Dans une lettre adressée au gouvernement, Google menace de ne plus référencer les sites français s’il devait s’acquitter de la taxe que les éditeurs de presse entendent instaurer afin de parvenir à établir un équilibre entre presse et technologie.
En effet, au mois de septembre, l’Association de la presse d’information politique et générale (IPG), présidée par Nathalie Collin, a soumis au Ministère de la Culture et de la Communication son projet de proposition de loi, qui vise à « créer un nouveau droit voisin du droit d’auteur qui bénéficie aux organismes de presse », comme le précise l’Association dans l’exposé des motifs.
La mise en place d’une rémunération à la charge des moteurs de recherche
Dans ce projet, dévoilé par Télérama, l’Association IPG ne se contente pas de créer des droits voisins, comme il en existe dans le cadre du cinéma, de la musique ou de l’édition : elle propose également de modifier l’article L. 335-4 du Code de la propriété intellectuelle relatif à la contrefaçon, punissant ainsi de « trois ans d’emprisonnement et de 300 000 euros d’amende toute fixation, reproduction, communication ou mise à disposition du public […] d’un contenu de presse […] sans l’autorisation, lorsqu’elle est exigée, […] de l’organisme de presse ou de l’entreprise de communication audiovisuelle ».
Ne s’arrêtant pas là, l’IPG prévoit une sanction identique en cas de « défaut de versement de la rémunération due à l’auteur […] ainsi qu’à l’organisme de presse au titre de la copie privée ou de la communication publique […] mais aussi de l’utilisation de liens hypertextes ou de toute technique équivalente permettant d’accéder à des contenus de presse ».
L’IPG voit en cette taxe un moyen d’instaurer une juste rémunération des éditeurs de presse.
L’accueil favorable d’Aurélie Filippetti
Lors de son audition par la Commission des affaires culturelles de l’Assemblée Nationale mercredi 17 octobre, la Ministre de la Culture a explicitement fait part de son opinion en faveur de cette taxe, inspirée notamment d’un projet de loi similaire proposé en Allemagne.
En effet, Aurélie Filippetti avait alors déclaré : « Parmi les outils qu’il me semble important de pouvoir développer, je pense qu’il y a cette idée de créer un droit voisin pour les éditeurs de presse – ce que l’on a appelé un peu facilement la « Lex Google » – qui me semble extrêmement pertinente ».
L’hostilité de Google
Le groupe américain, quant à lui, ne semble pas voir les choses du même œil. Et pour cause, jeudi 18 octobre, il a adressé au gouvernement, via un de ses blogs, une « note blanche » dans laquelle il manifeste clairement son hostilité au projet de l’IPG.
Le ton est donné, puisque, dans ce courrier, Google déclare qu’il « ne peut accepter que l’instauration d’un droit voisin pour le référencement de sites de presse français mette en cause son existence même et serait en conséquence contraint de ne plus référencer les sites français ».
Cette menace est qualifiée de « chantage » par Laurent Joffrin, rédacteur en chef du Nouvel Observateur, qui estime que « la multinationale américaine, qui se targue de remplir une tâche d’intérêt général grâce à son moteur de recherche, vient de démontrer qu’elle se soucie comme d’une guigne du droit à l’information ».
Les détracteurs du projet de « Lex Google » rappellent toutefois qu’en tant qu’entreprise privée, Google n’est pas soumis à une mission d’intérêt général comme le serait un service public français, et n’est donc tenu à aucune obligation de référencement. Rien ne l’empêcherait alors de mettre sa menace à exécution.
Un dialogue établi entre Google et le gouvernement
Les représentants de Google France ont finalement été reçus vendredi 19 octobre au Ministère de l’Economie numérique. Si Google maintient son hostilité au projet de proposition de loi, il n’en reste pas moins ouvert à la discussion. La Ministre Fleur Pellerin, quant à elle, n’a pour l’instant pas arrêté sa décision. Mais compte tenu de l’importance et du poids de l’entreprise Google, l’issue de ce bras de faire risque de se faire attendre.
Sources :
BERNE X., “Taxe Google : une idée « extrêmement pertinente » selon Filippetti », pcinpact.fr, mis en ligne le 18 octobre 2012, consulté le 22 octobre 2012, http://www.pcinpact.com/news/74631-taxe-google-idee-extremement-pertinente-selon-filippetti.htm
BOINET C., « Bras de fer entre Google et les médias français », lesinrocks.com, mis en ligne le 20 octobre 2012, consulté le 22 octobre 2012, http://www.lesinrocks.com/2012/10/20/actualite/google-menace-les-medias-francais-11315624/
BON G., « Google veut prolonger le dialogue avec les éditeurs français », nouvelobs.com, mis en ligne le 19 octobre 2012, consulté le 22 octobre 2012, http://obsession.nouvelobs.com/high-tech/20121019.REU8663/google-veut-prolonger-le-dialogue-avec-les-editeurs-francais.html?xtor=RSS-12
ESPER O., « Les effets néfastes d’un projet de loi visant à interdire le référencement non rémunéré d’articles de presse en France », googlepolicyeurope.blogspot.fr, mis en ligne le 18 octobre 2012, consulté le 22 octobre 2012, http://googlepolicyeurope.blogspot.fr/2012/10/the-facts-about-our-position-on-french.html
JOFFRIN L., « Le chantage de Google », nouvelobs.com, mis en ligne le 18 octobre 2012, consulté le 22 octobre 2012, http://tempsreel.nouvelobs.com/laurent-joffrin/20121018.OBS6291/le-chantage-de-google.html
RENAULT E., « La presse veut faire payer les moteurs de recherche », lefigaro.fr, mis en ligne le 11 septembre 2012, consulté le 22 octobre 2012, http://www.lefigaro.fr/medias/2012/09/10/20004-20120910ARTFIG00717-la-presse-veut-faire-payer-les-moteurs-de-recherche.php
TESQUET O., “Taxe Google : « Télérama » dévoile le projet de loi des éditeurs de presse”, Telerama.fr, mis en ligne le 21 septembre 2012, consulté le 22 octobre 2012, http://www.telerama.fr/medias/taxe-google-telerama-devoile-le-projet-des-editeurs-de-presse,87027.php
Projet de proposition de loi de l’association IPG, « Droits voisins pour les organismes de presse », scribd.fr, consulté le 22 octobre 2012, http://fr.scribd.com/doc/106565372/Projet-de-proposition-de-loi-sur-les-droits-voisins-pour-les-organismes-de-presse