31 décembre 2011, URL: http://www.francesoir.fr/people-tv/television-media/julien-courbet-accuse-m6-plagier-sa-guerre-des-voisins-161533.html
– JeanMarcMorandinicom, “Julien Courbet accuse M6 de plagiat de son émission sur les voisins”, Youtube, mise en ligne le 15 novembre 2011, consultée le 31 décembre 2011, URL: http://www.youtube.com/watch?v=EWNh88sc4mI&feature=player_embedded
– L’EXPRESS, “Julien Courbet accuse M6 de plagiat pour On ne choisit pas ses voisins”, L’Express, mis en ligne le 29 novembre 2011, consulté le 31 décembre 2011, URL: http://www.lexpress.fr/culture/tele/on-ne-choisit-pas-ses-voisins-julien-courbet-accuse-m6-de-plagiat_1055986.html
– TELEOBS, “Julien Courbet veut attaquer les voisins de M6”, Nouvelobs, mis en ligne le 29 novembre 2011, consulté le 31 décembre 2011, URL: http://teleobs.nouvelobs.com/articles/julien-courbet-veut-attaquer-les-voisins-de-m6