L’audition publique devant une commission du Congrès le 14 septembre 2012, où ZTE et Huawei ont réfuté toutes accusations de cyberespionnage de leur part, n’aura pas permis d’ôter les doutes américains. En effet, dans son rapport publié le lundi 8 octobre 2012, la commission pointe du doigt les deux équipementiers chinois comme étant dangereux pour la sécurité américaine.
La publication du rapport intervient après dix-huit mois d’enquête. Les investigations montreraient notamment que ces deux groupes ne seraient pas en mesures de garantir leur indépendance à l’égard du gouvernement chinois. Ainsi, ce dernier pourrait utiliser les équipementiers à des fins d’espionnage militaire et économique.
Le Canada s’interroge à son tour
Ce rapport a été lourd de conséquences d’un point de vue économique pour les deux accusés. Entre outre, le Canada dès le lendemain de cette publication s’est interrogé sur la fiabilité de ZTE et Huawei alors même que ces derniers sont bien implantés sur le territoire. Le Canada écarterait les deux groupes d’équipements télécoms de la construction de son nouveau réseau gouvernemental en invoquant l’exception de sécurité nationale.
Les équipements télécoms en cause chez notamment Huawei, sont des routeurs qui seraient peu sécurisés. Or ces routeurs sont des pièces maîtresses dans le fonctionnement d’un réseau informatique dès lors qu’ils sont placés au cœur de ce réseau.
La France, elle, reste méfiante au regard des équipementiers chinois. C’est entre autre le rapport du sénateur Jean-Marie Bockel, publié le 18 juillet 2012, qui fait état de certaines mises en gardes contre ZTE et Huawei.
Quant aux australiens, ils les ont écarté de l’appel d’offre faite pour la construction d’un important réseau à haut débit.
Les conséquences de l’accusation sont telles que le porte parole du ministère chinois des affaires étrangères, Hong Lei a dû défendre les deux groupes. Il a déclaré aux autorités américaines que « les entreprises de télécommunications chinoises ont des coopérations internationales basées sur l’économie de marché » et qu’il fallait mettre de côté leurs « préjugés ».
Finalement, selon deux personnes proches de l’enquête de la commission américaine (citées par Reuters), aucune véritable preuve ne serait apportée sur la participation d’Huawei et de ZTE dans de quelconques opérations de cyberespionnage.
Des accusations à des fins de protectionnisme
Si le Canada se défend d’écarter les équipementiers chinois de la construction d’un important réseau gouvernemental mais seulement d’un seul, la commission du Congrès, elle, écarterait de façon plus systématique ces derniers de leur marché des équipements de télécommunications.
En effet, dans son rapport, elle parle ainsi de refuser tout contrat ou fusion d’entreprises américaines avec ZTE et Huawei. D’ailleurs, Mike Rogers, le président du comité républicain, a donné un avis cinglant à propos de l’accusation des deux équipementiers sur la chaîne américaine CBS et ce, la veille de la publication du rapport.
Pour l’analyste Phil Kendall, « la motivation de ces attaques américaines ne vient pas tant d’un problème sécuritaire que ces entreprises pourraient poser mais d’un souci économique ».
Il est vrai qu’Huawei et ZTE sont deux entreprises ayant eu une forte croissance sur ces quatre dernières années. Elles sont aujourd’hui respectivement les numéros deux et cinq mondiaux sur le marché des équipements télécoms.
Huawei est d’ailleurs présente dans près de 140 pays et grignote peu à peu les parts de marchés réservés jusqu’alors aux américains et aux européens tels que Alcatel-Lucent, Nokia Siemens Networks ou encore Cisco. Ceci est notamment dû aux prix des équipements télécoms des deux groupes qui seraient bien inférieurs à ceux de leurs concurrents.
De plus, M. Montagne précise que si la Chine voulait espionner les États-Unis, elles n’auraient pas besoin d’utiliser des équipementiers reconnus mondialement.
La nécessité de transparence et d’indépendance
Le problème soulevé par Jean-Marie Bockel n’est pas tant dans la fiabilité de l’équipement mais plutôt dans la sincérité et la bonne foi des équipementiers chinois mis en accusation puisqu’ils ne respecteraient pas « les règles du jeu ».
ZTE et Huawei sont régulièrement accusés de disposer de crédits illimités de la part de l’État chinois, ce qui permettrait de vendre à perte et ainsi de récupérer des contrats. Cette pratique entraîne alors un déséquilibre du marché des équipements télécoms.
Pour récupérer la confiance des occidentaux ZTE et Huawei doivent impérativement jouer la carte de la transparence et de l’indépendance.
Un effort de coopération et de transparence a toutefois déjà été mis en place par Huawei cet été avec l’ouverture en Angleterre d’un centre d’évaluation de cybersécurité. L’équipementier à par ailleurs publié sur son site un livre blanc rédigé par John Suffolk et dans lequel il réaffirme sa volonté de coopérer sur le plan international, pour améliorer la cybersécurité.
Sources
ANONYME, « Pour la Maison Blanche, Huawei n’a pas espionné les Américains », http://www.lemonde.fr/technologies/article/2012/10/19/pour-la-maison-blanche-huawei-n-a-pas-espionne-les-americains_1777679_651865.html, le 19 octobre 2012.
ANONYME, « Télécoms : les ambitions de Huawei menacées par le Congrès américain », http://www.lepoint.fr/futurapolis/point-innovation/telecoms-les-ambitions-de-huawei-menacees-par-le-congres-americain-09-10-2012-1515039_448.php, le 9 octobre 2012.
ANONYME, « La sécurité américaine menacée par les deux géants chinois des télécoms », http://www.lemonde.fr/ameriques/article/2012/10/08/la-securite-americaine-menacee-par-les-deux-geants-chinois-des-telecoms_1771567_3222.html?, le 8 octobre 2012, mis à jour le 10 octobre 2012.
ANONYME, « Huawei and ZTE pose security threat, warns US panel », http://www.bbc.co.uk/news/business-19867399, le 8 octobre 2012.
BELOUEZZANE S. et THIBAULT H., « Derrière la mise à l’index de Huawei et ZTE, les analystes pointent un certain protectionnisme », http://www.lemonde.fr/economie/article/2012/10/11/derriere-la-mise-a-l-index-de-huawei-et-zte-les-analystes-pointent-le-protectionnisme_1774146, le 11 octobre 2012.
BERGE F. :
* « Les chinois Huawei et ZTE mis à l’index par le congrès américain (MAJ) », http://www.01net.com/editorial/575001/les-chinois-huawei-et-zte-mis-a-lindex-par-le-congres-americain/, le 19 octobre 2012.
* « Huawei : pas de preuve évidente de cyberespionnage aux Etass-Unis », http://www.01net.com/editorial/578211/huawei-pas-de-preuve-evidente-de-cyberespionnage-aux-etats-unis/, le 18 octobre 2012.
* « Contre offensive du chinois huawei, accusé de cyberespionnage », http://www.01net.com/editorial/573047/contre-offensive-du-chinois-huawei-accuse-de-cyberespionnage/, le 14 septembre 2012.
DELALANDE Ph., « Les investissement chinois en France : Les craindre ou les souhaiter ? », http://www.lemonde.fr/idees/article/2012/10/15/les-investissements-chinois-en-france-les-craindre-ou-les-souhaiter_1775602_3232.html?xtmc=huawei&, le 15 octobre 2012.
KALLENBORN G., « Le Canada s’interroge à son tour sur Huawei », http://www.01net.com/editorial/577437/le-canada-s-interroge-a-son-tour-sur-huawei/, le 10 octobre 2012.
PONCET G., « Cyberdéfense : les sénateurs ciblent la Chine », http://www.lepoint.fr/chroniqueurs-du-point/guerric-poncet/cyberdefense-les-senateurs-ciblent-la-chine-19-07-2012-1487160_506.php, le 19 juillet 2012.