Le gouvernement australien a finalement décidé de mettre fin à son projet de filtrage automatisé du web. Le projet, qui date de 2007, était conçu, initialement, pour lutter contre la pédopornographie en ligne. L’annonce, qui a été faite début novembre par le ministre des communications et principal propulseur du projet, Stephen Conroy, a été reçue avec joie par les fournisseurs d’accès à internet (FAI) du pays et la société en générale, qui craignait une censure excessive comparable à celle des régimes totalitaires.
Un projet controversé dès l’origine
Issue d’une promesse électorale de la campagne de 2007 du parti travailliste australien pour assurer la cyber sécurité, le but initial était de lutter contre la pédopornographie sur internet. Mais le projet avait évolué pour englober aussi la pornographie classique, les violations sexuelles, l’utilisation des drogues, les actes terroristes, parmi d’autres contenus considérés comme illégaux sous la législation australienne.
Pour ce faire, le gouvernement avait proposé la création d’une liste noire, regroupant tous les sites web incriminés auprès de l’Australian Communications and Media Authority (ACMA), l’organisme australien chargé des médias et des communications, et ayant été notés RC (« refused classification » ou « classification refusée »). Les FAI étaient donc censés bloquer l’accès à tous les sites web inclus dans ladite liste.
Le projet avait rencontré des oppositions car d’une part, la fameuse liste noire n’était pas disponible au public. Ce fait posait le risque de ne pas faire rentrer que le contenu illégal, mais aussi le contenu controversé, comme ceux des sites dédiés à l’euthanasie ou à l’anorexie, et empêchait aux opérateurs des sites de savoir s’ils étaient inclus dans la liste ou de savoir comment contester son inclusion, donnant ainsi au gouvernement un pouvoir très large, assimilable à la censure.
En effet, la publication de la liste détenue par l’ACMA par Wikileaks en 2009, démontrait que seulement la moitié d’URL’s étaient des sites pédopornographiques. Le reste incluait des sites de jeux en ligne, des sites de pornographie classique, des sites dédiés à l’euthanasie ou à l’avortement, et même le site d’un dentiste.
D’autre part, d’un point de vue technologique pour les FAI, la mise en place d’un système de blocage automatisé restait trop couteux, peu effectif et ralentissait le trafic. Ainsi, par exemple, la plupart du temps, le partage du contenu pédopornographique se faisait par le biais des réseaux P2P, qui n’étaient pas visés par le blocage. Malgré l’opposition, le gouvernement défendait le système en évoquant des « raisons morales ».
Une solution plus mesurée
Néanmoins, en novembre 2012, le gouvernement avait annoncé finalement sa décision de ne pas continuer avec la législation concernant le filtrage automatisé. A sa place, l’Australie a opté pour le blocage des sites web contenus dans la liste « The Worst of » de l’Interpol.
Peter Lee, directeur géneral de l’Internet Industry Association, a qualifié la mesure comme positive. Contrairement à la liste noire prétendue par l’Australie, la liste de l’Interpol est plus transparente. Pour qu’un site puisse figurer dans la liste, il doit être examiné par les autorités d’au moins deux pays.
Le gouvernement compte sur l’accord des principaux FAI australiens pour bloquer l’accès aux sites figurant dans la liste de l’Interpol. Ce qui représente 90% de la population australienne. La police fédérale compte aussi envoyer des notifications aux fournisseurs plus petits et les aider pour qu’ils puissent répondre à leurs obligations et empêcher l’accès de ses clients aux contenus illicites. Cette solution est comparable à celle pris par la Grande Bretagne, le Canada et les pays scandinaves.
Il faut retenir que la pédopornographie est un problème à échelle mondiale qui a besoin de la coopération et participation des Etats ; les mesures que ces derniers peuvent prendre pour y faire face, doivent tenir compte de ne pas porter atteinte à la liberté d’accès des internautes aux contenus licites, ce qui empêcherait l’exercice de la liberté d’expression et de communication. L’implémentation des listes noires nationales n’est pas prohibée, si elles suivent une procédure transparente et fournissent des garanties suffisantes.
Sources :
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ANONYME, « L’Australie renonce à son projet de filtrage du Web », LeMonde.fr, mis en ligne le 09 novembre 2012, consulté le 04 décembre 2012, disponible sur http://www.lemonde.fr/technologies/article/2012/11/09/l-australie-renonce-a-son-projet-de-filtrage-du-web_1788461_651865.html
COOREY (Ph.), « Conroy backs away from internet filter », The Sydney Morning Herald, mis en ligne le 09 novembre 2012, consulté le 04 décembre 2012, disponible sur http://www.smh.com.au/technology/technology-news/conroy-backs-away-from-internet-filter-20121108-290ym.html
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