La ministre de la Culture Aurélie Filippetti va proposer un nouveau projet de taxe sur les services de télévision (TST) à Bruxelles. En effet le gouvernement s’attarde en ce moment à négocier avec la Commission européenne sur une refonte de la TST, actuellement incompatible avec le cadre réglementaire européen. La Commission européenne appréciera sa validité, pour que la nouvelle mouture de cette taxe puisse être votée à la fin de l’année à l’Assemblée Nationale. Rappelons qu’une précédente réforme de la TST avait déjà été refusée par la Commission. Cette taxe est perçue par le Centre national de la cinématographie (CNC) pour alimenter le compte de soutien à l’industrie des programmes audiovisuels (Cosip). Elle pèse sur les opérateurs télécoms et sur les autres distributeurs de services de télévision, ces derniers participant ainsi au développement du secteur du cinéma. Mais, la TST actuelle est remise en cause par le CNC et le gouvernement, car elle est contournée par certains opérateurs télécoms.
Nouveau projet de taxe pour éviter les contournements réalisés par les opérateurs télécoms
Le motif principal de la refonte de cette taxe est du au fait que la TST actuelle, calculée sur une partie du chiffre d’affaires de l’offre triple play des fournisseurs d’accès à Internet, est contournée par certains opérateurs télécoms, à savoir Free depuis plus d’un an et SFR tout récemment. En effet ces derniers ont trouvé une astuce pour réduire fortement la base sur laquelle ils sont taxés, en isolant les services de télévision de leurs offres triple play.
Ainsi Free, en facturant son volet télévision comme un service optionnel à 1,99 euros par mois, en dehors de son offre triple play (qui dès lors n’en est plus réellement une), réduit considérablement l’impact de la télévision dans son offre, et par conséquent ladite taxe. De ce fait, Free participe nettement moins au financement du Cosip pour aider la filière audiovisuelle. De la même manière, SFR avec son option télévision à 3 euros par mois, utilise cette même faille. Bien qu’une telle pratique soit légale, cette optimisation fiscale exercée par Free et SFR, pose également un problème d’équité fiscale entre les opérateurs, car Orange et Bouygues n’agissent pas de la sorte.
Dès lors le gouvernement en place, principalement la ministre de la Culture (Aurélie Filippetti) et la ministre déléguée à l’économie numérique (Fleur Pellerin), s’active pour remédier à cette situation en cherchant de nouveaux modes d’application de cette taxe, notamment en ce qui concerne l’assiette.
Débat sur l’assiette de la nouvelle taxe
D’un côté le gouvernement souhaite une assiette large avec des abattements pour tenir compte de la télévision dans l’offre faite au consommateur. La ministre de la Culture souhaite faire « contribuer tous les appareils ». Bercy a lui proposé l’idée d’un forfait de l’ordre de 70 centimes par abonnement à l’Internet haut débit fixe et non plus sur le chiffre d’affaires. De même le CNC, principal intéressé, s’engage en faveur d’une assiette large de la taxe pour tous les abonnements qui permettent d’accéder à Internet, ce qui englobe les mobiles.
De l’autre, la fédération française des télécoms (FTT) a fait savoir à la ministre de la Culture, par l’intermédiaire d’une lettre en octobre, qu’elle souhaitait que l’assiette de la TST soit réajustée pour tenir compte de la réalité de la consommation télévisuelle, qui est en effet relativement très faible pour les mobiles. Lors d’un entretien, entre la ministre de la Culture et Stéphane Richard, PDG d’Orange, ce dernier affirmait vouloir une assiette étroite qui exclurait les abonnements mobiles, et permettrait toujours de maintenir une contribution raisonnable du financement du CNC (les opérateurs télécoms ont versé 190 millions d’euros en 2011 au titre de cette taxe). La FTT a elle précisé que, seules des offres comprenant une véritable distribution commerciale de services de télévision devraient être assujetties à la TST. En effet on ne peut taxer l’Internet sous prétexte qu’il donne hypothétiquement accès à de la télévision, il faut que l’offre mobile en question comprenne un abonnement spécifique la TV. Comme le relève Pierre Louette, secrétariat général et opérateurs France chez Orange : « le téléphone n’est pas un vecteur privilégié de diffusion de la télévision, encore moins du cinéma ».
Les discordes avec la Commission européenne et les réticences de la Cour des comptes
Il faut se souvenir qu’un premier projet sur une nouvelle TST a déjà été rejeté par Bruxelles, et que les tensions subsistent à l’aube de la validation de cette nouvelle TST. Ainsi, pour Bercy, l’essentiel tient d’abord à sécuriser le dispositif sur le plan juridique pour éviter un nouveau rejet, ce pourquoi a été émis l’idée du forfait de l’ordre de 70 centimes par abonnement à l’Internet haut débit fixe qui serait accepté par Bruxelles.
De plus, la ministre de la Culture reproche la logique trop libérale de la Commission. Elle explique ainsi : « la Commission a du mal à accepter ces mécanismes qui sont ceux du financement de la création en France, et qui consistent à dire “aujourd’hui, ce sont les diffuseurs par voie numérique, ce sont les FAI, qui finalement, tirent aussi un profit des œuvres culturelles qui sont produites. Et donc, faisons les participer au financement de ces œuvres” ». Mais, le problème étant que la Commission européenne a mis en place une directive qui interdit de taxer les télécoms pour financer d’autres activités. De ce fait, Bruxelles, juge que cette TST est contraire à la réglementation européenne.
Ajouter à cela, la Cour des comptes est également réticente à ce projet, et elle exprime ses doutes vis-à-vis de la légalité du système. La Cour des comptes écrit ainsi : « La consommation de services de télévision constitue un usage parmi d’autres. D’autres produits culturels y sont consommés sans pour autant faire l’objet d’une taxation », en citant l’exemple de la musique.
Sources :
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BERNE (X.), « TST : Aurélie Filippetti déplore la logique « trop libérale » de Bruxelles », PC INpact, mis en ligne le 29 octobre 2012, consulté le 17 novembre 2012, http://www.pcinpact.com/news/74908-tst-aurelie-filippetti-deplore-logique-trop-liberale-bruxelles.htm
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CUNY (D.), CASSINI (S.), « Orange monte au créneau sur la taxe des télécoms chez Filippetti », La Tribune, mis en ligne le 10 octobre 2012, consulté le 17 novembre 2012, http://www.latribune.fr/technos-medias/20121010trib000724007/orange-monte-au-creneau-sur-la-taxe-des-telecoms-chez-filippetti.html
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