Plongée en léthargie depuis trois ans, la radio numérique terrestre (RNT) sort de sa torpeur. Le Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA) s’est engagé à délivrer les autorisations d’émettre en attente et à attribuer de nouvelles fréquences pour étendre la zone de couverture. Le projet continue toutefois de diviser réseaux nationaux et structures indépendantes.
« […] depuis quelques années, le développement et la modernisation de la radio [sont] peut-être passés un peu au second plan »
La radiodiffusion est un système de communication utilisant la propagation des ondes. En mode analogique, le son est converti en signaux électriques associés à une porteuse. Celle-ci est modulée en amplitude ou en fréquence pour se répandre dans l’espace hertzien. En mode numérique, le son est traduit en un signal binaire compressé à l’aide de procédés techniques. Celui-ci est transmis par voie satellitaire, par l’internet ou par voie hertzienne. La radiophonie acquiert grâce à ces canaux une dimension supplémentaire.
Premièrement, la RNT repose sur le multiplexage. Sa mise en œuvre permet une optimisation radicale de la bande passante. Ce ne seront plus un mais plusieurs services de radios qu’une fréquence transportera. Deuxièmement, la qualité du son devrait s’améliorer. Les parasites devraient être de l’histoire ancienne et le rendu sonore devrait équivaloir à celui du disque compact. Tout dépendra des débits alloués. Troisièmement, des données liées aux programmes seront véhiculées. L’idée sous-jacente est d’enrichir les émissions en contenu visuel. S’afficheront par exemple des renseignements relatifs à une chanson pendant les séquences musicales ou une carte durant le bulletin météorologique. Quatrièmement, les stations disposeront d’une fréquence unique pour l’ensemble du territoire. L’ergonomie effectuera un bond en avant. L’usage du médium s’en verra facilité.
L’auditeur, le diffuseur et le régulateur ont chacun un intérêt évident à encourager l’essor de la radiodiffusion numérique, malgré de menus désavantages d’ordre financier. Capter exige l’acquisition d’un récepteur spécifique, les anciens appareils et les chaînes Hi-Fi devenant obsolètes. Emettre oblige les radios à investir dans du matériel neuf ainsi qu’à produire des éléments d’accompagnement, avec un impact sur les trésoreries. En dépit des réticences d’une partie de la filière radiophonique, le dossier a fait du chemin.
Une gestation délicate
A l’instar de la télévision numérique terrestre (TNT), le cadre juridique de la RNT est issu de la loi du 30 septembre 1986 modifiée par celle du 09 juillet 2004, elle-même complétée par celles du 05 mars 2007 et du 05 mars 2009. S’ajoute un arrêté ministériel en date du 03 janvier 2008 fixant la norme officielle de diffusion, la T-DMB (Terrestrial Digital Multimedia Broadcasting). C’est à ce moment que l’unité autour du projet commença à se fissurer.
La situation s’envenima au terme du premier appel à candidature en 2009. Quatre grands groupes privés réunis au sein du « Bureau de la radio » firent part de leurs réserves quant à la pérennité du projet : le modèle économique fragile, l’adoption lente et le volet technologique hasardeux les incitaient à jeter l’éponge. S’ouvrit une période pleine d’incertitudes. Ce volte-face eut pour conséquence directe le gel de la poursuite du processus de déploiement et le report aux calendes grecques du démarrage de l’activité des stations pilotes, voire la disparition de quelques-unes. Une puissante minorité bloquait un chantier que la majorité des acteurs de la radio appelait de leurs vœux. En coulisses, les rapports favorables et défavorables se succédaient tandis que la volonté du personnel politique s’effritait. Il n’y avait guère que le CSA qui était résolu à accomplir la mission que le législateur lui avait confié.
A la différence de la TNT, la RNT a été présentée au public davantage comme une révolution des usages que comme une extension de l’offre. Cette erreur de communication a probablement causé un déficit d’enthousiasme parmi la population. Le discours a été corrigé depuis et les partisans louent la rupture que le basculement provoquerait dans dans le paysage radiophonique français. Des avancées significatives ont été obtenues récemment au prix d’une mobilisation soutenue.
Une frêle éclosion
Radio France ainsi que les radios commerciales indépendantes et associatives ont mené des expérimentations pour convaincre des atouts de la RNT. Il s’agissait surtout de faire taire les détracteurs qui tergiversaient sur la pertinence de cette solution de diffusion. Le Syndicat interprofessionnel des radios et télévisions indépendantes (Sirti) a déposé un référé devant le Conseil d’Etat pour obliger le CSA à signer les conventions des stations titulaires d’une fréquence. Le régulateur profita de cette mise sous pression pour sortir le dossier de l’ornière.
Il fit en réalité coup double : il accéda de son propre chef à la requête du Sirti et annonça l’ouverture de prochains appels à candidature. Les radios marseillaises, niçoises et parisiennes retenues précédemment entreront enfin en service, normalement d’ici la fin de l’année. Quant aux futurs appels, ils concerneront une vingtaine d’agglomérations et auront lieu de juin 2012 à avril 2013 pour un lancement dans la foulée. Le calendrier table dorénavant sur une couverture totale de l’Hexagone à l’horizon 2015. Cette impulsion soudaine a pris tout le monde de court et déclencha l’ire du Bureau de la radio. Les groupes NRJ, RTL, Lagardère Active et NextRadioTV fustigèrent avec leur argumentaire habituel les décisions du CSA. Ils ont d’ores et déjà prévenu qu’ils ne feront pas acte de candidature si les choses en restaient là. Quoiqu’ils en disent, il leur faudra un moment ou un autre participer.
En effet, la Direction Générale des Médias et des Industries Culturelles (DGMIC) réfléchit à l’ajout de la norme DAB+ (Digital Audio Broadcasting). Cette dernière permettrait d’abaisser sensiblement les coûts de diffusion de la RNT ; un geste que les stations privées ne peuvent décemment ignorer. Par ailleurs, François HOLLANDE a promis d’être attentif à la progression des travaux. La feuille de route laisse peu de champ aux atermoiements. Les signes semblent indiquer que l’extinction du signal analogique est à portée.
SOURCES :
ASSELOT Céline, Que va changer la radio numérique terrestre ?, mis en ligne le 10 mai 2012, consulté le 14 mai 2012, disponible sur http://www.franceinfo.fr/medias/info-medias/que-va-changer-la-radio-numerique-terrestre-611671-2012-05-10
BEUTH Marie-Catherine, La bataille de la radio numérique terrestre relancée, mis en ligne le 09 novembre 2011, consulté le 15 mai 2012, disponible sur http://www.lefigaro.fr/medias/2011/11/09/04002-20111109ARTFIG00866-la-bataille-de-la-radio-numerique-terrestre-relancee.php
BEUTH Marie-Christine, La radio numérique : des ondes enrichies, mis en ligne le 04 août 2009, consulté le 18 mai 2012, disponible sur http://www.lefigaro.fr/medias/2009/08/04/04002-20090804ARTFIG00436-la-radio-numerique-des-ondes-enrichies-.php
CSA, La radio numérique terrestre, consulté le 14 mai 2012, disponible sur http://www.csa.fr/Radio/Autres-thematiques/La-radio-numerique-terrestre
DGMIC, La radio numérique, consulté le 18 mai 2012, disponible sur http://www.ddm.gouv.fr/rubrique.php3?id_rubrique=142
ECRANS.FR, Juré, le CSA veut déterrer la RNT, mis en ligne le 14 mars 2012, consulté le 14 mai 2012, disponible sur http://www.ecrans.fr/Jure-le-CSA-veut-deterrer-la-RNT,14259.html
ECRANS.FR, RNT : Le CSA relance l’appel à candidatures, mis en ligne le 25 avril 2012, consulté le 14 mai 2012, disponible sur http://www.ecrans.fr/RNT-Le-CSA-relance-l-appel-a,14565.html
HANNE Isabelle, RNT : les stations sévissent, mis en ligne le 14 mai 2012, consulté le 15 mai 2012, disponible sur http://www.ecrans.fr/RNT-les-stations-sevissent,14666.html
MEYER Isabelle, La radio numérique terrestre : “être ou ne pas être” la radio du futur, “telle est la question”, mis en ligne le 06 novembre 2009, consulté le 15 mai 2012, disponible sur https://iredic.fr/?p=2676
POUSSIEGLE Gregoire, Radio numérique terrestre : le CSA passe en force, mis en ligne le 13 mars 2012, consulté le 14 mai 2012, disponible sur http://www.lesechos.fr/entreprises-secteurs/tech-medias/actu/0201943512055-radio-numerique-terrestre-le-csa-passe-en-force-300983.php
VANNIER Christophe, RNT – La DGMIC lance (enfin) une consultation pour le DAB+, mis en ligne le 12 avril 2012, consulté le 21 mai 2012, disponible sur http://www.radioactu.com/actualites-radio/noi_140472/rnt-la-dgmic-lance-enfin-une-consultation-pour-le-dab/
WIKIPEDIA, Radio numérique, consulté le 14 mai 2012, disponible sur http://fr.wikipedia.org/wiki/Radio_num%C3%A9rique
WIKIPEDIA, Radio numérique terrestre française, consulté le 14 mai 2012, disponible sur http://fr.wikipedia.org/wiki/Radio_num%C3%A9rique_terrestre_fran%C3%A7aise