Si la mort du streaming n’est pas encore annoncée, il est pourtant bien la cible de l’industrie cinématographique qui sort l’artillerie lourde dans sa lutte contre le piratage. Le match qui se joue opposent trois acteurs du secteur cinéma, à savoir le Syndicat de l’ Edition Vidéo Numérique, la Fédération Nationales des Distributeurs de Film et l’Association des producteurs de Cinéma, aux poids lourds du streaming, AlloShowtv, AlloShare, AlloMovie et Allostreaming. Récemment, le Président de la République s’est inscrit dans le débat en s’estimant prêt à faire voter une loi Hadopi 3. Si ces consoeurs ont marqué une victoire contre le piratage peer to peer, la petite dernière serait calibrée pour lutter contre le streaming non autorisé.
L’ industrie cinématographique à l’assaut du streaming et du DDL ( téléchargement direct)
Semble t-il confortés dans leur démarche par les récentes déclarations du Président de la République lors du forum d’Avignon, les ayants-droit ont engagés une action en justice. Sont concernés par cette assignation d’une part certains FAI: Orange, Sfr, Free, Bouygues Télécom, NC Numéricable et Darty, d’autre part les principaux moteurs de recherche utilisés en France: Google France, Google Inc., Microsoft Fr., Microsoft Corp., Yahoo Fr., et Yahoo Inc. L’objectif pour la partie demanderesse est d’obtenir de la justice une obligation à la charge des FAI s’agissant du blocage et du déréférencement d’un certain nombre de sites dont les noms ont été listés. S’agissant des moteurs de recherche, l’assignation renvoie une précédente mise en demeure en aout dernier. Seule la société Google semble avoir répondu favorablement car depuis Septembre, certains ont pu remarquer que le géant américain a retiré de son index l’ensemble des sites du groupe Allostreaming. Cette affaire fait écho à deux précédents où la firme avait retiré, cette fois de façon temporaire, deux sites accusés de favoriser le piratage: The Pirate Bay en octobre 2009 et BT Junkie en mars 2010).
Les demandes des plaignants: blocage et filtrage
Ls prétentions des différents syndicats se polarisent sur un double blocage: un blocage DNS et un blocage de l’adresse IP.
Force est de constater que le blocage DNS peut être contourné, c’est pourquoi les ayants-droits demandent que « s’il est établit que la fréquentation des sites [mis en cause] ne s’en trouverait pas pour autant réduite à un niveau symbolique », un second blocage soit mis en œuvre. Il s’agit alors du blocage direct de l’adresse IP.
La dernière demande consiste en la mise en place d’un système de mise à jour automatisé du suivi des différents sites suspectés de favoriser le téléchargement illicite. Celui-ci est décrit comme un « dispositif logiciel [mis au point] pour permettre d’effectuer un suivi permanent et en temps réel des sites, de leur adresse IP et de leur nom de domaine, pour signaler et traiter tout changement pouvant intervenir postérieurement à la décision judiciaire de blocage d’accès et de dé-référencement” . En d’autres termes, un tel système permettrait donc d’éviter que les sites bloqués changent d’adresse IP ou de nom, échappant ainsi à un éventuel blocage. La démarche des plaignants n’est pas resté à l’état de proposition puisque ce système a d’ores et déjà été mis au point.
La CJUE, pro streaming ?
Concernant le fondement de la demande des plaignants, ceux-ci s’appuient sur l’article 336-2 du Code de propriété intellectuelle au terme duquel tout contenu illicite communiqué par un service en ligne, peut être bloqué :
« En présence d’une atteinte à un droit d’auteur ou à un droit voisin occasionnée par le contenu d’un service de communication au public en ligne, le tribunal de grande […] peut ordonner à la demande des titulaires de droits sur les œuvres et objets protégés, de leurs ayants droits, des sociétés de perception et de répartition des droits visées à l’article L 321-1 ou des organismes de défense professionnelle visés à l’article L 331-1, toutes mesures propres à prévenir ou à faire cesser une telle atteinte à un droit d’auteur ou un droit voisin, à l’encontre de toute personne susceptible de contribuer à y remédier ».
Cependant, eu égard au principe de neutralité du net, des limites ont été posées au blocage permis par l’article susmentionné.
Ainsi, le Conseil Constitutionnel a délimité la mise en œuvre de cet article, en considérant que seules des mesures « strictement nécessaires à la préservation des droits en cause » pouvaient être prises. Les ordonnances de blocage ou de filtrage doivent alors être « nécessaires, adaptées et proportionnées à l’objectif poursuivi ».
D’autre part, la Cour de Justice de l’Union Européenne a récemment interdit l’obligation de surveillance et de blocage des contenus qui ne se révèlent que « potentiellement piratés », tout en posant certaines limitations s’agissant du filtrage. Selon la jurisprudence issue de l’arrêt « SABAM » rendu le 24 novembre 2011, le filtrage n’est légale qu’à la condition de ne pas bloquer la diffusion de contenus licites. Cette restriction pourrait mettre un coup d’arrêt à toute action de l’industrie cinématographique dès lors que, bien souvent, les plateformes hébergeant les contenus illicites, proposent dans le même temps le téléchargement de contenus licites. C’est d’ailleurs grâce à cette différence, qui pourrait être de l’ordre du détail si les enjeux et le rayonnement des sites en cause n’étaient pas si importants, que MegaVidéo, MegaUpload, VidéoBB ou encore VidéoZer ne sont, aujourd’hui, pas concernés par l’assignation alors même les quatre sites mis en cause rejettent leur responsabilité en affirmant qu’ils n’hébergent aucune vidéo mais diffusent seulement des flux provenant des sites précités.
La CJUE va plus loin en considérant par ailleurs que « certes, la protection du droit de propriété intellectuelle est consacrée par la Charte des droits fondamentaux de l’Union Européenne […] mais il ne ressort nullement qu’un tel droit serait intangible et que sa protection devrait donc être assurée de manière absolue ». La CJUE semble plaider pour « un juste équilibre » résidant dans une conciliation entre la protection du droit d’auteur et la liberté de communication et ce dans la continuité de la jurisprudence « PROMUSICAE ».
Alors même que l’ industrie cinématographique semble soutenue à l’échelle nationale, les récentes positions de la CJUE peuvent rendre difficile une lutte efficace contre les acteurs du streaming, d’autant plus que les pratiques de téléchargement illégal sont inscrites dans les habitudes de consommation de l”Internet.
Adeline CORNET
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