Alors qu’on croyait le site de partage Demonoid définitivement fermé il y a plus de trois mois, depuis le lundi 12 novembre 2012 son tracker fonctionne à nouveau. En effet le site hébergé en Ukraine avait vu ses serveurs attaqués le 27 juillet dernier et ses noms de domaine mis en vente, signant ainsi l’arrêt de mort du site de téléchargement. Sa fermeture était probablement l’événement le plus important depuis la disparition de MegaUpload.
Ouvert en 2003, Demonoid est l’un des sites de trackers de fichiers bitTorrent les plus célèbres, à l’instar de Pirate Bay ou Isohunt. Il fut hébergé dans un premier temps aux Pays-Bas jusqu’en 2007, puis au Canada jusqu’en 2009. Contraint à chaque fois à la fermeture, le site avait refait surface en relocalisant ses serveurs en Ukraine où la législation était plus souple qu’ailleurs, notamment qu’aux Etats Unis. Le serveur est une sorte « d’index de téléchargements possibles ». Il présente néanmoins une différence notable avec les autres sites de trackers de torrent, puisqu’il est semi-privé : Pour obtenir un compte il est nécessaire de se faire parrainer par un membre sauf à bénéficier des rares périodes durant lesquelles le site s’ouvre à de nouveaux utilisateurs. Financé par des dons mais également par des bannières publicitaires, l’utilisation du site est gratuite. Pour le reste il fonctionne comme toute bibliothèque de torrents en relayant des liens pointant vers les fichiers localisés chez les internautes.
Le 27 juillet dernier, Demonoid, hébergé depuis trois ans par Colocall, le plus gros hébergeur d’Ukraine, est victime d’attaques DDoS d’envergures qui le rendent inaccessible. Les attaques DDoS sont des attaques par déni de service distribué (Denial of service attack), à savoir des attaques électroniques ayant pour but de saturer de requêtes les serveurs et rendre ainsi indisponible un service ou encore d’empêcher les utilisateurs de l’utiliser. Le serveur submergé ne répond plus, ne remplis plus son rôle et commet ainsi un déni de service. L’attaque subie par Demonoid a en l’espèce également été doublée d’une tentative d’intrusion. Rendu inaccessible, le site de téléchargement conserve toutefois l’espoir d’une réouverture rapide. Pourtant quelques jours plus tard ses serveurs sont copiés puis saisis par les autorités ukrainiennes. Enfin, achevant tout espoir de survie du site, trois noms de domaines, Demonoid.com, Demonoid.me et Demonoid.ph, sont mis en vente. À l’origine de cette intervention on retrouve la Fédération Internationale de l’Industrie Phonographique (IFPI). L’organisation d’ayants droit de la musique a affirmé avoir multiplié les plaintes auprès d’Interpol qui a finalement coordonné une opération internationale ayant conduit à la fermeture du site et à la saisie de ses serveurs par la police ukrainienne. Le directeur de la lutte contre le piratage de l’IFPI avait alors estimé que « Demonoid était un acteur mondial majeur en matière de piratage de musique numérique, qui concurrençait de manière déloyale plus de 500 services d’offre légale proposant de la musique de qualité aux consommateurs, tout en respectant les droits des artistes, des auteurs-compositeurs et des maisons de disques ».
Pour autant l’action ne s’est pas arrêtée à la simple fermeture de Demonoid : une enquête criminelle a été ouverte à l’encontre des responsables du site au Mexique où ils s’étaient exilés, rappelant ainsi la fermeture en janvier dernier du site Megaupload et notamment l’arrestation de son fondateur Kim Dotcom.
La presse ukrainienne est venue préciser les contours relativement flous de cette action, notamment grâce aux révélations du journal Kommersant qui précisait que c’est en gage de bonne foi envers les Etats Unis que les autorités Ukrainiennes ont procédé à la saisie des serveurs. En effet le journal met en avant que celle-ci coïncidait avec la visite du vice-premier ministre ukrainien aux Etats Unis afin de parler de la lutte contre la contrefaçon. Et ce, alors même que Demonoid figurait sur la liste noire des « pires sites pirates au monde » publiée par la puissante Motion Picture Association of America (MPAA). Ayant encore en tête le rôle joué par les diplomates européens dans l’action menée par la Suède contre le site The Pirate Bay ou encore la révélation des pressions effectuées par les USA sur l’Espagne afin que celle-ci durcisse sa législation anti-piratage, la presse n’hésite pas à alimenter la théorie du complot.
Pourtant, après plus de trois mois d’absence et contre toute attente, les récents mouvements laissent supposer que le site de torrents pourrait reprendre du service. En effet, depuis le 12 novembre, le site TorrentFreak a pu constater que le tracker fonctionnait de nouveau. L’index de téléchargement et les différentes pages du site sont toujours quant à eux inaccessibles. Pour autant la résurrection du tracker laisse supposer que les équipes de Demonoid travaillent à la renaissance du site dans son entier. De plus, lors de son congé forcé en 2009, le site avait refait surface quelques semaines après la remise en service de son tracker. Fait étonnant, le site TorrentFreak a observé que le tracker émettait dorénavant de Hong-Kong. Il parait donc plausible que Demonoid ait quitté l’Europe de l’Est pour l’Asie. On peut alors s’étonner de cette stratégie étant précisé que la législation chinoise sur le copyright est tout sauf permissive pour les sites de Torrents.
La question se pose ici de la pérennité de ce choix somme toute stratégique et il reste à savoir comment réagiront les autorités chinoises face à la résurrection probable de la très active communauté Demonoid.
Sources :
ANONYME, « Demonoid (site web) », Wikipédia, dernière modification le 12 octobre 2012, consulté le 24 novembre 2012, http://fr.wikipedia.org/wiki/Demonoid_(site_web)
BERNE (X.), « le tracker de Demonoid reprend finalement du service », PC INpact, mis en ligne le 12 novembre 2012, consulté le 13 novembre 2012, http://www.pcinpact.com/news/75229-le-tracker-demonoid-reprend-finalement-service.htm
BERNE (X.), « La fermeture de Demonoid organisée par Interpol après des plaintes de l’IFPI », PC INpact, mis en ligne le 10 août 2012, consulté le 24 novembre 2012, http://www.pcinpact.com/news/73039-la-fermeture-demonoid-organisee-par-interpol-suite-a-plaintes-l-ifpi.htm
BURGESS (R.), « Demonoid’s tracker flickers to life, website remains dark », Techspot, mis en ligne le 13 novembre 2012, consulté le 13 novembre 2012, http://www.techspot.com/news/50791-demonoids-tracker-flickers-to-life-website-remains-dark.html
CHAMPEAU (G.), « Demonoid fermé par l’Ukraine pour plaire aux USA ? », Numérama, mis en ligne le 7 août 2012, consulté le 24 novembre 2102, http://www.numerama.com/magazine/23360-demonoid-ferme-par-l-ukraine-pour-plaire-aux-usa.html
ERNESTO, « Demonoid is back, BitTorrent tracker is now online », Torrent Freak, mis en ligne le 12 novembre 2012, consulté le 13 novembre 2012, http://torrentfreak.com/demonoid-is-back-bittorrent-tracker-is-now-online-121112/
FANEN (S.), « Téléchargement : tous contre Demonoid », Écrans, mis en ligne le 10 août 2012, consulté le 24 novembre 2012, http://www.ecrans.fr/Telechargement-tous-contre,15097.html
NAWAKS, « Qu’est ce qu’une attaque DDoS ? », Blogspot, mis en ligne le 2 janvier 2011, consulté le 24 novembre 2012, http://nawaks.blogspot.fr/2011/01/quest-ce-quune-attaque-ddos.html
PLAFKE (J.), « Demonoid tracker back online, servers moved to Hong-Kong », Geek.com, mis en ligne le 12 novembre 2012, consulté le 13 novembre 2012, http://www.geek.com/articles/news/demonoid-tracker-back-online-servers-moved-to-hong-kong-20121112/