A la fois décrié par les uns et plébiscité par les autres, le jeu vidéo est devenu une véritable mine d’or pour les développeurs et les éditeurs. Malgré son coût prohibitif, cela ne lui a pas empêché de s’imposer au fil des années comme un bien de consommation de masse. Le public s’étant diversifié, les attentes des joueurs ont évolué par la même occasion. Ceux qui ont connu les consoles précédentes ont tendance à déplorer, a juste titre, un affaiblissement de la durée de vie ainsi que du scénario, et plus largement de la qualité général des produits. A l’instar du cinéma, certaines sociétés soignent particulièrement l’aspect graphique et laissent de côté le côté narratif qui faisait le charme des amas de pixels des générations antérieures.
La tendance est à la démagogie vidéo ludique et à l’art consensuel, même si d’irréductibles développeurs résistent encore et toujours à ces infâmes orientations. Un nombre croissant de joueurs s’est d’ailleurs estimé lésé par la finition actuelle des jeux ainsi que par les pratiques commerciales de grandes sociétés. Leur mécontentement a été entendu par l’association de consommateurs UFC-que choisir qui a récemment déposé une plainte contre un certain nombre d’acteurs majeurs dont THQ, Code Masters Warner interactive et Bethesda ainsi que trois distributeurs : Micromania, Fnac direct et Game France.
Des critiques multiples et variées
Dans une étude en date du 29 novembre 2011, l’association évoque les griefs reprochés aux protagonistes précédemment cités. Ces derniers sont littéralement fustigés de critiques.
Tout d’abord, l’association mentionne l’existence de dysfonctionnements (de bugs) de plus en plus récurrents : « Par dysfonctionnements graves, on entend, par exemple, le jeu qui « freeze » (l’écran se fige), le jeu qui se bloque (le joueur peu agir sur le personnage mais il ne parvient pas à le faire progresser dans la partie) ou qui crash (le jeu s’arrête de fonctionner) ». Elle dénonce également la diminution de la durée de vie des jeux, c’est-à-dire le temps nécessaire pour en venir à bout. Paradoxe absolu quand l’on connaît le coût de ces produits. Un joueur devrait pouvoir en théorie rentabiliser son achat. En pratique, il en va tout autrement. L’UFC-que choisir considère « qu’un jeu doit normalement permettre de jouer une bonne dizaine d’heures. Dans la mesure où un jeu coûte en moyenne entre 50 et 70 euros, on comprend l’agacement du consommateur. ».
De façon complémentaire, l’association met en évidence le manque de soin apporté aux produits ainsi que la pauvreté de leurs contenus. Les fabricants ont recours au système des DLC (Downloadable content) de manière récurrente. Cette pratique se manifeste bien trop souvent par une aseptisation des programmes proposés. L’utilisateur qui désire acquérir un jeu abouti doit acquitter une somme d’argent supplémentaire. Une véritable opération mercantile qui laisse sous entendre que le joueur dispose d’un budget indéfiniment extensible. Selon l’association de défense des consommateurs, « Il s’agit bien entendu d’une remise en cause de la qualité des jeux (qui connaissent plus de défauts) mais aussi une remise en cause de cette nouvelle pratique commerciale, appelée les DLC (Downloadable Content), qui vise à contraindre le consommateur à dépenser plus ».
Ajoutons également que selon l’UFC-que choisir, l’utilisation d’internet dans les jeux vidéos peut s’avérer être abusive. Certains produits nécessitent une activation en ligne. A défaut, ils ne peuvent pas fonctionner. De la même manière, bon nombre d’entre eux ne sont jouables qu’en mode « online ». L’UFC-que choisir note d’ailleurs à ce sujet « qu’il semblerait que ces derniers (les éditeurs) n’investissent pas en conséquence, si bien que les consommateurs ne parviennent pas à se connecter, parfois pendant plusieurs heures, pour jouer ou activer leur jeu ». Les serveurs qui accueillent les joueurs ont tendance à saturer, rendant toute partie en ligne impossible. Il est vrai que ce genre de désagrément ne fait pas forcément l’unanimité au sein de la communauté des joueurs. Enfin, le dernier grief concerne les numéros de série permettant l’activation d’un jeu. Si ces derniers permettent de lutter contre le piratage, ils ne fonctionnent qu’une seule fois, et ce, pour un utilisateur unique. Autrement dit, selon les termes de l’UFC-que choisir, « Cette pratique constitue une tentative de tuer le marché de l’occasion ». La revente devient de fait impossible ou limitée, car la clé d’activation ne fonctionne qu’une seule fois.
Le 1er décembre 2011, le syndicat des éditeurs de jeux vidéo réplique
Face à ces virulentes accusations, le syndicat des éditeurs de logiciels (SELL) et de loisirs ne reste pas de marbre. Il répond aussitôt, estimant que les propos tenus par l’association de défense des consommateurs sont complètement inappropriés. James rebours, président de la SELL, tente de décrédibiliser les critiques formulées par l’UFC-que choisir. Il attaque tout d’abord la validité de l’enquête menée par l’association : « les 560 témoignages recueillis par l’UFC n’ont pas de véritable valeur si l’on prend les 28 millions de joueurs et les 37 millions de logiciels vendus en France ».
Concernant la durée de vie des jeux, le président de la SELL semble timoré. Selon lui, cette critère est relatif et diffère selon les joueurs : « un gamer mettra sans doute beaucoup moins de temps à aller au bout de l’aventure qu’un novice. Cette critique relève davantage du ressenti que du factuel ». Une affirmation qui ne tient pas la route. L’industrie du jeu vidéo séduit le grand public en raison de son accessibilité et de sa simplicité. Toutes les tranches d’âge sont visées, ce qui n’était pas le cas auparavant. La difficulté ainsi que la longévité des jeux en sont grandement imprégnées. Quant aux dysfonctionnements évoqués par l’UFC-que choisir, James Rebours rétorque qu’il n’y en a pas plus qu’auparavant, et que les éditeurs développent des versions bêta afin que le consommateur bénéficie du meilleur produit possible.
Pour finir, l’impact négatif des systèmes de clés d’activation sur le marché de l’occasion n’est pas volontaire si l’on en croit ses propos: « Si cela a un impact sur le marché de l’occasion, ce n’est pas une volonté délibérée ». Une position qui n’est pas très certainement pas celle de Cory Ledesma, directeur créatif chez THQ. Dans une interview en date de 2010, celui-ci clame haut et fort son indifférence voire son antipathie pour les acheteurs de jeux d’occasion : « Si les acheteurs d’occasion sont énervés parce qu’ils n’ont pas les fonctionnalités en ligne, je n’ai pas vraiment de sympathie pour eux ». Il surenchérit même en les accusant de « spoliation ».
Le 5 décembre 2011, l’UFC-que choisir répond au SELL, et considère que très peu de réponses concrètes sont apportées sur les problèmes techniques mentionnés : « il se contente d’affirmer qu’il n’y a pas plus de dysfonctionnements qu’avant. Ce que les joueurs réfutent sur notre forum et ailleurs. ». Elle ajoute que la tentative de discrédit du directeur du SELL sur la valeur des témoignages est un échec, puisqu’ils continuent à affluer de manière considérable. Toujours est-il que bon nombre de personnes pensent que cette affaire n’est qu’une vaste plaisanterie qui sombrera dans les méandres de l’oubli. La justice nous donnera, espérons-le, prochainement la réponse.
Sources :
UFC QUE CHOISIR MARSEILLE, « L’UFC ne s’amuse plus », UFC que choisir, article de novembre 2011 : http://quechoisirmarseille.fr/jeux-video-l-ufc-qc-ne-s-amuse-plus.php
LEMONDE.FR, « L’UFC-Que choisir porte plainte contre des éditeurs de jeux vidéo », Le Monde, article du 29 novembre 2011 : http://www.lemonde.fr/technologies/article/2011/11/29/l-ufc-que-choisir-porte-plainte-contre-des-editeurs-de-jeux-video_1610586_651865.html
JULIEN.L, « L’UFC-Que choisir attaque 4 éditeurs de jeux vidéo et 3 distributeurs », Numerama, article du 29 novembre 2011 : http://www.numerama.com/magazine/20753-l-ufc-que-choisir-attaque-4-editeurs-de-jeux-video-et-3-distributeurs.html
JULIEN.L, « Le syndicat du jeu vidéo fustige la plainte de l’UFC-Que choisir », Numerama, article du 1er décembre 2011 : http://www.numerama.com/magazine/20781-le-syndicat-du-jeu-video-fustige-la-plainte-de-l-ufc-que-choisir.html
GAMEWORLD.FR, « Réponse de la S.E.L.L à l’UFC-Que choisir », Gameworld, article du 2 décembre 2011 : http://www.gameworld.fr/news-32452-Reponse-de-la-SELL-a-UFC-Que-Choisir.html
POCHET.J-B, « UFC que choisir répond au SELL », JVN, article du 5 décembre 2011 : http://www.jvn.com/jeux/articles/ufc-que-choisir-repond-au-sell.html?id=32663&page_reaction=4
UFC-QUE CHOISIR ; « Des jeux vidéos qui n’en valent plus la chandelle », UFC-que choisir, étude du 29 novembre 2011 : http://image.quechoisir.org/var/ezflow_site/storage/original/application/7e4a25edea162686054a9b863c16e511.pdf