Le 12 novembre dernier, un pas de plus a été franchi dans la rémunération des droits d’auteur des journalistes. En effet, un accord collectif en faveur des journalistes de l’AFP a été conclu, leur permettant désormais d’être rétribué lors d’exploitations dites « secondaires » de leurs œuvres. Dorénavant, pour une exploitation au-delà de 31 jours ou à d’autres fins que l’information, les journalistes de l’AFP percevront des droits d’auteur. La direction et les syndicats de l’AFP ont décidé de confier cette gestion à la SCAM (Société civile des auteurs multimédia). Cet accord intervient dans un contexte marqué par l’urgence.
Les droits d’auteur des journalistes bouleversés par la loi HADOPI
Avant 2009, c’était la jurisprudence qui avait fixé les contours des droits d’auteur des journalistes. Elle avait créé un droit de première publication, qui permettait à un journal d’exploiter une première fois l’œuvre d’un journaliste sans son autorisation. Pour toutes les autres exploitations, le journaliste devait conclure un contrat de cession avec son employeur. Mais avec le développement des journaux sur Internet, ce fonctionnement complexe ne pouvait plus subsister.
La loi HADOPI du 12 juin 2012 a bouleversé de fond en comble le système. Elle a introduit les articles 132-35 et suivants dans le CPI, qui consacrent la notion d’œuvre multi-support. Désormais, le contrat liant un journaliste prévoit la cession automatique de son œuvre au titre de presse, tout support confondu, durant une durée déterminée. Ainsi, le titre peut exploiter les œuvres des journalistes, à la fois sur support papier et sur Internet, ce qui est bien plus adapté au monde contemporain. Les droits d’auteur sont compris dans les salaires des journalistes.
En ce qui concerne les exploitations faites au-delà de la date fixée pour la cession automatique, l’article 132-38 du CPI renvoit soit à un accord d’entreprise, soit à un accord collectif pour déterminer une rémunération supplémentaire versée aux journalistes. C’est de cet accord collectif dont il est question pour les journalistes de l’AFP.
La situation de l’AFP
L’AFP a une situation particulière vis-à-vis des droits d’auteur. En effet, pendant longtemps, les dépêches de l’AFP se sont vues refusé le statut d’œuvre, compte tenu de leur manque d’originalité sous prétexte de leur brièveté. Ainsi, elles n’étaient pas protégées.
Un arrêt du Tribunal de commerce de Paris du 5 février 2010 est venu remettre cela en cause, en condamnant des sites Internet pour contrefaçon de dépêches de l’AFP. Dans son jugement, le tribunal rompt avec la jurisprudence habituelle, considérant que « Les dépêches de l’AFP correspondent, par construction, à un choix des informations diffusées, à la suite le cas échéant de vérifications de sources, à une mise en forme qui, même si elle reste souvent simple, n’en présente pas moins une mise en perspective des faits, un effort de rédaction et de construction, le choix de certaines expressions. [Elles] présentent [donc] les caractéristiques d’une œuvre de l’esprit ». Néanmoins, cet arrêt est frappé d’appel, il n’est encore possible d’en tirer aucune conclusion.
Mais les auteurs des dépêches ne sont pas les seuls journalistes de l’AFP. Les dessinateurs, photographes, infographistes etc… peuvent également se voir reconnaître le statut de journaliste en droit du travail, et ainsi entrer dans le cadre de la législation relative aux droits d’auteur des journalistes. Ils sont donc concernés car leurs œuvres doivent être protégées et leur exploitation rémunérée au titre des droits d’auteur.
L’urgence de la conclusion d’un accord collectif
Il était donc urgent, après la loi HADOPI et compte tenue du développement constant d’Internet, de régler la question de la rémunération des exploitations « secondaires » des œuvres au plus vite.
Les photographes de l’AFP avaient déjà agi en ce sens. En effet, fin décembre 2011, un accord avait été signé avec la SAIF (Société des auteurs des arts visuels et de l’image fixe), pour une rémunération des exploitations « hors information » et à des fins d’archive de leurs œuvres. Cela a permis de mettre fin à un conflit qui durait depuis le début des années 2000, sur la rémunération des photographes de l’AFP.
Mais il fallait encore régler la situation des autres journalistes, et le nouveau Président-Directeur général de l’AFP, Emmanuel Hoog, en avait fait, lors de sa prise de fonction en 2010, l’une de ses priorités. C’est ainsi que le 12 novembre, un accord collectif a enfin été signé avec la SCAM, concernant tous les journalistes (textes, photos, multimédia, infographie) et salué par tous les partis au contrat, notamment par le directeur général de la SCAM qui a déclaré que « Cet accord est un juste compromis, reconnaissant les qualités et les droits de journalistes et d’auteurs qui sont distincts et complémentaires ». Aurélie Filipetti, ministre de la Culture, se considérant elle-même comme la « marraine » de cette accord, a affirmé quant à elle que cet accord est « d’autant plus important à l’heure où des menaces pèsent sur les droits d’auteur à l’ère du numérique ».
Sources :
Anonyme, « Accord sur les droits d’auteur des journalistes de l’AFP », challenge.fr, mis en ligne le 12 novembre 2012, consulté le 18 novembre 2012, <http://www.challenges.fr/media/20121112.AFP4732/accord-sur-les-droits-d-auteur-des-journalistes-de-l-afp.html>
Anonyme, « La Scam signe des accords avec l’AFP et les syndicats des journalistes », scam.fr, mis en ligne le 12 novembre 2012, consulté le 18 novembre 2012, <http://www.scam.fr/tabid/363252/articleType/ArticleView/articleId/7860/La-Scam-signe-des-accords-avec-lAFP-et-les-Syndicats-de-journalistes.aspx>
Anonyme, « La SAIF et l’AFP ont conclu fin décembre un accord sur les droits d’auteur des photographes », saif.fr, mis en ligne le 17 janvier 2012, consulté le 18 novembre 2012, <http://www.saif.fr/spip.php?page=saif_art&id_article=117>
MARTIN-LAGARDETTE J.-L, « Les dépêches AFP bénéficieront-elles de la protection du droit d’auteur ? », Ouvertures, mis en ligne le 6 mai 2010, consulté le 18 novembre 2012, <http://www.ouvertures.net/les-depeches-afp-beneficieront-elles-de-la-protection-du-droit-dauteur/>
Laboratoire PRiNT, « Le droit d’auteur des journalistes après la loi HADOPI du 12 juin 2009 », legavox.fr, mis en ligne le 30 décembre 2009, consulté le 18 novembre 2012, <http://www.legavox.fr/blog/laboratoire-print/droit-auteur-journalistes-apres-hadopi-1443.htm>