Après près de 30 années de services et un succès de taille, le minitel s’est éteint ce 30 juin lors de la désactivation des derniers codes du réseau à Rennes, ville où se trouvait le dernier équipement technique, soit le protocole X.25 et le réseau Transpac. Retour sur cette époque dite du premier âge du numérique en France, l’aventure de la “télématique”…
Le Lancement du Minitel :
Tout a commencé en 1977 : Mesurant le retard de la France dans les télécommunications, le président de la République de l’époque, Valéry Giscard d’Estaing, commanda la réalisation d’un rapport sur l’informatisation de la société. Celui-ci sera réalisé par Simon Nora et Alain Minc, le premier, haut fonctionnaire français, et le second, économiste. Dans ce rapport, est inventé notamment le concept de télématique et le lancement du réseau Minitel y est préfiguré. Une ère nouvelle est annoncée dans ce rapport très important. Une fusion entre les télécommunications et l’informatique est la base même de la notion de télématique. Ce rapport « Nora » annonce la monnaie électronique, la poste électronique, un renforcement de l’automatisation de la banque, du commerce, des assurances, de l’administration… L’un des apports est bien entendue une économie de main d’œuvre dans les grands services publics.
Lancé pour informatiser la France, le minitel est tout d’abord un annuaire électronique destiné à être simple d’utilisation et ainsi disponible pour tous. Sans abonnement, du moins les premiers modèles, il est prêté par France Télécom à ses abonnés, mais facturé au temps de communication. La facture s’effectuait par comptabilisation sur la facture téléphonique. Ainsi cet outil révolutionnaire a connu un début très prometteur, la rentabilité sera atteinte dès le début des années 1990. A son apogée, en 1996, le Minitel recensait plus de 10.000 fournisseurs de contenus pour 26.000 services actifs. Les raisons de ce succès proviennent notamment de la gratuité du terminal, ceci se vérifiant d’avantage lorsqu’on a pu constater des échecs à l’étranger avec des services similaires payants.
Les grands gagnants du minitel :
L’un des services qui eut le plus de réussite est le Minitel Rose. En 1987, le Minitel Rose représente un chiffre d’affaires d’un milliard de francs, dont un tiers au bénéfice de l’Etat. Des polémiques fusaient de plus en plus, du fait de la protection de l’enfance, du rôle de l’Etat dans de possibles dérives, ainsi que l’existence d’astuces permettant d’augmenter la rentabilité (conversations factices, ralentissement de l’affichage des pages, utilisation de robots logiciels…). Quelques entrepreneurs ont fait fortune dans ce secteur comme par exemple le PDG de Free, Xavier Niel. En effet, l’actuel 12ème fortune de France, racheta en 1991 Fermic Multimedia, un éditeur de services de Minitel rose créé dans les années 1980, et le rebaptise Iliad, le succès est retentissant. Le taux de rentabilité atteint dès ses débuts près de 4000%. Le minitel va permettre à Xavier Niel d’investir des millions d’euros, suffisamment pour pouvoir se lancer dans une nouvelle technologie qui arrive en France, Internet. Le Minitel emporte avec lui des services emblématiques qui ont forgé la mémoire collective et technologique d’une génération. Outre Xavier Niel, des grands gagnants sont à citer dans le domaine de la presse (le nouvel observateur avec son 3615 Aline, ou encore Libération).
Un frein au développement d’Internet ?
Grand monde critique le retard d’Internet en France en raison du développement du minitel dans les ménages, et de ses usages limités. Malgré l’essor et l’avancée technologique que représente le Minitel en France, le développement d’internet au sein de la métropole est considérablement en retard à l’égard des pays frontaliers. Si les Américains sont en avance dans le domaine de l’informatique, il en est différemment s’agissant de l’Europe et de la France : le 28 juillet 1988, la France se raccorde à l’Internet grâce aux travaux de son Institut National de Recherche en Informatique et en Automatique fondé dès 1967. Ce n’est pourtant pas vraiment à cette date qu’Internet arrive réellement en France. En effet, elle se cantonne alors aux centres de recherches, aux universités… C’est durant toute la décennie 1990, et d’autant plus à partir de 1995, que les ménages et surtout les entreprises françaises commencent à délaisser le Minitel et le Télétel pour Internet. Le passage à Internet a modifié quelque peu la donne d’un point de vue économique. En effet, les éditeurs ne touchaient rien sur l’accès à leur site, contrairement au Minitel, ce qui a pu provoquer des réticences au niveau des lancements.
Mais le minitel n’est pas à négliger dans la mesure où comme le précise Benjamin Thierry, une grande partie des termes utilisés sur internet et des usages naissaient avec la télématique (messagerie, vente par correspondance, les forums, le tchat…). Une éducation à cette interactivité a été réalisée grâce à cet outil. De plus, le minitel a permis le lancement d’internet au sens propre du terme : l’entreprise Iliad a continué à officier dans les services sur Minitel, mais commencera très tôt à donner dans l’innovation, puisque c’est en 1993 qu’elle crée l’un des premiers fournisseurs d’accès à Internet français : SCT World-Net. Le groupe choisit d’interconnecter ses services télématiques Minitel avec l’Internet exploité par WorldNet, sous l’adresse « 3615 WORLDNET ». C’est la première interconnexion de ce genre, en France.
Une fin naturelle programmée :
Face au développement d’internet en France et à la baisse progressive du prix des abonnements, des effets se sont tout de suite fait ressentir, puisque la rentabilité du Minitel tombe petit à petit. 400 000 utilisateurs étaient encore constatés cette année, notamment selon certains témoignages, par habitude et par facilité d’usage, ou du fait de l’absence de possibilité de se connecter à l’ADSL. On pense notamment aux personnes âgées qui pourraient s’imposer des freins devant la révolution des usages issus d’Internet. Par ailleurs, Orange a lancé il y a maintenant deux ans, un service composé d’une centaine de personnes chargées de la transition vers internet dans le but de permettre une meilleure accessibilité.
Il y a deux ans, France Télécom avait déjà annoncé une première fois la fin du Minitel mais, devant les derniers utilisateurs encore nombreux, cet arrêt a été reporté. Mais il fallait se rendre à l’évidence, et depuis donc 2 jours, la petite boite a tiré sa révérence…
Sources:
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WERRES Y, “Internet et Minitel en France”, consulté le 01 Juillet 2012, URL: http://www-user.uni-bremen.de/~werres/old/france-et-internet.html
JUMEL S, “Fin du Minitel : le 3615 ne sera plus”, Terrafemina, mis en ligne le 29 Juin 2012, consulté le 01 Juillet 2012, URL: http://www.terrafemina.com/culture/culture-web/articles/14921-fin-du-minitel-le-3615-ne-sera-plus.html
CLEMENTINE, “Minitel : la fin d’une époque !”, 59hardware.net, mis en ligne le 02 Juillet 2012, consulté le 02 Juillet 2012, URL: http://www.59hardware.net/actualite/internet/minitel-:-la-fin-d%92une-epoque-!-2012070212634.html
Émission Télévisée Capital, M6, « L’incroyable histoire de la Freebox », du 9 Janvier 2011, consulté le 01 Juillet 2012, URL: http://www.youtube.com/watch?v=FElkRCjKCW0
CREATIVE COMMONS, « Xavier Niel », Wikipedia, mis en ligne en 2005, consulté le 01 Juillet 2012, URL: http://fr.wikipedia.org/wiki/Xavier_Niel
CREATIVE COMMONS, « Minitel Rose », Wikipedia, mis en ligne le 11 Janvier 2012, consulté le 01 Juillet 2012, URL: http://fr.wikipedia.org/wiki/Minitel_rose
CREATIVE COMMONS, « Alain Minc », Wikipedia, mis en ligne en 2004, consulté le 01 Juillet 2012, URL: http://fr.wikipedia.org/wiki/Alain_Minc
CREATIVE COMMONS, « Iliad », Wikipedia, mis en ligne en 2004, consulté le 01 Juillet 2012, URL: http://fr.wikipedia.org/wiki/Iliad