Nul ne peut se souvenir du succès retentissant du film français « Bienvenue Chez les Ch’tis » réalisé par Dany Boon. Sorti au cinéma en 2008, il devient le deuxième meilleur score du box-office français, derrière Titanic, avec plus de 20 millions d’entrées dans les salles de cinéma, dépassant ainsi « La Grande Vadrouille ».
Ce succès a évidemment suscité une certaine avidité notamment au sein même de l’équipe de tournage. Monsieur Guillaume M., assistant réalisateur adjoint, a estimé avoir contribué à la réalisation de cinq scènes représentant, selon lui, 35 secondes de séquence audiovisuelle intégrées dans le montage final du film. Il revendique alors la qualité d’auteur d’une contribution et assigne la société Pathé pour contrefaçon.
Il estime, en effet, n’avoir reçu ni contrepartie légale, ni contrepartie morale de la réussite du film. Selon lui, ses contributions à la réalisation de l’œuvre seraient incontestables et n’ont fait l’objet d’aucune redevance d’auteur. Il demande donc à la productrice déléguée du film, la rédaction d’une convention de cession de droits d’auteur. Malgré ses arguments, ni le Tribunal de Grande Instance de Paris en date du 28 septembre 2010, ni la Cour d’appel de Paris n’accueillent sa demande.
Dans son arrêt n°10/20139 rendu le 4 juillet 2012, la Cour d’appel considère que l’assistant réalisateur ne démontre pas avoir effectué une prestation d’auteur réalisateur sur le film. En effet, il ressort de l’arrêt que l’appelant n’apporte pas les éléments démontrant, tout d’abord, un rôle autre que celui dévolu à un technicien et enfin l’empreinte de sa personnalité sur les scènes revendiquées.
L’article L.113-7 du Code de la propriété intellectuelle énumère de façon exhaustive les coauteurs présumés. En pratique, il est donc difficile de reconnaître la qualité de coauteur d’une œuvre audiovisuelle hors présomption légale. Monsieur Guillaume M. ne souhaitant guère se prévaloir du bénéfice de la présomption légale de la qualité de coauteur ; il entendait bénéficier de la qualité d’auteur de certaines scènes du film. Par ailleurs, la mention de son nom sur des claps de tournage ne suffisait pas non plus à établir sa qualité de réalisateur au sens de l’article L.113-7. Celui-ci ne rapportait pas la preuve d’un apport original.
L’action en contrefaçon est subordonnée à la condition que la création soit une œuvre de l’esprit protégeable au sens de la loi, c’est-à-dire originale. Cette condition est nécessaire et suffisante pour bénéficier de la protection du droit d’auteur. L’originalité est l’expression juridique de la créativité de l’auteur, elle est définie comme l’empreinte de sa personnalité. Les juges du fond apprécient ainsi le caractère original de l’œuvre au cas par cas. Or, l’appelant prétend n’avoir disposé que des indications données par le scénario et avoir opéré lors du tournage des choix temporels, techniques et esthétiques portant l’empreinte de sa personnalité. Malgré l’argumentation détaillée de chacune des scènes qu’il revendique, la Cour d’appel applique une jurisprudence constante en considérant que ces scènes « relèvent de contraintes imposées et les choix de l’appelant ne s’avèrent pas suffisants pour caractériser un réel apport créatif au sens du droit d’auteur, et rendre sa contribution, aussi performante soit elle, digne d’accéder à la protection instituée à ce titre ».
Il ne pouvait donc revendiquer une qualification autre que celle d’assistant réalisateur adjoint, poste pour lequel il a été engagé, dès lors qu’il effectue une prestation technique et respecte les directives figurant dans le scénario. Ainsi, le simple fait que le technicien ait pu jouir d’une liberté de choix dans la réalisation de certaines scènes du film, ne lui permet pas de revendiquer la qualité d’auteur.
Sources :
Anonyme, « « Bienvenue chez les Ch’tis » au pays du droit d’auteur », Actudroit, consulté le 12 octobre 2012 : http://actudroit.net/bienvenue-chez-les-chtis-au-pays-du-droit-dauteur/
Anonyme, « Box-office du film Bienvenue chez les ch’tis », Allociné, mis à jour le 30 juillet 2008, consulté le 12 octobre 2012 : http://www.allocine.fr/film/fichefilm-126535/box-office/
Anonyme, « Les œuvres protégées », culture.gouv.fr, consulté le 12 octobre 2012 : http://www.culture.gouv.fr/culture/infos-pratiques/droits/oeuvres.htm
Article L.113-7 du Code de la propriété intellectuelle, consulté le 12 octobre 2012 : http://www.legifrance.gouv.fr/affichCodeArticle.do?idArticle=LEGIARTI000006278887&cidTexte=LEGITEXT000006069414&dateTexte=20121013&oldAction=rechCodeArticle
Maître Yoram Leker, « La difficulté de la reconnaissance de la qualité de coauteur d’une œuvre audiovisuelle hors présomption légale », lecker-avocat.fr, mis en ligne le 30 août 2012, consulté le 12 octobre 2012 : http://www.leker-avocat.fr/droit/3-droit-dauteur/76-la-difficulte-de-la-reconnaissance-de-la-qualite-de-coauteur-dune-uvre-audiovisuelle-hors-presomption-legale
Recueil Dalloz, « CA Paris – Paris – PÔLE 05 CH. 01 – 10/20139 – 04 juillet 2012 », consulté le 12 octobre 2012 : www.dalloz.fr